Live at Eddie’s Attic / The Civil Wars
En matière de country, on ne peut pas faire plus lyrique. Et réussi!
Pourtant le schéma est assez classique. D’un coté vous avez une jolie jeune femme avec une voix cristalline qui file des frissons. De l’autre vous avez un beau barbu avec une voix claire et une guitare peu aventurière mais d’une redoutable efficacité pour accompagner les roucoulades entre les deux chanteurs.
The Civil Wars a cependant ce feu sacré d’une country très soft, très loin des clichés et plus proche des traditions qui font la musique américaine. Leur duo a explosé aux Etats-Unis il y a trois ans avec un premier album d’une élégance rare. Même ce couineur de Damien Rice ne pouvait pas rivaliser avec ses émotions à vif. Mais ce qu’on apprécie chez Joy William et John Paul White, c’est leur retenue et leur délicatesse.
Un second album sorti l’année dernière a confirmé tout le bien que l’on pensait du duo (qui ferait tout de même une pause en ce moment) et ils prouvent cette fois ci que leur formule fonctionne très bien en live. Entre deux blagues, les chansons coulent de source et font un grand bien aux amateurs de folk sec et lyrique.
Il s’agit d’un enregistrement de 2009. Il était téléchargeable sur le site du groupe. Il existe désormais sur d’autres supports. On apprécie le geste de matérialisation. Car cet enregistrement mérite d’être rangé dans une discothèque.
Les chansons sont enivrantes. L’interaction entre les deux chanteurs est total et fascinante. Ca ne tourne pas à la démonstration. C’est du bel ouvrage, un artisanat de haute précision, de la tradition dans ce qu’elle a de plus agréable. C’est un live pas du tout racoleur. Un petit moment de country folk exquis et travaillé.
2009 - 2014 - Columbia
Tas de ferraille – Prisca – (WTPL/Pias)
Un joli caprice de printemps
L'album Tas de Ferraille est un joli album de chanson française réaliste. Avec en voix lead, Mahfoud Bettayeb, le groupe parvient à harmoniser des sonorités au carrefour de différentes cultures avec talent. Bouzouki et mandoline côtoient guitare électrique, contrebasse et clarinette avec une facilité déconcertante rappelant la bonne pêche des Zebda des années 90. L'écart va de la présence de Christian Olivier des têtes raides sur "On est", à celle de Tul Bero, chanteurs gambien qui vient poser sa voix sur "Keloo".
Le groupe signe des titres qui revendiquent leur liberté d'artiste et le refus des conventions. "Pas un mouton" avec Fabien Boeuf est une chanson très enlevée à méditer qui raisonne étonnamment en ces temps de vache maigre où le nationalisme semble reprendre du poil de la bête. Résister, ne pas être un mouton, voilà un beau programme. "Si j'avais" chante avec humour et sur une mélodie dansante la volonté de ne pas monter dans le train fou de notre société. Le groupe assume l'héritage de la chanson réaliste avec une reprise hommage de "Potemkine" de Jean Ferrat, chanson relatant la mutinerie du cuirassé Potemkine en 1905. La révolution gronde...
Prisca nous montre qu'il est toujours possible de produire une chanson réaliste française qui maintient en éveil les consciences. Tout cela avec une grande générosité et une sincérité permanente. L'amour est présent du début à la fin de l'album."J'saurais pas dire", dès l'ouverture, interroge les raisons de l'amour, tandis que "Tas de ferraille" boucle l'ensemble avec une comptine qui devrait avoir un grand succès auprès des bambins.
L'album Tas de ferraille est beaucoup moins rugueux que son titre, une fantaisie qui mérite bien quelques piécettes sonnantes et trébuchantes. A connaître.
https://www.facebook.com/legroupeprisca
La Nueve / Paco Roca
La Libération de Paris, de Gaulle arrive à négocier avec ses alliés anglais et américains que ce seront les français qui entreront les premiers dans Paris. Alors, le général Leclerc entrera fièrement dans la capitale française à la tête de sa division blindée.
Ce que nous apprend cet épais ouvrage de 300 pages fort bien documentés, c'est que parmis les soldats qui accompagnaient le général figurait une compagnie composée d'anciens républicains espagnols. Là est l'intérêt de ce livre qui fait ressortir un épisode peu connu.
Celui qui met cette histoire en avant est un auteur dont les précédents ouvrages traduits en français ou pas sont toujours riches et intelligents, même s'ils peuvent parfois être un peu didactiques. J'ai pour ma part une préférence pour " Le phare", "Rides" devenus par la suite "la tête en l'air" qui eu droit à une belle adaptation en dessin animé et quelques autres titres tout aussi fameux.
Un bémol pour "l'hiver du dessinateur" un peu sec à mon goût, mais il est vrai que j'avais voulu faire le malin en le lisant dans la langue de Cervantes...Voilà ce que c'est de vouloir plaire à son épouse espagnole...
Pour en revenir à l'album qui nous occupe, on notera un procédé narratif assez ressemblant à celui d Art Spieglman dans "Maus". Aller-retour entre présent et passé. A la différence qu'ici, le passé est en couleur et le présent monochrome.
C'est le fil rouge du livre, le procédé qui permet à Roca d'humaniser son histoire, de lui donner de la profondeur. Paco Roca, en l'illustrant différemment avait déjà utilisé ce procédé dans "l'Ange de la Retirada".
L'histoire débute donc en couleur et en 1939,en mars exactement sur les quais du port d'Alicante. Aux propos des protagonistes, on comprend vite qu'ils sont républicains; à leur empressement à monter à bord du bateau on comprend aussi que la guerre est perdue que l'on est en pleine débâcle, assez proche finalement du destin que connaitront bon nombre de français quelques mois plus tard...
Puis on trouve Paco Roca en France, qui cherche à se rendre chez un espagnol. Aux personnes rencontrées, il explique le but de son voyage. Et voilà, le livre est monté entre flash-back sur le destin de ses réfugiés et dialogue entre ces 2 hommes.
Paco Roca sait humaniser avec brio ses récits, comme lorsqu'il aborde la maladie d'Alzheimer dans "Tête en l'air", ou déjà la guerre, mais celle d'Espagne au travers du destin de ce jeune soldat républicain de 17 ans qui cherchait lui aussi à passer en France dans "Le phare".
"La Nueve" est un magnifique récit qui aménera ces hommes de l'Afrique du Nord où ils rallient la France LIbre, jusqu'à la libération de Paris.
Alors, même si cette compagnie ibérique n'a pas fait basculer la guerre dans un sens ou dans un autre, ce livre est d'une grande actualité à l'heure des prochaines élections européennes; à l'heure où certains cherchent à diviser les pays européens. On se souvient qu'enfin, les espagnols ne furent pas rancuniers à aider la France qui avait laché le gouvernement républicain et enfermé bons nombre de ces représentants dans des camps comme ce fut le cas à Rivesaltes bien que dans une moins grande mesure que ce qui avait été envisagé au départ, lors de la Retirada.
Et voilà la boucle est bouclée. Mais sutout si vous m'avez trouvé donneur de leçon un peu sentencieux, ne vous arrêtez pas là, "La Nueve" est un bon livre d'aventure qui a l'avantage d'avoir du fond, alors plongez-y avec plaisir. En plus 300 pages pour 29€, ils y en a qui vont encore dire que les espagnols cassent les prix...
Delcourt - 312 pages
Little Secret / Nikki Yanofsky
A peine 16 ans, Nikki Yanofsky avait tout d’une grande chanteuse. Elle a désormais 20 ans et s’offre un disque produit par Quincy Jones. Pas mal !
Brune et canadienne, Nicole Yanofsky a conquis le public par sa précocité et la force de sa voix. Un premier disque cadré et précis a fait son succès. La petite star est désormais une adulte et montre un sacré aplomb en demandant au vénérable Quincy Jones de produire des titres de son second opus.
Le maître s’exécute et cela donne donc un nouveau style chez Nikki Yanofsky. Désormais elle aborde la soul et le rythm’n’blues. Cependant elle n’oublie pas ses racines jazzy. Son petit caprice fait la malice de ce disque. Les renards de studio squattent le disque, irréprochable dans sa production. Le son est classieux avec quelques beats et samples pour faire moderne.
Elle capte les charmes de la white soul (on pense à Dusty Springfield ou Nancy Sinatra). Elle rappelle les vieilles chansons chaloupées (excellent Jeepers Creepers 2.0). Les cuivres sont lascifs et sa voix impose une séduction évidente et très plaisante. Impossible d’être insensible à tous ces efforts.
Elle en fait peut être un peu trop. Son disque fait parfois un peu trop patchwork de tout ce que l’on peut faire avec une chanteuse de jazz. Des digressions pop ne sont pas toujours les bienvenues. Ca pourrait ressembler à du Christina Aguilera et sa reprise des Doors pourrait être une chanson mielleuse de comédie musicale. Mais, on est très méchant lorsque l’on dit cela !
C’est tout de même moins agressif. A 20 ans, Nikki Yanofsky a du coffre et du talent. On ne peut pas lui reprocher de vouloir plaire au plus grand nombre. On critique souvent la jeunesse. Une gamine qui veut dynamiter le jazz, ce n’est pas forcément une mauvaise chose !
Decca - 2014
Le projet Morgenstern / David S.Khara
Retour de l'agent du Mossad le plus costaud de l'histoire. La trilogie prend fin avec une pointe de déception!
On s'est facilement attaché à Eytan Morgenstern, victime de la folie nazie et chasseur de SS hors norme. Entre Terminator et Jason Bourne,, il avait beaucoup de qualités pour jouer avec nos fantasmes et nos envies d'espionnage, avec complots mondiaux et trahisons à tous les étages!
Le projet Bleiberg et Le projet Shiro jouaient avec un habileté certaine sur les grands thèmes de l'Histoire contemporaine et s'amusaient avec la science et ses dérives militaires. Le projet Morgenstern reprend cette fantaisie scientifique.
Peut être un peu trop. On a l'impression de rentrer dans la science fiction. Elle serait un peu molle avec l'idée largement exploitée des surhommes. David S.Khara use un peu du filon initié par sa saga. On apprend peu de choses sur les personnages qui nous faisaient tourner les pages de manière frénétique dans les deux autres livres.
On est même un peu triste de voir des nouveaux méchants un peu transparents face au héros. Peu de charisme. Il faut se rattacher à l'intrigue qui tournicote peu entre le passé et le présent.
Cependant le dernier volet de la trilogie conserve une vraie énergie entre le souvenir des premiers ennemis et amis du jeune Eytan durant la Seconde Guerre Mondiale et son enquête contemporaine autour de mystérieux soldats aux prothèses étranges.
Il y a de la matière pour que l'on ne s'ennuie jamais. Mais cela sent un peu la redite et la fin est un poil décevante, pas vraiment à la hauteur du personnage central, grand délire de fiction d'espionnage, agent secret unique en son genre.
407 pages - 10/18
Godzilla / Gareth Edwards
Retour du monstre légendaire. Je ne parle pas ici du lézard atomique mais de « la moumoute qui tue et t’empêche de suivre l’histoire convenablement » !
Normalement elle était sur la tête de Nicolas Cage dans ses gigantesques nanars mais aujourd’hui elle s’est installée sur le crâne de Bryan Cranston, l’acteur de Breaking Bad. Epouvantable, le comédien est mauvais et elle n'aide pas à l'indulgence. Elle est le véritable monstre de Godzilla, nouvelle génération. Avec nouvelles créatures et un traitement beaucoup moins crétin que celui de Roland Emmerich en 1997.
Les studios Warner sont allés chercher le novice Gareth Edwards, qui montrait deux aliens amoureux dans le sympathique et sentimental Monsters. Une approche originale reprise dans un premier temps pour le lézard japonais, géant et sacrément bagarreur !
Notre monstre nippon n’est pas destructeur mais protecteur. Il veille sur l’équilibre de la nature, au fond des eaux du Pacifique mais il ne faut pas le titiller longtemps pour qu’il remonte sur le ring de la baston monumental.
Parce que nous sommes dans un film à gros budget, le réalisateur doit donc intercaler un drame humain et familial autour d’une tribu américaine intimement liée aux méfaits des kaiju eiga (le nom du genre des monstres géants made in Japan). Pour ça il doit se tortiller dans un scénario incroyable mais plutôt marrant, respectant presque le coté serial des films initiaux, le héros se promenant de continent en continent avec une facilité déconcertante ("Bonjour je suis GI, je peux monter dans votre avion?" Oui pas de problème on vous emmène pour faire Tokyo Los Angeles... c'est cool l'armée américaine).
Heureusement le réalisateur s’oblige à soigner ses images sinon le film aurait pu être un gros naveton. Ici, Edwards apporte son amour du genre et ça se ressent à plusieurs reprises. Il doit donc combiner entre sa passion pour les grosses bestioles et l’inévitable couplet un peu réac sur la famille, propre au blockbuster mondial. Néanmoins Edwards prend un malin plaisir à maltraiter les membres de la famille, dont la moumoute.
Edwards a beaucoup de choses à faire et on pourrait simplement lui reprocher d’oublier un peu la star du film. Godzilla. Quand il apparait il prend idéalement la pose et donne des cours de catch maousse costaud en détruisant tout sur son passage. On est comblé.
Mais hélas, à trop préserver son héros des temps anciens, Gareth Edwards frustre le spectateur. Godzilla tarde à arriver et régler ses comptes avec deux « spores » un peu trop encombrants sur notre planète. Edwards commet quelques aberrations narratives pour la baston finale. On voulait voir des monstres se coller des prunes et réduire à néant l’armée. On a parfois l’impression de regarder des comédiens qui regardent en l’air avec un air inquiet ! Et pas seulement à cause de la moumoute de la mort!
Mais dans sa catégorie poids lourds, le film est aventureux et tente certaines choses. Il est inégal mais conserve toute la sympathie que l’on a pour la créature mythique. On est ravi qu’à 60 ans, Godzilla ait presque l’hommage idéal qu’il méritait depuis longtemps.
Avec Brian Cranston, Aaron Taylor Johnson, Elisabeth Olsen et Ken Wanatabe – Warner – 14 mai 2014 – 2h03
Xscape / Michael Jackson
Depuis sa tombe, Bambi continue de pousser des petits cris. Des rugissements si on compare à la production actuelle!
Nouvel album posthume de Michael Jackson, ca vous évoque quoi ? Une fois de plus, l’hommage semble plus commercial qu’artistique. Ca va payer les études de la descendance du King of pop. Ca devrait rembourser quelques frais d’avocats et déchirer un peu plus la famille Jackson qui perd souvent la raison dès qu’il y a des dollars à récupérer.
En plus, ce second volume des aventures musicales d’Outre tombe de Michael Jackson ose un duo avec Justin Timberlake. Faire chanter les morts avec des inédits, c’est une chose, plus ou moins douteuse. Faire chanter les vivants avec les morts, c’est grotesque et un peu honteux. Mais bon faut bien les vendre ces nouvelles chansons.
Car au niveau de la production, les démos sont confiées à tous les spécialistes actuels de la soul et de la new jack. Le patron d’Epic a fait bosser les gros producteurs qui font les hits d’aujourd’hui dont l’inévitable Timbaland. Il n’a pas eu tort : certains titres sont vraiment entrainants.
Huit nouveaux morceaux donc qui font honneur à Bambi. On retrouve ses petits cris. Les rythmes ne font pas le grand huit ou ne relève pas du remix facile. Même les petites fautes de goût déjà présentes chez Jackson (on ne parle pas des fringues) sont là. Le cahier des charges semble respecter parce que les producteurs donnent l’impression d’être respectueux.
On peut même comparer avec les démos officielles présentes sur le disque. On craquera tout de même sur l’excellente variation de Horse with no name d’America, devenu A place with no name ! On appréciera aussi le coté sirupeux, doucement ringard et seventies de Love Never Felt So Good co écrite par le crooner Paul Anka.
Le reste n’est pas désagréable. Quelques beats mal placés se font entendre mais rien de grave. C’est au dessus de la moyenne en matière de soul. De sa tombe, Bambi nous venge de Rihanna et Beyoncé. L’album posthume est toujours difficile à juger. Il est condamné à être le reflet d’un business un peu glauque en quête de millions de dollars. Pourtant dans ce disque il y a de temps en temps l’étincelle que de son vivant, Michael Jackson avait perdu. Pas si mal !
2014 Epic
Le projet Shiro / David S.Khara
Dans ce thriller, David S. Khara nous plonge dans les atrocités commises pendant la Seconde Guerre Mondiale sur le front pacifique. Un roman atypique à mi chemin entre histoire et fiction...
Maryland, 1957. l'Institut de Recherche sur les Maladies Infectieuses appartenant à l'armée américaine est victime d'une faille de sécurité. De nos jours, en République Tchèque, une petite ville est mise en quarantaine par des forces militaires et l'OTAN. Voici le point de départ du thriller décoiffant de David S. Khara.
Quels points communs ces deux évènements qui se déroulent à des décennies d'intervalle et que plusieurs milliers de kilomètres séparent ?
Eytan Morgenstern est un agent du Mossad, surhomme génétiquement modifié par les SS pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Quand son ami et mentor, Eli Karman, est enlevé par une société secrète héritée du régime nazie, le Consortium, Eytan est prêt à tout pour le faire libérer. La mission qu'il doit accomplir lui est dictée par l'organisation elle même : travailler pour elle et retrouver un scientifique exploitant des souches virales excessivement nocives. Pour mener à bien ses recherches, il doit collaborer malgré lui avec Elena, agent du Consortium.
L'enquête est menée tambour battant par ces deux personnages atypiques et que tout sépare. Ils nous emmènent aux quatres coins du globe, des Etats-Unis au Japon en passant par l'Europe.
Les chapitres se suivent et ne se ressemblent pas. L'auteur navigue des années quarante à nos jours en un souffle. Il nous fait remonter le temps et nous rappelle les atrocités commises par certains médecins de l'époque au nom de la science et de la recherche, même si comme précisé par l'auteur en préambule, ce thriller reste une oeuvre de fiction.
David S. Khara nous offre ici un polar décapant, original et qui tient le lecteur du début à la fin. Pas de fausse note et même s'il ne s'agit pas ici des premières enquêtes de l'agent Morg, il n'est pas nécessaire d avoir lu le premier opus pour s'y retrouver. Le Projet Bleiberg, précédent thriller de l'auteur est actuellement en cours d adaptation au cinéma.
327 pages 10/18