Redemarrer en fanfare avec LGMX, Meute et Toomanyzooz

Démarrage en fanfare. Il va falloir reprendre le chemin de l’école ou du boulot. Ou les deux. Il faut vérifier si tout le monde a tout ce qu’il faut pour reprendre un quotidien qui nous a fait du mal ces derniers mois. Et en plus il faut se remettre d’un été beaucoup trop chaud.

Il faut se motiver et c’est vrai que la fanfare est un concept sympa à imaginer. Des cuivres, des reprises, du monde, de la communication, de l’osmose, la fanfare a tout pour plaire et elle s’est bien renouvelée: la preuve en trois disques!

Découverts sur une petite scène de l’Isère, les gaillards de LGMX cherchent effectivement à faire bouger la foule. Avec une rythmique discrète et tout un tas d’instruments à vents, ces musiciens de Lyon se prennent pour un ordi et font de l'électro dansante avec un souffle exubérant.

Leur premier et court effort sur disque donne une idée de leur démarche : faire une bonne grosse rave, sans électricité mais juste avec un effort collectif. On a du mal à résister à l’entente entre les musiciens: ils arrivent facilement à nous faire danser et vivre une expérience tous ensemble. Depuis la pandémie, cela fait un bien fou. 

On leur souhaite le même succès que la Meute, dynamiteur de clichés et maître de la grosse fiesta qui vous met les pieds sur la tête en la remplissant de good vibes. Les trompettes et autres trombones vont s’appliquer à imiter les beats et les bpm. Ça fonctionne mieux que le modèle électronique.

Les onze musiciens allemands font bien la différence avec les dj. Sur scène, on les voit suer et se soutenir mutuellement, quand un dj lève ses bras en l’air et mouline avec ses mix, bien trop seul avec quelques lumières pour faire oublier la vacuité du spectacle. Sur disque ou sur scène, Meute régale par sa synergie et son originalité.

Connus pour leurs reprises de morceaux dance, ils savent aussi se réaliser avec des titres originaux qui tentent des choses. Les vertus de la fanfare sont évidentes: le vivre-ensemble est vraiment appliqué et en plus la musique est bonne. Très bonne. le disque feel good par excellence.

Mais c’est la qualité de la plupart des réalisations de tout ce genre qui semble émerger sérieusement depuis que l’on a tous été isolés il y a deux ans et demi. On veut partager, se mélanger et danser encore.

Mais les champions du monde du genre sont américains. Et c’est un tout petit trio qui fait un maximum de bruit! Toomanyzooz est le genre de groupe à avoir le feu sacré et une impressionnante force de frappe pour secouer les corps !

Un saxophone baryton, une trompette, une batterie, des tonnes d’idées et des débuts dans le métro new-yorkais qui leur ont donné un vécu précieux. En terme d’intensité, ils savent y faire et cela s’entend: leur musique mélange à une vitesse folle les genres entre le jazz, la techno ou le hip-hop.

Leurs ep’s sont des petites gourmandises. On apprécie chez eux la rapidité d'exécution mais aussi son urgence. Leur musique est vivante et vivace. Ils conservent cette obsession du mouvement avec leur mini brass band, d’un altruisme réjouissant.

Après ces trois disques, vous allez peut-être en avoir marre des cuivres mais cette petite armée de musiciens originaux, qui ont envie de nous faire bouger après une longue période statique, ne peut qu’être une bonne nouvelle à entendre, écouter et apprécier! Let’s dance comme disait l’autre.

Vesper Chronicles, Kristina Buožytė, Bruno Samper

C’est vraiment le petit film d’été : une découverte ni parfaite ni mauvaise, qui navigue entre les eaux et ne laisse pas indifférent.

Pourtant ce n’est pas gagné avec son histoire de gamine qui étudie les plantes pour sauver le monde de la catastrophe. En réalité, elle est déjà arrivée la crise : à force de virus, les hommes ont rendu aride la planète et nous sommes revenus dans une ambiance moyen-âgeuse.

Les nantis vivent dans des citadelles. Le reste de la population survit dans la boue et la misère. Vesper, qui vit isolée avec son père handicapé, se passionne pour la nature et reste persuader que l’on trouvera la réponse grâce aux plantes. Un beau jour, deux personnes de la citadelle s’écrasent à coté de chez elle, et c’est bien entendu les débuts d’une succession de drames…

Mais on doit tout de suite reconnaitre que les deux réalisateurs réussissent à nous plonger dans un univers futuriste impressionnant avec, effectivement, une obsession pour une flore fantastique, colorée et dangereuse. Ils se font un mini Avatar avec leurs moyens beaucoup plus humbles.

Ils n’ont rien à envier à James Cameron : leurs acteurs sont très convaincants. Le casting est mené par un Eddie Marsan, impérial en tyran campagnard. Enfin un rôle à la hauteur du talent de ce second couteau souvent mal exploité.

Effort européen, Vesper Chronicles propose une science fiction différente qui ne cherche jamais le spectaculaire mais plutôt cultive les astuces. Le film soigne ainsi les ambiances. Le rapport fille père surprend. Les intrus apportent vraiment quelque chose à une intrigue qui joue constamment sur la méchanceté des protagonistes qui tentent de se convaincre qu’ils ont encore un semblant d’humanité. Le décor cache des surprises parfois fatales. On peut juste regretter une musique un peu envahissante.

Le film, par son étrangeté et son ton, nous permet de voir autre chose. Alors en été, se retrouver dans le brouillard et le froid n’est peut être pas le spectacle le plus apprécié mais il faut dire que c’est une œuvre originale, qui tente et souvent réussit.

Sortie le 17 août 2022
Condor Distribution - 1h50 

Mr Giscard, Chichi et Banane, Au Comptoir des Histoires

Y a t il un héritier à Boby Lapointe dont on fête les 100 ans ces jours-ci? Le barbu est pour beaucoup l’un des tout premiers rappeurs avec sa cadence folle et ses jeux de mots qui nous entourloupent dans un humour doux amer et nous racontent des histoires simples, cruelles et souvent drôles.

Alors qui est capable de relever le défi? En réalité personne. Le rap aujourd’hui a perdu le sens de la réalité même si on aime beaucoup le défaitisme qui traverse les compositions de Mr Giscard. Déjà, en choisissant un tel nom, on a le droit de réclamer un titre de serial looser et c’est ce qu’il fait dans son premier album, une chronique vacharde du jeune adulte pas trop sûr de lui.

Mr Giscard donne le ton avec des chansons comme “Tu sais ma vie c’est vite chiant” ou “sans sentiment”. Il n’a pas un flow spectaculaire mais il a la nonchalance d’un Orelsan à ses débuts et n’a pas peur de mettre en avant sa misogynie pour mieux la dénoncer.

Musicalement c’est beaucoup plus intéressant que les accros au vodocodeur ou les musculeux sans cerveau. Rigolo, astucieux, irrespectueux, le son de Mr Giscard nous rassure un peu sur un genre trop dopé et désormais risible.

Mais tout ceci est peut être trop urbain pour rivaliser avec l’art de Boby Lapointe. On va descendre dans le sud, pas loin de son lieu de naissance, pour voir ce que valent Chichi et Banane, deux vauriens de la chanson française.

Ils traînent sur la rade de Marseille et décrivent avec un banjo enjoué et des rimes riches le quotidien de la région. Bien entendu, on entend les cigales mais on parle évidemment du pastis, de la pétanque et des légendaires cagoles.

Avé l’accent, les deux amis s’amusent de tout et jouent sur une jolie mélancolie qui rappelle l’humanisme chaleureux de Robert Guédiguian, autre artiste du coin qui a cette façon unique et humble de s’intéresser aux petites gens. Là c’est pareil mais en paroles et en musique. C’est charmant, hors du temps et nous sommes totalement dans l’esprit de Boby Lapointe.

Au Comptoir des Histoires a tout du groupe nourri au Boby Lapointe. Il y a de la générosité et une envie de s’amuser avec le présent et toutes ses conneries. On a un peu peur de tomber sur de nouveaux Trois Cafés Gourmands, mais ce groupe de copains a un peu moins de sentimentalisme et de démagogie : ils chantent la vie populaire mais ne perdent pas de vue de faire de la musique, ce qui est un bon début.

On pense à La Tordue ce qui est pas mal du tout pour ce sextuor qui se risque à la chanson populaire, souvent maltraitée ces dernières années. Bon, pour Boby on oublie un peu notre recherche, mais on est content de retrouver des musiciens de comptoir, qui ont bien écumé les scènes locales et les petits festoches.

Ils se mettent à hauteur d’hommes et on veut trinquer avec eux. Une belle rencontre qui pourrait finir sur une chanson de Boby Lapointe, éternel chanteur au grand cœur! Et dans ces trois disques on sent bien des cœurs battre : un plus dans une œuvre!

Comédies françaises, Eric Reinhardt, Folio

Il était dit que je devais lire ce livre … une critique globalement positive entendue dans La Librairie Francophone d’Inter, une recommandation dithyrambique d’un ami et un livre acheté deux fois par erreur et si l’on ajoute à cela un sujet (l’histoire des systèmes d’information) qui m’intéresse beaucoup, je ne pouvais pas passer à côté !

La quatrième de couverture est centrée sur l’histoire de la création EN FRANCE de ce qui deviendra Internet.

Il est alors très motivant de commencer ce livre pour apprendre / comprendre les raisons pour lesquelles les « licornes » sont en grande majorité uniquement localisées de l’autre côté de l’Atlantique.

Malheureusement, ce livre ne traite pas uniquement de technologie et de son histoire… Il traite aussi et surtout de l’histoire du narrateur : jeune homme moderne et cultivé qui traine son spleen dans Paris et en province comme un Beigbeder ou un Houellebecq de moyenne gamme.

Assez vite le lecteur comprend que l’histoire d’Internet ne sera qu’accessoire car assez vite résumée.

Il faut avouer que ce résumé est tout de même très éclairant pour un béotien ; il est toutefois dommage que l’auteur répète de manière très cyclique les mêmes arguments et les mêmes tournures de phrases … est-ce pour bien faire entrer l’idée ou pour combler un manque de profondeur des recherches ?

Comme mentionnée plus haut, la majeure partie du livre relate les errements du personnage principal que le lecteur a envie de secouer pour qu’il arrête de se plaindre… Le lecteur est aidé en cela par la meilleure amie du héros, qui a la même réaction face à ses jérémiades.

Mon propos n’est pas de détruire ce livre… Il se lit assez aisément. Je regrette toutefois que le sujet principal n’était, dans les faits, pas celui espéré.

Petit conseil à celle ou celui qui souhaiterait lire ce roman : à un moment, sans prévenir le narrateur va commencer à parler peinture… cela dure tout un chapitre de 50 pages (sur un livre de 450) : ce passage - qui est presque plus complet sur l’Art Moderne à New York dans les années 40/50, que le reste du livre sur les recherches françaises en matière de télécommunications - est rébarbatif et n’apporte rien au récit (un clin d’œil d’une ligne sera juste fait bien plus tard)… Je vous invite à passer directement au chapitre suivant!

Paru en poche le 14 avril 2022
chez Folio

(éditeur d'origine: Gallimard)
480 pages / 8,90€

Bullet Train, David Leitch, Brad Pitt, Sony Pictures

Je l'avoue, j'aime bien Brad Pitt. Aussi, quand je l'ai vu à l'affiche d'un film signé par David Leitch, le réalisateur de Dead Pool, je n'ai pas résisté.

Coccinelle (Brad Pitt), est un tueur en pleine crise de la cinquantaine. Sur les conseils de son analyste à qui il fait sans cesse référence, il est devenu adepte de la non-violence, ce qui ne l'empêche pas d'accepter une mission simple : voler une valise à bord du Shinkansen, le TGV japonais (le Bullet Train, donc). En principe, il doit subtiliser le bagage et descendre à la première station ; mais comme Coccinelle est un poissard de légende, les choses ne vont pas se dérouler aussi simplement que prévu.

Armé de son bob, de ses lunettes et de quelques pétards (non, non, pas des flingues, des pétards), Coccinelle va affronter la foule de tueurs qui peuplent ce train. C'est un réel plaisir de voir Brad Pitt promener sa coolitude légendaire de wagon en wagon, et je ne regrette pas d'avoir fait le voyage avec lui. Les autres personnages sont savoureux et les acteurs font très bien le job, ce qui est plaisant.

Pour le reste, c'est un film américain, pas de doute là-dessus. Les bastons se multiplient, tout le monde meurt (ou peu s'en faut) et l'on n'échappe pas à l'explosion finale tout en images de synthèse. Sous le faux-nez de l'humour, le réalisateur n'en valorise pas moins la vengeance et la violence , comme c'est beaucoup trop souvent le cas dans le cinéma hollywoodien. (Mais quand allons-nous enfin refuser de laisser les américains colporter ainsi leurs valeurs ultra-violentes?)

David Leitch multiplie les hommages et les références, notamment à Tarantino qui lui-même emprunte aux séries B et autres nanards. A un moment donné, le cinéma américain à grand public devrait cesser de s'autocongratuler de la sorte, surtout quand les références n'en valent pas la peine. (Je déteste le cinéma de Tarantino.)

Tout cela est vu et déjà vu. Et en plus, c'est beaucoup trop long. Si vous voulez aller au cinéma cette semaine, je vous conseille plutôt d'aller voir La nuit du 12, de Dominik Moll.

Sortie le 03 août 2022
Durée 127 minutes

Sony Pictures Entertainment

Neil Young, Are You Passionate, Noise & Flowers, Harvest

Et hop nos pages culturelles vont être rebaptisées par “Alors, que nous offre cette semaine ce vieux briscard de Neil Young?”. Ce sera plus simple. En pleine torpeur estivale, pendant que vous transpirez à grosses gouttes, le loner lui bosse à sortir le plus vite possible des albums cohérents, disparus ou des lives furieux.

Avec l'album Noise & Flowers, on a l’impression qu’il est devenu sans filtre et il le prouve encore avec ce nouvel album live autour de sa dernière tournée avec Promise of the real, les rejetons de Willie Nelson. Avec eux, comme avec Pearl Jam dans les années 90, le senior retrouve une énergie juvénile qui ressemble réellement à de la magie.

D’autant que Neil Young a désormais des allures de vieux monsieur un peu usé par la vie et le monde qui ne tourne plus rond et qu’il dénonce sans arrêt. Précurseur il y a des années, il court un peu après son époque désormais mais il sait toujours surprendre.

Les vieilles chansons sont donc soulevées une nouvelle fois par une énergie incroyable et le disque enchaîne les morceaux de bravoure. Les petits jeunes aident le papy du rock à retrouver sa verve musicale et bien souvent ils y arrivent.

Les éléments semblent se déchaîner et la foudre glisse entre les riffs et les incontournables du Loner. Ce n’est pas un grand live de Neil Young mais, comme les Stones, il a toujours le feu sacré et une envie d’en découdre qui dépasse la réalité pécuniaire.

D’ailleurs le musicien a ressorti une nouvelle fois un disque caché, maudit ou ce que vous voulez. En 2001, le Canadien est lassé de tout. Ses albums sont assez sombres et il arrive encore à sortir quelque chose quand le Crazy Horse le soutient.

Au début du 21e Siècle, il sortira Are You Passionate mais il nous avait caché cette longue session à San Francisco avec ses copains. Qui se révèle supérieure aux sorties officielles de l’époque.

Évidemment le son est brut mais surtout il y a une urgence assez rare dans la réalisation. Le moral de Neil Young n’est donc pas au beau fixe : la musique et ses amis fidèles lui offrent un exutoire assez exceptionnel. Incompréhensible que cet album reste aux oubliettes tant de temps. Peut être l’un des meilleurs albums de l’année.

Puisque généralement cette chronique va par trois. Rappelons que Harvest a 50 ans cette année. Si vous ne l’avez jamais écouté, vous avez de la chance. Si cela fait longtemps que vous n’avez pas affronté ce monument de douceur folk et esprit rock, vous avez de la chance aussi.

Quatrième album solo de Neil Young, Harvest résume assez bien la liberté de l’artiste. Il y a de l’harmonica et des guitares sèches. Il y a de la guitare branchée prête à en découdre et il y a des expérimentations comme ici un orchestre symphonique qui s’invite sur deux morceaux. Faussement paisible, ce disque a toujours sa place dans notre époque, montrant le réalisme d’un artiste et son envie d’épouser ses ambiguïtés.

Voilà nous sommes à jour sur l’actualité du Loner mais ce n’est pas dit qu’en septembre il faudra recommencer!

La nuit du 12, Dominik Moll, Haut et Court

Dans le département de l'Isère, Clara, vingt et un ans, est assassinée en rentrant de chez sa meilleure copine. Les enquêteurs de la Police Judiciaire de Grenoble sont dépêchés sur place et commencent sans tarder leur enquête, méticuleuse et ingrate. Clara ayant été brulée vive, les policiers pensent à un crime passionnel. Sauf qu'il apparait assez vite que Clara multipliait les relations intimes, y compris avec des mecs peu fréquentables.

"Il a dit qu'elle était facile?
- Non, il a dit qu'elle était pas compliquée."

Le nombre de témoin, et de suspects potentiels, empêchera les policiers de trouver le coupable (nous sommes prévenus dès l'ouverture du film qu'il s'agit d'une affaire non résolue, il n'y a donc pas de suspense.)

Les interrogatoires sont saisissants. Même lorsque les types paraissent "normaux" de prime abord, leur comportement et leur propos sont hallucinants. L'un d'entre eux, vexé de ne pas avoir l'exclusivité sur Clara, confesse avoir écrit un rap appelant à la "cramer", un autre est pris d'un fou-rire pendant un face à face tendu avec un flic, un troisième se vante de l'avoir "baisée fort".

La clé du meurtre nous est donnée par la meilleure amie de Clara, qui ne comprend pas pourquoi le directeur d'enquête tient absolument à savoir si elle avait, ou non, couché avec un marginal qui ferait un coupable idéal : " Elle s'est fait tuer parce que c'était une fille, voilà, c'est tout". On est alors effrayé de constater que chacun des hommes croisés par Clara pourraient être le meurtrier.

La caméra suit les flics quasiment en temps réel, avec beaucoup de plans-séquence qui ajoutent à la véracité du récit, d'autant que les acteurs sont justes à un point qui impressionne. On connaissait le talent de Bouli Lanners, on est saisi par celui de Bastien Bouillon qui incarne avec profondeur le rôle du jeune chef d'équipe obsédé par cette enquête.

Son obsession est habilement illustrée par ses séances de vélo sur piste, au cours desquelles il tourne en rond, visage fermé et mâchoire serrée. L'affaire Clara lui tourne dans la tête, comme un petit vélo... (et pour une fois que dans un film français, le héros ne va pas à la piscine, on ne va pas s'en plaindre !)

Le film est tourné dans la région de Grenoble, où les paysages peuvent être aussi laids que splendides. Ce contraste colle parfaitement avec l'histoire de ce film où rien n'est simple. Cette fille si jolie et pétillante qui côtoie des mecs repoussants, ces enquêteurs aussi admirables qu'ils peuvent être lourdingues, leur professionnalisme en dépit du manque de moyens, leur implication malgré la lassitude...

"On rédige des rapports, des rapports, des rapports; on combat le mal en écrivant des rapports".

La nuit du 12 est un film sensible, beau et poignant que je vous recommande !

Sortie nationale le 13/07/2022 - En salle depuis le 8 août 2022
Réalisé par Dominik Moll
Avec Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Anouk Grinberg, Johann Dionnet, Théo Cholbi
Durée : 1h54. - Genre : Film noir-policier, thriller

Lee Bains, Amanda Shires, Susan Tedeschi, Derek Trucks

En finir avec un cliché!

Sud des Etats Unis? Qu’est ce qu’il vous vient en tête? Hop hop hop: on ne ment pas. On devine dans un désert une horde de rednecks, ivres de racisme, qui rêvent de renverser le Capitole, les institutions et les intellectuels. Des crétins finis au pipi qui pensent que Trump est l'apôtre ultime de Jésus Christ…

Lee Bains, Old times folks

Bref, l’image n'est guère reluisante et le sud profond fait un peu flipper avec ses “traditions”. Pourtant on y trouve de belles choses comme l’album de Lee Bains qui tente une réhabilitation de l’esprit du sud. L’artiste défend donc l’humanisme lié à la solidarité du deep south

Il le fait avec un esprit punk. On reconnaît dans son album Old times folks, les us et coutumes d’un gros groupe de l’Alabama. Des guitares qui dégoulinent, une voix qui se dirige vers d’héroïques pentes sonores ou une batterie lourde pour attirer l’auditeur.

Mais il y a une vision très personnelle du genre. On est bien dans les racines de la musique du sud mais Lee Bains et son groupe détournent avec une étonnante habileté les stéréotypes et son disque devient un objet assez personnel.

En sale gauchiste, il s'attarde sur toutes les erreurs récentes de son pays. Mais sa musique se promène réellement entre rock décharné, mélodies chaudes et country de comptoir. Le tout reste sous le signe de la générosité. Cela donne un disque surprenant qui nous rappelle que les clichés sont difficiles à gommer!

Amanda Shires, Take it like a man

C’est le combat que mène Amanda Shires, reine de la country, joueuse de violon et digne héritière d’Emmylou Harris. Pour son septième album, elle s’en prend avec bonne humeur au sexisme ambiant et sort un disque au titre ironique: Take it like a man.

Née au Texas, amoureuse de Nashville, la chanteuse s’attaque à la country et en retient juste l’intensité. Ce n’est donc pas le plus délicat des albums mais la musicienne se risque à transgresser quelques règles et on ne va pas s'en plaindre.

Il y a quelques mois, elle était au cœur d’un supergroupe féminin, The Highwomen et elle continue à s’affirmer avec un disque qui fait dans la douceur mais sait se tendre pour des choses plus raides. Ce n’est pas un mal. Ces chansons sont des constats. Ils sont amers. Ils sont romancés par une belle musique qui berce et qui rend la vie un peu plus jolie.

Susan Tedeschi et Derek Trucks

En ce moment ce sont surtout le couple Susan Tedeschi et Derek Trucks qui font perdurer la tradition du rock’n’roll sudiste avec un projet simplement monstrueux. Une collection de quatre albums en moins d’un an. La pandémie leur a donné la folie des grandeurs. Et ce n’est pas forcément un mal. Nous arrivons à l’épisode 3 et tout cela reste créatif.

Le duo aidé par douze précieux musiciens, convoque toutes les musiques du coin pour un mélange assez savoureux. Le rock sudiste a le sens de la dramatisation et le groupe a le mérite de savoir mettre en scène un mélange efficace de blues, de rock, de funk, de gospel et même de jazz. C’est le genre de groupe qui mérite un coup d’œil sur scène: là encore, leur liberté (grande valeur défendue dans tous les états du sud que l’on soit bas des oreilles trumpiste ou musicien finaud) s’accentue et les légendes peuvent alors s’écrire.

Après l’écoute de ses trois disques, vous serez peut être un peu plus cléments avec nos amis sudistes: les étiquettes collent trop souvent à la peau…

Tout le bonheur du monde, Claire Lombardo, 10-18

Ce roman raconte l'histoire, sur quatre décennies, de la famille Sorenson: David et Marylin, leurs quatre filles et leurs petits enfants. Le premier chapitre est consacré au mariage de Wendy, la fille ainée, en l'an 2000. En quelques pages à peine, on comprend que cette famille est moins parfaite que les apparences pourraient le laisser croire, d'autant que l'arrivée d'un enfant caché va venir encore tout compliquer davantage.

Le livre nous fait allégrement voyager dans le temps, de 1976 à 2016. On passe sans difficulté d'un personnage à l'autre et d'une époque à l'autre. Le récit, bien que non linéaire, est fluide ; la lecture facile grâce à une écriture vive, modeste et drôle.

L'autrice, Claire Lombardo, nous donne une belle leçon sur le couple, et si cet enseignement peut paraitre simpliste voire mièvre, la recette donne envie d'être testée ! Le couple formé par Marylin et David est fondé sur la bienveillance et l'érotisme (ils règlent généralement leurs petits différends à la manière des bonobos).
"Ça peut paraitre étrange (...) mais je pense que le meilleur moyen de faire fonctionner un mariage, c'est de privilégier la bienveillance, même quand on n'en a pas envie. Cela paraît la chose la plus évidente au monde, malgré tout, c'est plus facile à dire qu'à faire, tu ne crois pas?".

Plus généralement, ce roman parle du fait d'être époux, parent, enfant, sœur ou frère. Le récit tire efficacement profit des situations baroques qui ne manquent pas de survenir dans le vase-clos familial.

"Tout le bonheur du monde" parle d'une famille dysfonctionnelle à sa façon ; c'est-à-dire d'une façon assurément sympathique et séduisante.
"Ses parents n'étaient pas normaux, en ce qu'ils semblaient encore terriblement amoureux. Il y avait toujours eu entre eux une adoration réciproque" (page 182) "Il y avait un inconvénient à avoir les parents les plus merveilleux du monde: la culpabilité" (page 381)

On aimerait faire partie de la famille malgré les multiples non-dits, maladresses et autres drames intimes qu'elle recèle. Plus on lit leur histoire et plus on apprécie la compagnie des Sorenson. Ce livre est d'ailleurs très bien fichu, dans la mesure où chaque protagoniste a sa complexité propre et ses parts d'ombre. Alors qu'ils pourraient être horripilants, les personnages sont tous attachants, d'autant qu'ils ne sont jamais caricaturaux..

Sans prétention, ce roman est très agréable à lire et, malgré ses 700 pages, il parait presque trop court !

Paru le 05 mai 2022
chez 10/18 en version Poche (Éditeur originel: Rivages)
716 pages / 10€20

Affamée, Raven Leilani, traduction Nathalie Bru, 10/18

Voilà du rarement lu. Une écriture violente, scindée, brillante, et surtout, nouvelle.

Une jeune américaine, noire, vit une sexualité débridée, trop insuffisante à son goût. Des sentiments forcés comme si elle avait besoin de se prouver que celui-là est le bon, après une pléiade de coup foireux qui lui coûteront son poste. Celui-là, c’est Éric, un homme bien plus âgé qu’elle, marié, mais d’une union libre, parait-il.

A la demande voilée de l’épouse, notre héroïne s’en va squatter chez son amant, et apprendre à connaitre leur fille adoptive, elle aussi afro-américaine. Situation on ne peut plus décalée, qui engendre des conflits non-dits, des silences qui en disent longs.

J’ai aimé la forme, et surtout la forme. Absolument surprenante. Beaucoup d’arrêts sur images, de celles spontanées comme un déclencheur photos en rafale nous offrant un regard sur la rue, un magasin, une chambre à coucher, Raven nous colle les pieds là où elle se tient, nous oblige à dupliquer son regard de fureteuse. C’est d’autant plus facile qu’elle emploie la première personne, et nous invite dans sa nébuleuse crânienne.

Pour le fond, mieux vaut être armé d’une certaine culture américaine, new-yorkaise, et même « Manhattanaise ». En apprécier les codes, les principes, la pensée, savoir les traduire et les interpréter.

Je comprends que ce texte ait réalisé un carton à sa sortie, dans sa ville, mais pour moi, provincial du vieux pays de Gaule, il me manque un interprète.

Pour les amateurs d’outre-Atlantique, et les curieux d’écriture qui secoue.

PS: pour un autre regard sur ce livre : cliquer ICI

Cherche Midi Éditions
Paru en poche chez 10/18

le 03 février 2022
237 pages, 7,50€
Traduction Nathalie Bru

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