London Western / Coffees & Cigarettes / Tekini records
Album concept, London Western ne veut pas faire comme tout le monde mais ne défend peut être pas assez son ambition première.
Car lorsque l'on convoque le décor de Whitechapel, les légendes urbaines de l'époque victorienne, on a intérêt à assombrir les textes, plomber les espoirs et se marquer d'une écriture noire. Ce qui n'est pas le cas de Renaud Druel, auteur de ce projet multimédia.
Ne nous trompons pas: London Western est un disque à découvrir. Il y a de très belles chansons et Renaud Druel a des idées intéressantes. Un album concept reste une aventure. Il mélange les styles entre rap et rock, avec des textes plutôt élégants. Il ne choisit pas la facilité et c'est toujours bon signe pour la suite.
Mais le titre du disque et même du groupe trompent un peu sur la marchandise. Même la pochette ne reflète pas vraiment l'ambiance. Il n'y a rien de toxique ou de spectaculaire. Avant même l'écoute, on pense à Jim Jarmusch ou Terry Gilliam.
On veut voir des cadavres dans une impasse, des flics pourris, des putes désespérées, de la noirceur dans chaque coin. Et peut être une poésie au ras du bitume. Sur disque, cela ressemblait à la promesse du groupe.
Rien de tout ça. Les orchestrations sont trop habiles. Le son - sans être péjoratif - est trop clair. La musique est légère alors que l'on s'attendait un esprit bd un peu moins évident. C'est une relative déception car Renaud Druel sait écrire des chansons inédites par le style défini comme du Hop'n'roll.
Le décalage entre le fond et la forme se creuse au fil de l'écoute mais on est ravi de se promener dans des contrées inédites. On apprécie les ruelles visitées par le groupe. Ces petits Français ont le goût du risque et de l'aventure, c'est assez rare pour ne pas être souligné ici!
Childhood Home / Ben & Ellen Harper / Universal
Ca ne fait pas très rocker de faire un disque avec sa petite mÔman, non?
Ben Harper est une star du rock. Génie de la six cordes, il a tout de suite été populaire. Son succès fut largement mérité. Il s'est imposé à un croisement des chemins entre le blues, le rock, le reggae et toutes les musiques noires traditionnelles. Difficile de lui reprocher une faute de goût ou une ambition folle! Passionné, ce type a conquis le Monde entier!
Pourtant depuis quelques temps, il se fait plus discret. Il fabrique des disques selon songoût et ses envies. Plus besoin de démontrer sa toute puissance musicale et sa virtuosité. Il invite ses héros. Peu connus et souvent aussi doués que lui. Il a produit pas mal de potes et maintenant il chante avec sa petite maman!
Un sacrilège dans le monde du rock'n'roll! Peut on imaginer un message aussi ringard dans le grand barnum du rock et de l'industrie musicale? A quand Ozzy Osbourne et sa nounou? Marilyn Manson et sa génitrice? Ben Harper a t il perdu les pédales -wah wah - ?
Ben Harper a évidemment une mère pas comme les autres. Un type aussi brillant ne pouvait pas avoir une simple ménagère qui retend les petites guitares du fiston? Madame Ellen Harper dirige le Folk Music Center & Museum, fondé par ses parents. Ceci explique en grande partie le talent de Ben Harper!
Elle aussi touche à tous les instruments et compose des chansons sèches et folk. Quatre chansons sont écrites par Ellen et on ne les reconnait pas de celles écrites par le fils! Ben & Ellen Harper se font une réunion de famille sur galette! Le disque est donc chaleureux, doux et amoureux.
Ben a débranché sa guitare. Le son acoustique est de rigueur dans la maison familiale, simple et accueillante! On s'imagine devant le feu de cheminée, avec un bon chocolat chaud ou dans le jardin avec les enfants dans l'insouciance générale!
La simplicité fait plaisir à entendre. Le foyer familial est fait de vieilles traditions agréables, entendus mais jamais réactionnaires ou rétrogrades. Pas de révolution mais une vraie tendresse musicale se cache dans cet album.
En tout cas, ce sont des chansons douces que chanteraient ma maman, hélas, ni elle ni moi sommes doués pour la guitares!
A new day / Winston McAnuff & Fixi – réédition 2014 / (Chapter Two / Wagram Music)
Un très bel album de reggae
On a découvert Winston Mc Anuf en France en 2007 quand celui-ci apparaît pour la première fois avec la formation musicale de Java. Depuis de l'eau a coulé sous les ponts. R-Wan a continué sa route hors Java avec Camille Ballon et Radio Cortex. Fixi a rejoint Winston. Camille Ballon est toujours là dans les deux projets, sous le nom désormais de Tom Fire. Et voici the album.
L'album qui fait du bien par où ça passe. Léger comme l'air, dansant, et surtout créatif. On sort du traditionnel combo orgue, guitare, basse, cuivre qui a jalonné des décennies l'histoire du reggae. Ni Dub, ni traditionnel, la présence de Fixi à l'accordéon apporte incontestablement une couleur planante à l'ensemble, Wha Dem Say est magnifique. L'album est à la hauteur de la présence de Winston. Pas une scène où le jamaïcain ne parvient à conquérir le public. L'aura d'un sage trublion de la musique qui sait alterner rythme paisible presque trip-hop avec le citadin et malheureux - Johnny- et cadences joyeuses dans le titre qui ouvre l'opus : Garden of love.
-M-, Cyril Attef, Tony Allen sont passés par là. Le voyage fonctionne, les variations sont là. Alors on veut bien croire Winston qui clame Its' a new day. A new reggae, créatif et somme toute assez classe. C'est à la fois mélancolique et frais, on plane à l'écoute. La chaude voix de Winston rasssure. La réédition propose quatre chansons de plus : un bon gros after-beat sur Jah is all we've got qui devrait faire sautiller les foules dans les festivals de l'année où le groupe est programmé joliment mixé, alors que Sankara apporte une note afro-cubaine. L'album finit sur Strange, un Dub jazzy. L'ensemble est très réussi. A connaître et à voir en concert.
JIMI 2014
La JIMI (Journée des Initiatives Musicales Indépendantes)
Vendredi 10 et samedi 11 octobre 2014
Ivry-sur-Seine (94)
Ouvert au public comme aux professionnels, la JIMI est également l’occasion, pour les indés, de faire (re)découvrir leurs projets et parfois de trouver de nouveaux partenaires.
La JIMI accueille ainsi, chaque année, entre 100 et 160 exposants.
Depuis 2007 la JIMI a, déjà, accueilli plus de 850 exposants indes dont : Underdog Records, Guerilla Asso, Jarring Effects, Mondomix, l’Autre Distribution, Les Barrocks,Les Boutiques Sonores, Le Calif, CD1D, Concertlive.fr, Ferarock , Fraca-Ma, Gonzai, Goéland Distribution, Hammerbass, Infoconcert, Kicking Records, Fréquence Paris Plurielle, Crash Disques, Kronik, Life Live, Longueur d'Ondes, Madame Macario, Monster K7, Otoradio.Com, la Station-Service, la Triperie, Vacarm, Yokanta, A Quick One Records, AssoYouz, Irfan, Makasound, PatateRecords, Radio Néo, Clapping Music, Francofan,...
La réservation des stands, pour l'édition 2014, est maintenant ouverte.
Plus d'informations : https://www.facebook.com/jimi.festivaldemarne - http://www.jimifestivaldemarne.org/
Arthur H et Nicolas Repac / 20 et 21 mai 2014/20h au centquatre à Paris
Arthur H et Nicolas Repac
Le Rouge et Le Noir
lectures musicales - événement: une soirée, deux spectacles
20 et 21 mai 2014/20h au centquatre à Paris
A ne pas rater les 20 et 21 mai au centquatre à Paris, deux soirées exceptionnelles de lectures musicales avec Arthur H et Nicolas Repac intitulées Le Rouge et Le Noir. Arthur H et Nicolas Repac ont conçu ensemble L'Or Noir, voyage sensoriel autour de la poésie créole contemporaine, d'Aimé Césaire, chantre de la négritude, au contemporain Dany Laferrière en passant par le regretté Edouard Glissant. L'occasion de sonder la part noire de deux musiciens assumant allègrement des identités métisses. Pour L'Or d'Eros, tous deux rendent hommage aux auteurs les plus libres et les plus sulfureux du XXe siècle. La musique de Nicolas Repac oscille entre les largesses symphoniques et les grooves sexuels‐mathématiques, tandis que la voix d'Arthur H effleure le chant pour produire une hypnose sensuelle.
Supernova / Ray LaMontagne / RCA – 2014
Depuis dix ans, Ray LaMontagne nous fait grimper sur les sommets d'un psychédélisme révolu et folk. Ses disques font respirer et nous transportent. Supernova confirme.
Il a souvent un look de bûcheron un peu hippy. Il a une grosse barbe très à la mode et une guitare en bandoulière. Il enregistre dans une petite maison perdu dans la nature. Il vient d'une famille un peu nomade. Raymond LaMontagne a tout pour être un héros mystique de la musique américaine.
Et c'est arrivé avec Trouble en 2004. Les Fleet Foxes et The Black Keys ont cartonné ensuite mais Ray LaMontagne est un pionnier dans ce revival du son sixties, ses douces utopies et ses harmonies pleines d'échos.
Dix ans plus tard, Ray LaMontagne s'est justement lié d'amitié avec Dan Auerbach, l'un des Black Keys et producteur très à la mode. Ces deux là remontent le temps avec un goût certain et assumé pour le vintage.
C'est la force de LaMontagne. C'est sa philosophie depuis ses débuts. C'est un musicien qui se tient à ce qui l'aime. Il ne s'aventure pas trop dans les expériences différentes. Il ne peut pas renier sa musique. Son style est rétro mais ca lui va tellement bien.
Sa voix se promène entre soul et folk et s'éraille sans nostalgie. C 'est ce qu'il y a de bien chez ce chanteur: Il a tellement baigné dedans quand il était jeune qu'on ne peut pas l'accuser d'opportunisme. Sa musique est chaleureuse. Elle donne l'envie de mettre une chemise de bûcheron et se promener dans la nature, dans la forêt ou ailleurs. Il y a un lyrisme boisé dans ses compositions.
Supernova ne l'élève dans une nouvelle galaxie. Aucune révolution est au programme mais LaMontagne est certainement une étoile brillante...
The Duke Ellington Orchestra / Grand Rex / Avril 2014
Quelques messieurs trop tranquilles… mais très doués !
Sans faire dans la rhétorique du « c’était mieux avant », un bon vieux big band qui reprend des grands standards du Duke ne peut pas être une mauvaise chose. La nostalgie ou la mélancolie entrainent souvent des courants réactionnaires mais ce que propose le Duke Ellington Orchestra, c’est un voyage soyeux dans ce jazz espiègle et enchanteur.
Dès les premières notes, on s’attache à cette quinzaine de musiciens qui ressemblent pour la plupart à des bons pères de famille ou des professeurs malins. Ils emballent toute l’audience avec un Take a A train fantastique, d’un classicisme devenu inhabituel. Ce sera la locomotive suivie de wagons tout aussi prestigieux!
Thomas James, pianiste nonchalant présente chaque chanson avec une gourmandise évidente. Il nous transporte avec son orchestre vers un jazz d’une élégance imperturbable, entre blues primitif et arrangements orchestraux !
C’est fait avec une bonhommie rassurante. Ils enchainent les morceaux avec une technique irréprochable : les lignes de trompettes répondent aux tubas et aux saxophones. Un batteur guette le rythme et un gentil bassiste assure une bienveillance musicale qui fait plaisir à entendre. Les musiciens jouent pleinement la complicité artistique.
C’est certes du jazz «de papa » mais c’est magnifiquement exécuté. C’est ludique, drôle et même envoutant. Pas de fausse note. Pas de faux pas. Ce sont des pros, obsédés par la rigueur et les particularités du Duke, star durant les années de crise. Cette musique a en effet la qualité de vous faire oublier les soucis et les oiseaux de mauvais augure. En survivant à son créateur, ce big band prolonge la magie… Old but good!
Le roi se meurt de Ionesco, au Théâtre Hébertot
Monstre sacré sur les planches du Théâtre Hébertot. Saisissez votre chance, Michel Bouquet est majestueux dans cette pièce pleine de vie!
Du haut de ses 88 ans, Michel Bouquet endosse Béranger Ier comme au premier soir. Ce monarque attachant, lui sied comme un gant. Au point de lui valoir en 2005 le Molière du meilleur acteur. L’acteur reste convaincant depuis 20 ans au jeu des derniers instants de vie du roi. Avec charisme et malice.
Tantôt admiré, tantôt méprisé, les mille facettes du personnage intriguent. Gourmand de la vie, amoureux, précurseur mais jugé aussi ingrat, égoïste, il s’accroche à son pouvoir de fin de règne. On trouve à ses côtés l’acariâtre reine Marguerite, Juliette Carré et la charmante Reine Marie, Nathalie Bigorre. L’une incarne la raison d’Etat, l’autre la voix de l’amour. Michel Bouquet et sa femme à la ville, Juliette Carré ont l’âge de leur rôle. Mais autant la voix du roi porte autant celle de sa femme est souvent voilée.
La pièce compte de grands moments de grâce comme cet échange entre Juliette, la femme de chambre et le roi. Véritable ode à la vie : « féerie et fête continuelle » ou calvaire selon qu'elle soit vécue ou subie. L’émotion palpable de Michel Bouquet dans ces mots « Je n’ai pas eu le temps », « Ne me laissez pas mourir, je vous en prie », « Je meurs, que tout meurt» attendrit. La mise en scène de Georges Werler sert le texte dans l’ensemble excepté la fin confuse. Les costumes du roi : tenue d’apparat et chaussons rouges et la robe de mariée blanc immaculé de la reine Marie attirent l’œil. On salue le talent de la costumière Pascale Bordet.
Le public de toutes générations a pu s’identifier à ce roi peu prévoyant, ayant vécu au jour le jour. Avec un appétit et une curiosité insatiable, il continue de sourire à la vie et de s’en émerveiller. Il interroge la conscience de chaque spectateur : Autorise-t-on ceux qu’on aime à des instants de faiblesse ? Qui n’aurait pas, au crépuscule de sa vie envie de la recommencer? Que laisse-t-on derrière soi ?
Écrite en 1962, cette pièce de Ionesco trouve toujours un écho particulier dans l’actualité politique au vu de certains dirigeants bien accrochés à leur pouvoir. On en sort avec une irrésistible envie de croquer la vie.
Dans la cour
Comédie sur la dépression! Pour Pierre Salvadori, on peut et on doit rire de tout!
Depuis Les Apprentis, on sait que Pierre Salvadori a du talent pour s'amuser des choses les plus tristes du quotidien. Il aime beaucoup mettre les problèmes sociaux au coeur de comédies légères, romanesques et un peu rêveuses.
Dans la cour, il y a encore un magnifique loser. Un chanteur de rock ringard, Antoine, qui n'en peut plus et qui plaque une tournée pour des petits boulots absurdes. Il traîne sa déprime comme un boulet. Son seul plaisir, ce sont quelques grammes de drogues qui l'enfoncent un peu plus. Pourtant, il trouve, sans ardeur, un petit boulot de concierge et s'occupe d'une cour d'immeuble. Et ses habitants!
C'est ainsi qu'il rencontre Mathilde, une jeune retraitée qui voit sa vie basculée le jour où une fissure apparaît dans son grand appartement. Les deux partagent des angoisses insoupçonnables et une étrange amitié va se créer...
Mathilde perd les pédales et Antoine va devenir un concierge plus qu'attentif. Pourtant Salvadori évite la facilité. Les rapports resteront chastes entre les deux personnages principaux. Antoine ne se transforme jamais en bon samaritain sur la voie de la rédemption. Mathilde n'arrivera pas vraiment à se dépatouiller de la folie qui la guette!
Il filme les déphasés et les marginaux sans angélisme. Mais avec une humanité qui fait plaisir à voir. Parce qu'il y a à l'écran Catherine Deneuve et Gustave Kerven, ainsi que des seconds rôles touchants en quelques instants. Parce que son scénario ne s'échappe pas, va l'essentiel, traine parfois un peu trop sur les tristesses des héros. Néanmoins Salvadori n'oublie pas de convier le spectateur à un petit théâtre de la vie, à l'intérieur d'un immeuble, hanté par l'Ultra Moderne Solitude si cher à Souchon.
Soufflant sur le chaud et le froid, le film joue en même temps sur l'humour et la mélancolie, nous promenant sur toute une gamme d'émotions assez grande. Quelques longueurs gâchent un final un peu baclé pourtant cette rencontre peu spectaculaire reste un souvenir tendre de cinéma de quartier, de coeur et d'humanité!
De Pierre Salvadori
Avec Catherine Deneuve, Gustave Kerven, Pio Marmai et Feodor Atkine - Wild Bunch - 23 avril 2014 - 1h37
Temples, Idols & Broken Bones / Rufus Bellefleur / Ghetto Gator, l’autre distribution – 2014
Rufus Bellefleur n'a peur de rien. Il a bien des épreuves dans son existence de joyeux redneck sudiste. Elles sont assez incroyables. Entre séries B et Z. Ce n'est pas un héros de cinéma, c'est un chanteur bien de chez nous qui nous fait voyager très loin.
Avec lui, le dépaysement est total! Il vient du Sud de la France mais Rufus Bellefleur assure qu'il vient des eaux putrides de la Louisiane. Il a un look de zombie déphasé à la bière et au gros rock qui tache. C'est un bon beauf, cousin fantasmagorique de Kid Rock!
Pourtant les allures sont trompeuses. Il préfère faire péter les décibels que les canettes. Il aime les chaudes ambiances et les aventures musicales assez osées, à défaut d'être raffinées. Donc le chanteur se promène sur les terres mystérieuses du rock grassouillet, entre hip hop débridé et riffs hurlants.
Le résultat n'est pas du tout ingrat ou adipeux. Ca gesticule. Ca sautille. Ca surprend surtout. Le groupe est robuste et n'a rien à envier en matière d'efficacité sonore à leurs illustres rednecks américains.
C'est un album concept assez joyeux. Le foutoir et les références sont en fait parfaitement organisés. Rufus Bellefleur s'amuse à convoquer les héros grandioses de la fusion (très années 90), les créatures du comics américains et les monstres de la série B. Tout cela avec une pointe de hip hop!
Ce n'est pas nouveau. Mais le groupe et son héros connaissent leurs classiques. Rufus Bellefleur vit des aventures dans son petit monde peuplé de bizarreries et il serait dommage de ne pas les découvrir.