Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu?

Peut on vivre ensemble malgré nos différences? Sujet d'actualité traité sans talent pour un (télé)film sans saveur. Dommage!

Le sujet est assez réjouissant. Les Français sont un peu racistes. Les différences, ça les gène. Les préjugés nourrissent des peurs et des incompréhensions. La famille traditionnelle et provinciale a bien du mal à comprendre la modernité d'aujourd'hui. Les nouvelles générations appréhendent mal les angoisses des plus classiques.

Monsieur et Madame Verneuil doivent donc composer avec des gendres "exotiques": un arabe, un juif et un chinois! Bons catholiques de Chinon, le couple va une nouvelle fois être bousculé par le mariage de leur petite dernière: Laure veut épouser, Charles, d'origine ivoirienne...

En période de repli national, cette comédie a le mérite de mettre en évidence la persistance des clichés et des idées reçues. En famille de droite, Chantal Lauby et Christian Clavier pourraient être dans une "Manif pour tous". Ils sont crédibles. C'est la seule chose plausible dans le film.

Le réalisateur, pris de bonnes intentions, oublie simplement de faire du cinéma. Il filme des vannes à table. Des blagues pourries sur les communautés. D'amusantes répliques entre beaux frères. D'affreuses remarques des parents dépassées. Mais il ne fait rien d'autre. Le florilège est exhaustif mais inégal. Et tristement mis en scène.

Sujet, il y a. L'histoire, elle semble avoir été noyée dans le lot plus ou moins convaincant des dialogues. Les rapports entre les uns et les autes sont peu crédibles. La première partie est affolante de nonchalance en matière de récit (il ne se passe rien au bout de trente minutes). L'arrivée de la famille Africaine muscle un peu l'enjeu mais tout est facile, téléphoné et aussi lourdingue qu'un épisode de Camping Paradis ou Joséphine Ange Gardien. Un téléfilm, voilà le véritable niveau de cette comédie ratée mais qui a le mérite d'observer son époque.

De Philippe De Chauveron
Avec Christian Clavier, Chantal Lauby, Elodie Fontan et Medi Sadoun - UGC - 16 avril 2014 - 1h37

Abbey Road / The Beatles / EMI -1969

And in the end... Vous rêviez de savoir à quoi aurait ressemblé un disque des Beatles, de nouveau réunis, après leur séparation ? Eh bien vous le tenez !

 

L’existence d’Abbey Road est en effet un véritable miracle, compte tenu du contexte du printemps 69, date du début des enregistrements de ce qui sera le dernier album concocté par le plus grand groupe de tous les temps ("Let it Be" sortira après, mais avait été enregistré dès janvier 69). Un bref rappel historique suffit à comprendre la situation de l’époque...

John, obnubilé par Yoko, ne s’intéresse plus au groupe ; George, aigri de ne pas voir accorder à ses compositions l’attention nécessaire, préfère jouer avec d’autres musiciens ; Paul est par contre toujours aussi motivé par le groupe, mais au point d’en agacer les autres par son côté "petit chef" ; quant à Ringo, il est totalement désabusé de voir la belle harmonie des Fab Four voler en éclats. Ajoutons à cela Yoko, qui agace tout le monde sauf Lennon, et le grave différent entre McCartney et les autres sur le choix du manager qui devra remettre de l’ordre dans la gestion de leur compagnie (Apple) et l’on comprendra aisément l’improbabilité d’un nouveau travail en commun des 4 musiciens à ce stade de leur histoire.

Déjà leur projet précédent n’a pas été mené à son terme et les bandes, jugées peu convaincantes par les Beatles eux-mêmes, dorment dans un coin (Phil Spector se verra confier la délicate mission d’en "faire quelque chose" un an plus tard, ce dont il s’acquittera de manière parfois indélicate - cf. The long and winding road -, dans l’album "Let it be", publié en mai 1970).

Comment, dans un tel contexte, Paul a-t-il pu convaincre tout ce joli monde (ainsi que le producteur/arrangeur George Martin, pourtant échaudé par tout ce gachis récent) de se reunir à nouveau pour produire un album "comme au bon vieux temps" ? Ce mystère peut être qualifié de miracle. Restait à savoir si on assisterait également à un miracle musical...

Il ne faut, à dire vrai, pas plus de quelques secondes pour être rassuré. Comment, en effet, mieux commencer un album que par ce Come together scandé par John et magnifié par ses compagnons au sommet de leur art musical ? Et ce n’est pas le second titre, superbe composition de George, intitulé Something, ornée d’un solo de guitare d’une délicatesse inouïe qui peut altérer notre première impression. Deux chansons, deux classiques de la musique du XXe siècle, pas trop mal pour débuter un album...

Après une telle entrée en matière, il faut bien souffler un peu, et les deux morceaux suivants, bien que plaisants, peuvent être considérés comme les plus faibles de l’album ; il s’agit de deux compositions de Paul (qui se rattrapera par la suite), la première s’appelle Maxwell’s silver hammer et il semblerait que le marteau en argent de Maxwell tape sur les nerfs de certains, malgré (ou plutôt à cause d’) une mélodie très (trop ?) efficace. Question de goût.
La seconde, Oh darling, est une composition honnête, sans plus, dans le style rock/slow des années 50, et Paul a beau s’évertuer, de sa plus belle voix éraillée, à en faire une grande chanson, il n’y parvient pas tout à fait... Il n’est toutefois pas impossible de s’y laisser prendre.

On passe ensuite à la chanson de Ringo (Octopus's Garden), à la différence de Oh darling, cette composition du batteur du groupe, assez banale à la base, est vraiment transcendée en passant au moule magique Beatles, George, Paul et John s’employant avec succès à enjoliver ce morceau de leur vieux copain Ringo (George l’a même un peu aidé à le terminer) : écoutez-moi ces chœurs, ces solos de guitare de George, n’est-ce pas réjouissant ?

Si toutefois certains rechignent encore après ce titre de Ringo, qu’ils en profitent, car ils n’auront plus l’occasion de faire la fine bouche ensuite.

En effet, de I want you (blues puissant de Lennon qui clôturait la face A du vinyle), jusqu’à la dernière seconde du disque, il n’y a rien à redire, chaque note est la bienvenue : une demi-heure de bonheur musical ininterrompu !

Citons pour le plaisir quelques perles extraites de cette rivière de diamants : Here comes the sun composée dans le jardin d’Eric Clapton par un George décidément brillant, ou encore Because de John, inspiré par la sonate au clair de lune de Beethoven et chanté magnifiquement à 3 voix par John, Paul et George. Le résultat est à la hauteur de ce qu’on pourrait espérer d’une composition Lennon-Beethoven dans nos rêves les plus fous !

Il serait injuste de ne pas mentionner également You never give me your moneyentonné par Paul de nouveau en état de grâce. Cette superbe composition de McCartney est le point de départ d’une suite musicale où s’enchaînent sans le moindre arrêt des bouts de chansons inachevées de Paul et de John reliés et arrangés avec une grande intelligence musicale par George Martin et Paul McCartney lui-même : l’art d’accommoder les restes pour en faire un festin, pour reprendre l’expression de l’auteur Mark Heestgard.

L’album se termine par un morceau baptisé assez judicieusement The end dont la dernière phrase, qualifiée de cosmique par John Lennon, mais écrite et chantée par Paul McCartney dit, en substance, qu’au final, l’amour que vous recevez est égal à l’amour que vous donnez ("And in the end the love you take is equal to the love you make"). Cette équation qui résume à elle seule les rapports humains peut s’appliquer aux Beatles eux-mêmes qui ont offert à l’humanité le plus colossal apport musical en huit ans d’enregistrement et en ont retiré le succès le plus colossal de l’histoire de la musique.

Mais c’est par une toute petite chanson rigolote sur la reine que les Beatles décident de tirer leur révérence car, alors que l’on croit le disque terminé, Paul revient après quelques secondes nous en pousser une petite dernière accompagné seulement de sa guitare, comme pour nous dire que tout ça, finalement, ce n’est pas sérieux, c’est juste pour s’amuser... (il inaugure ainsi sans le vouloir, avec 30 ans d’avance la mode des morceaux cachés, ah quand on est un précurseur, on ne peut pas se refaire !).

Ainsi s’achève la carrière des Beatles avec ce disque inspiré, brillant, lumineux, mais qui ne se prend pas au sérieux.

Un disque miraculeux, bien à leur image finalement, qui met fin de la plus belle manière qui soit au miracle Beatles.

Les autres gens / Thomas Cadene

La bedenovela de Thomas Cadene continue de distiller ses secrets et ses révélations. La fin approche et le plaisir est toujours là.

On ne se lasse pas de l'idée folle de Thomas Cadene, grand chef du site Les Autres Gens, ordonnateur des dessinateurs qui s'approprient l'étonnante aventure de Mathilde et d'Hippolyte, les gagnants d'un loto exceptionnel.

Sur son site il a confié la narration de sa saga à des dessinateurs différents, ravis de plonger dans le quotidien plus ou moins "normal" des Autres Gens. Les problèmes de tous les jours y sont traités. Avec intelligence en plus. Une pointe de thriller a fait son apparition avec la famille d'Hippolyte, nid de guêpes qui pourrit la vie de tout le monde autour d'eux.

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Louis est l'homme à abattre mais c'est aussi le plus puissant, le plus nuisible, le plus retors. Dans ces nouveaux chapitres,  son plan se devine un peu plus mais il semble aussi lui échapper quelque peu.

Face à lui, la famille de Mathilde continue de gérer les soucis de chacun. Pour le frère de Mathilde, c'est toujours aussi compliqué. Les parents découvrent la liberté. Pour Mathilde, l'achat et la reconstruction d'un village avec son chéri l'occupent. Leurs copains vivent des histoires d'amour, compliquées mais désormais proches de nous.

Cadene tisse un lien entre le lecteur et ses nombreux personnages. Le feuilleton est abracadabrantesque mais encore palpitant. C'est bientôt la fin mais franchement on est très triste que ça s'arrête.

#12 #13
Dupuis - 360 pages

My Sweet Pepper Land

Pimentez votre soirée d’une savoureuse comédie douce amère kurde. Au risque d’être pris d’une furieuse envie de prendre le maquis en sortant !

« Pepper land » c’est un bar au cœur d’un village du Kurdistan irakien. Tantôt auberge tantôt salle de tribunal, il sert de lieu de discussion comme de scission. Entourés des montagnes rocailleuses, les villageois subissent l'oppression d’un tyran local. Mais c’est sans compter la venue de figures de résistance. Baran, shérif garant du respect de la loi est incarné par Kormaz Arslan. Son regard perçant va rencontrer celui de Govend, une institutrice déterminée, sous les traits de l’actrice iranienne Golshifteh Farahni, sublime. Ils vont lutter ensemble contre l’ordre établi. Pour s'aimer comme leur cœur les y invite.

Dans une ambiance western à la croisée des plaines de Turquie, d’Iran, et d’Irak , Hiner Saleem nous fait rire mais aussi réfléchir. Quel sens donner à l’honneur, à la chance, aux traditions? Les paysages sont superbes, l’interprétation très juste. La portée à l’écran de la naissance d’un semblant d’autonomie pour le Kurdistan irakien vaut à elle-seule le détour !

Au doux son du hang, cet original instrument suisse à percussion crée en l’an 2000, le film transporte. On découvre une réalité romancée : l’obscurantisme tenace dans la région, l’étouffante emprise des hommes sur les femmes, sœurs, filles. Combattantes, elles suscitent l’admiration.

Produit par Robert Guédigian, My Sweet Pepper Land est une pépite venue d’Asie centrale. Les personnages féminins d’insoumises inspirent respect et courage. Du cinéma vibrant d’émotion sincère.

Holy Ghost / Marc Ford / Naim Label – 2014

Un ancien Black Crowes continue son bonhomme de chemin dans le monde merveilleux du blues rock. Petits moments de grâce.

Marc Ford a peut être brûlé ses ailes durant son passage au sein du mythique groupe d'Atlanta, les Black Crowes. Guitariste surdoué, il a dû supporter les excès en tout genre des frères Robinson, aussi bien d'un point de vue musical que dans la vie trépidante de stars du rock'n'roll.

Sa participation aux chefs d'oeuvre des Black Crowes prouve en tout cas la valeur du musicien, qui un beau jour a voulu s'échapper de cette vie pour le moins toxique et repartir sur les solides bases du blues.

Ses premiers albums sont discrets mais sympathiques. Ensuite il multiplie les collaborations et Ben Harper lui fait confiance sur quelques albums et tournées. En attendant, le fougueux devient sage et Holy Ghost révèle un chanteur sensible et un amoureux de l'harmonie.

Holy Ghost refuse tous les excès. Les amateurs de riffs stridants vont être déçus. C'est un disque de rock zen, serein, qui rappelle la dernière période de JJ Cale. C'est un album introspectif où tout est pesé et réfléchi. D'une délicieuse délicatesse. Un disque de vieux dans le bon sens du terme. Le visage marqué du musicien sur la pochette prouve qu'il se livre sans fard, sans esbroufe, juste avec quelques accords rocailleux et admirables.

C'est un peu un rock de survivant. Sorte de Droopy du grand barnum du rock'n'roll, Marc Ford se livre enfin sans détour. Abîmé mais sincère. Ce n'est pas un fantôme. C'est un passionné du blues! Il partage avec ce disque sa passion avec une générosité éclatante! Amen!

Qui danse pour les Stone Temple Pilots?

Dancing in Jaffa

Alaa, Noor et Lois habitent Jaffa, en Israël. Ils vont apprendre le rock, la rumba, le merengue grâce à Pierre Dulaine, champion du monde de danse de salon.

Dancing in Jaffa retrace le projet un peu fou de Pierre Dulain: faire danser ensemble des enfants palestiniens et juifs israéliens. Originaire de Jaffa, il retourne sur sa terre natale pour organiser un concours interscolaire. Au-delà des réticences initiales et avec l’aide opportune des professeurs des écoles et d’Yvonne Marceau, sa partenaire de danse de couple, il lance l’aventure avec

S’ouvre à une centaine d’enfants d’écoles juives, arabes ou mixtes un univers de respect et de partage. Plus question de richesse, de religion, de garçon ou de fille. Pour danser ensemble l’important est de s’écouter, de parler le langage commun du corps. Avec patience, concentration, et persévérance, chacun se donne en quête de la qualification au concours.

La caméra suit au quotidien trois d’entre eux. Alaa et son sourire irrésistible vit dans une cabane près de l’eau. Fier de son père, réparant son bateau, il formera un duo avec la jolie Lois aux cheveux blonds. Noor quant à elle extériorise sa souffrance par de l’agressivité.

Marquée par la mort de son père, elle s’ouvre et s’épanouit au fil des jours. Le film véhicule les valeurs positives de la danse : encourager la confiance, l’affirmation de soi, forger l’identité, la générosité. On retient la beauté de certaines scènes, la grâce et l’humour qui s’en dégagent. Mais on déplore les allusions politiques, les scènes de manifestations qui court-circuitent un peu le propos. Mais comment évoquer une enfance en Israël sans parler politique ?

Né à Jaffa en 1944, d’une mère palestinienne et d’un père irlandais, Pierre Dulaine a quitté le pays avec sa famille en 1948 pour rejoindre l’Angleterre puis les Etats-Unis. Pas très à l’aise dans son corps, il s’est révélé grâce à la danse. Il apprend l’élégance du mouvement, la rigueur du placement et avant tout le respect de lui-même et de l’autre. Il décide alors de transmettre sa passion aux enfants de sa terre natale. La danse, une façon d’apprendre à vivre ensemble.

De Hilla Medalia
Pretty Pictures - 2 avril 2014 - 1h24

Mille excuses / Jonathan Dee

Récit de la reconstruction, Mille excuses de Jonathan Dee impressionne par son style et par son rythme. C'est un roman important, à la fois solide et gazeux.

Jonathan Dee s'était fait remarquer en 2011 avec la parution des "Privilèges". Dans ses oeuvres, on le compare volontiers à Jay Mc Inerney ou même à Francis Scott Fitzgerald. Il dépeint souvent la réussite de jeunes gens sans problèmes financiers mais que la vie stoppe à un moment ou à un autre et que le temps démolit peu à peu. La vie est un processus de destruction et le travail une lubie folle à laquelle on s'accroche.

Dans Mille excuses, Ben et Helen, la quarantaine, forment un couple sans histoire. Ils vivent dans une banlieue cossue de New-York, avec Sara adoptée à la naissance et d'origine chinoise. Leur vie comme bien d'autres est faite d'habitudes et de compromis. Ils vivent ensemble mais ne se parlent plus, ne se regardent plus.

C'est dans ce contexte que Ben, soucieux de se sentir encore vivant, va tomber amoureux d'une jeune stagiaire et faire salement dérailler son existence monotone. Procès, médiatisation, honte. Mise au ban de la société. Ben qui est avocat, se retrouve radié du barreau et paria. Helen décide alors de changer de vie, de se remettre à travailler et emmène sa fille à New-York

N'en disons pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de la lecture. Et le plaisir se trouve bien là dans ce rythme soutenu qui passe d'un personnage à l'autre et dans ce romanesque qui nimbe le récit ainsi que son questionnement central : comment fait-on pour rebondir, quand on a chuté ?

Fitzgerald affirmait qu'il n'y avait pas de seconde chance dans la vie d'un américain. Dee démontre que la cicatrisation et la reconstruction sont complexes, tumultueuses et qu'elles ne prennent pas la forme désirée. Il faut dire que l'univers dans lequel les personnages se meuvent, est aussi angoissant que le nôtre. Dee décrit la folie médiatique, les idoles de la société du spectacle qui ne peuvent pas s'abstraire du spectacle qu'ils nous donnent à voir. Ses portraits d'adolescents déglingués sont également frappants.

Entre ce qui se passe aux Etats-unis et ce qui se passe en Europe, dans les têtes et dans les coeurs, il n'y a plus que l'épaisseur d'un papier à cigarette. Nous nous ressemblons tellement que le constat est frigorifiant et la critique difficile. Pourquoi se moquer d'un univers déshumanisé quand le nôtre est en perte de repères ?

A lire donc, pour retrouver ou découvrir un auteur majeur.

De Jonathan Dee,
traduit de l'américain par Elisabeth Peellaert / 280 pages / Collection Feux croisés, Editions Plon

Apprenti Gigolo

Woody Allen sort-il un nouveau film sans que l'on nous ait prévenus ? C'est ce que l'on pense au début de la bande-annonce de Apprenti Gigolo jusqu'à voir que le film est signé John Turturro.

C'est-à-dire que le roi de la comédie intello juive new-yorkaise, a toujours été rare dans les réalisations des autres. Et puis, heureusement, finalement, que ce n'est pas lui derrière Apprenti Gigolo. Blue Jasmine était un si grand film, toute filmographie confondue, que le risque de voir un Allen décevant était élevé. D'autant plus que récemment, l'auteur avait fait preuve d'une grande inégalité. Bref, de toute façon, cette comédie new-yorkaise-là est de Turturro. Pseudo comédie new-yorkaise. Car si l'ombre de Allen plane, et si John Turturro est un acteur caméléon immense, le film est incroyablement raté.

C'est donc l'histoire de deux vieux amis fauchés. Fioravante (John Turturro), est fleuriste et Murray (Woody Allen), plus âgé, libraire. Pour régler leur problèmes financiers, le second propose de devenir le mac du premier, qui devient donc gigolo, pour le plus grand plaisir de femmes cinquantenaires esseulées.

Le film commence sur les chapeaux de roues puisque dès la première scène, l'intrigue est lancée. Ah bon ? Il y a une intrigue dans Apprenti Gigolo ? Problème de taille. Le scénario est mal écrit. Les contours des personnages, sans consistance, et leurs motivations sont si peu clairs que leurs

interactions n'ont absolument aucun sens. Les rôles secondaires y sont ridicules et caricaturaux. Rien n'est crédible, rien ne fait sens. L'ensemble est creux et superficiel. Tout tombe à l'eau. D'abord les dialogues. Certains échanges sont drôles, grâce à Woody Allen – toujours aussi énergique malgré ses presque 80 ans –, qui cela dit, fait juste du Woody Allen. Mais l'enchainement des scènes et le montage manquent tant de fluidité que les dialogues aussi cocasses soient-ils n'ont aucune profondeur.

Manque de solidité aussi dans la réalisation, très désordonnée. Les images ne semblent pas travaillées. Pour pallier au problème de rythme et ne sachant pas comment montrer un New-York jazzy autrement, l'acteur-réalisateur plombe son film de musique. De toute façon, toute tentative de sauver la narration serait vaine.

John Turturro essaye de porter un regard sur la religion, sur les communautés en Amérique du Nord, sur New York et sur le cinéma qui l'a fait, celui de Spike Lee par exemple. Mais les faiblesses du scénario et de la réalisation rendent le message inexistant. Apprenti Gigolo est fastidieux. Et on voudrait le dire dans un râle long et douloureux. Oui, c'est difficile de dire du mal d'un film dans lequel est autant impliqué John Turturro.

De John Turturro
Avec John Turturro, Woody Allen, Sharon Stone et Vanessa Paradis - Arp - 9 avril 2014 - 1h30

Magnum / Katerine / (Barclay – 2014)

Un cocktail dansant préparé par le clown de la chanson française. Ca ne manque pas de (bon et mauvais) gout!

Philippe Blanchard continue de se transformer à chaque album. L’impossibilité de tenir en place de cet artiste est vraiment étonnante. Et plutôt divertissante. Philippe Katerine n’est plus le dandy étrange et précieux de ses débuts. Il est devenu un drôle de rigolo, un amateur de vannes un peu faciles et un musicien aventurier.

Cette fois ci, il limite les blagues potaches comme dans son précédent disque, joyeux délire adolescent. Il revient à la musique avec l’aide de Sebastian, bidouilleur de l’écurie Ed Banger. Ce dernier retrouve un peu les plaisirs mélodiques des débuts de Katerine, avec une terrible envie de faire danser.

Musicalement, Magnum veut tourner sur les platines tout l’été. La fourmi Katerine a laissé place à une cigale chantante, qui s’amuse encore à imiter Patrick Juvet ou Philippe Nicaud. Il dit encore des gros mots comme un gros béta. Il joue toujours sur des paroles simples, qui se répètent et s’entêtent.

Mais l’ironie est mordante. A 45 ans, il semble se moquer de tout sauf de musique. Ce qui est pas mal du tout. Car il arrive à conserver une redoutable efficacité. Il retrouve de l’inspiration. Il a le sourire. Il fait l’idiot mais fonctionne de nouveau comme un musicien, et plus comme un comique un peu lourdaud, un peu touchant, un peu naïf !

Le ridicule ne tue pas mais on ne savait plus trop quoi penser de toutes ses pitreries qui ressemblaient parfois à de l’autodestruction. Ici il profite pleinement d’une disco doucement ringarde mais mélodique. Les rythmes sont accrocheurs et calment les ardeurs comiques du chanteur. Ca s’essouffle un peu sur la fin mais Magnum semble être une belle récolte.

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