1er avril

1er avril

 
Un cocktail surprenant et séduisant mais, peut-être, un peu trop décousu
 
La mise en scène vaut le détour. Yves-Noël Genod, Philippe Gladieux et Benoît Pelé célèbrent et subliment le théâtre des Bouffes du Nord grâce, notamment, à la lumière, magnifiquement instrumentée. Passant du noir profond à des éclairages subtils, d'airs d'opéra à François Valéry, ils rendent toute sa grandeur à la salle, particulièrement, à son plafond en coupole, et en font ressortir une force presque religieuse ou mystique. Les acteurs, ensuite, aux talents divers, chanteurs lyriques, musiciens, danseurs, poseurs, séduisent, chacun dans leur genre. On apprécie aussi l’humour, omniprésent, que ce soit dans l’incongruité des situations ou dans la folie généralisée du spectacle. Eloge de l’originalité, obsession de surprendre, présentés comme remparts contre le fatalisme de se savoir irrémédiablement périssables. Une pensée qu’Yves-Noël Genod partage avec Cioran dont il nous délecte d'une lecture savoureuse.
 
«1er avril» est donc une découverte. Originale, intéressante et séduisante, même si on regrette de ne pas trop comprendre où elle nous mène. Mais sûrement est-ce l'intention, surtout, un soir de 1er avril. 

 

 
Mise en scène et scénographie de Yves-Noël Genod
Au Théâtre des Bouffes du Nord, jusqu’au 12 avril 2014, à 21h

Non Stop

En attendant de faire un troisième Taken, Liam Neeson continue de jouer au chat et à la souris avec des vilains terroristes. Si vous avez le mal de l’air, abstenez vous !

Acteur massif et souvent formidable, Liam Neeson est devenu un peu par hasard, une star du film d’action. C’est un peu le Charles Bronson des années 2000. Suite au carton de Taken, il a donc pris l’habitude de se battre contre des comploteurs de tout poil, avec une certaine efficacité.

Heureusement son physique cabossé amène toujours une pointe de profondeur. Et dans Non Stop, c’est amusant de le voir coincé dans un avion qui a l’air bien trop petit pour lui. Il ne faut pas s’étonner si son personnage picole, mal dans sa peau, jamais remis de la disparition de sa fille.

Ce Marshall des airs est donc harcelé de textos inquiétants. Quelqu’un dans l’avion lui promet d’exécuter un voyageur toutes les 20 minutes si on ne lui donne pas la somme de 150 millions de dollars.

L’ancien flic va donc faire de nombreux allers retours dans le cockpit pour découvrir qui est le machiavélique maître chanteur. Les possibilités sont nombreuses et le scénario tient en haleine le spectateur un temps.

Jusqu’à l’invraisemblance. Les trognes soupconneuses de certains clients et membres de l'équipage inquiètent. Puis le film décolle très haut dans le grand n’importe quoi. Les procédures sont aussi extravagantes que les rebondissements. Le réalisateur espagnol Jaume Collet Serra est assez doué dans la virtuosité. On ne s’ennuie pas une seconde mais très vite, on ne joue plus avec Liam Neeson dans le jeu du chat et de la souris.

Le film pourrait même jouer avec la schizophrénie du personnage central assez border line  mais Non Stop reste un film d’action honnête qui, dans un sous genre très codifié, arrive à nous divertir. En tout  cas, on aimerait que l’acteur n’atterrisse vers un prévisible Taken 3 où il continuera à casser des bras et tirer dans tous les sens !

De Jaumet Collet Serra
Avec Liam Neeson, Julianne Moore, Scoot McNairy et Michelle Dockery – Studio Canal – 26 février 2014 – 1h40

Captain America 2 / Anthony RUSSO et Joe RUSSO

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Captain America n’aime pas la guerre préventive. Il fallait bien un film pour nous rassurer !

 

Le premier épisode était très sympathique. Le film avait la bonne idée de se passer dans les années 40 et rappelait par certains aspects les « serials » de l’enfance de nos grands parents (et un peu Indiana Jones aussi). Un pari culotté pour un film de super héros assez agréable à regarder et qui soignait son coté rétro avec bon goût.

Dans le monde moderne, les choses se compliquent. Le pauvre Captain America ne comprend plus grand-chose en géostratégie. Il n'y a plus d'uniformes nazis pour identifier le mal. Il a bien du mal à accepter de buter des ennemis de son pays qui pour l’instant n’ont rien fait.Mais pourraient faire selon ses nouveaux chefs!

George Bush et les conservateurs ne vont pas apprécier ! D’autant que le Captain va découvrir un terrible complot à l’intérieur du SHIELD, l’équivalent de la CIA dans le monde pétaradant des héros Marvel !

Aidé par le Faucon Noir et la Veuve Noire, il va donc piétiner tout un tas de traitres et d’affreux méchants qui veulent sacrifier la liberté au nom de la sécurité. Sur le papier on pourrait croire que le héros américain est devenu un affreux hippy !

Le vieux film d’aventures était l’essence du premier film. Le second s’amuse à copier le thriller politique en récupérant même Robert Redford, ravi de replonger dans les conspirations comme dans Les trois jours du Condor ou Les hommes du président. Les cinéphiles apprécieront l’inspiration de cette saga qui réussit à ne pas lasser par des élans patriotiques que suggère le blanc héros, toujours joué avec énergie par Chris Evans.

Réalisateurs de petites comédies inoffensives, les frères Russo arrivent même à faire quelques scènes d’action lisibles et ludiques, ce qui n’est pas un mal en cette période de bouillie visuelle hollywoodienne.

Pourtant le concept « conspirations et espionnage » n’est pas assumé d’un bout à l’autre du film. Le film respecte trop sagement le cahier des charges, sans surprise. Chaque scène est découpée pour répondre à l’attente oisive d’un spectateur qui a déjà tout vu en matière de super héros. A l’image du héros, le film reste lisse et trop sage. Content de savoir qu’il n’est pas un patriote décomplexé, mais on aimerait bien que Captain America s’encanaille un peu !

 

Pierre Loosdregt

A mon âge je me cache encore pour fumer

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Confidences de femmes dans un hammam à Alger. Une pièce courageuse qui donne à rire et s’émouvoir.

On se verrait entrer au hammam d’Alger tant le théâtre embaume le savon noir. Trois générations de femmes se retrouvent pour un moment beauté à l’abri des regards. Un moment entre elles pour se parler. Lieu propice des confidences. Elles expriment leurs aigreurs, leurs souvenirs, leur sensualité. Et parlent des hommes bien sûr ! Ah ces hommes. Source de leurs joies et de leurs souffrances, ils ne les ont pas épargnés.

Samia aurait voulu être médecin mais travaille au hammam pour rencontrer un mari. Alors elle y rêve d’oliviers, de pamplemoussiers et du prince charmant qui viendrait la chercher sur son chameau blanc. La violence, la misère mais aussi le courage a traversé la vie de Fatima. Mères, amantes, laïques ou religieuses, les neuf femmes sur scène crient leur désir de jouissance.

L’auteur Rayhana se dresse au travers de cette pièce engagée pour l'émancipation des femmes et contre l'obscurantisme religieux. Ce qui lui a valu une agression musclée… L’origine française des comédiennes les protège quant à elles. On aurait pourtant aimé un casting plus algérien. Certains récits ne sonnent pas toujours justes contés par des Françaises. Linda Chaïb reste la plus prodigieuse de sincérité dans le rôle de Samia. Avec énergie, elle illumine le plateau et touche au coeur.

Sur fond politico-religieux, la pièce souffre par ailleurs du principal défaut de sa qualité. A trop vouloir en dire, elle balaye les drames de la femme algérienne et perd un peu le spectateur. Aussitôt évoqué un destin, on passe à un autre ce qui disperse l’attention. Les mouvements des uns parasitent la parole des autres. Il s’en dit souvent plus à deux ou trois que dans la cacophonie.

Dans le cadre de l’événement Miroirs d’Algérie, le théâtre des quartiers d’Ivry a donné la parole aux hommes dans la pièce Invisibles de Nasser Djemaï puis ici aux femmes dans A mon âge je me cache pour fumer. Deux reflets complexes et sensibles dans le miroir de la société algérienne.

 

Estelle Grenon

 

Jusqu'au 30 mars2014 Théâtre Quartier d'Ivry

Fille De, de Leïla Anis et Géraldine Bénichou

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Magnifique. Une œuvre d’une force et d’une beauté rares!

(suite…)

Les méfaits du tabac, de Tchekhov

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Le dialogue saisissant du théâtre avec la musique !

(suite…)

Les méfaits du tabac

© Pascal Victor / ArtComArt
© Pascal Victor / ArtComArt

Le dialogue saisissant du théâtre avec la musique !

Denis Podalydès et Floriane Bonanni ont trouvé la place exacte de la musique dans ce monologue de Tchekhov.

A l’occasion d’une conférence dans l’école de musique de son épouse, Nioukhine, admirablement joué par le Michel Robin, lâche le poids de 33 ans de mariage. A la fatigue, l’emprisonnement, l’envie de fuir, l’angoisse et la tristesse de Nioutchkine font écho le chant (Romance op 47 n°1 de Piotr Ilitch Tchaïkovski), le piano (Partita n°2 en do mineur, BWV 826 de Jean-Sébastien Bach) et le violon (Sequenza VIII pour violon de Luciano Berio) de ses filles.

Comme si, dans l’enfermement imposé par la mère, le dialogue entre le père et ses filles ne pouvait être que musical, qu’aux mots trop lourds du père, les filles ne pouvaient répondre que par des notes.

Ainsi, naît un magnifique concert de cordes, des cordes vocales fatiguées de la voix du vieil homme, aux cordes sublimement tendues par sa fille soprano, frottées et pincées par sa fille violoniste et frappées par sa fille pianiste.

De ce dialogue subtil et mystérieux, une chose semble commune aux quatre acteurs, la corde est raide, et la lumière accompagne avec brio la gravité du moment.

Un petit bijou !

 Du 18 au 22 mars et du 1er avril au 12 avril 2014 

Théâtre des Bouffes du Nord
www.bouffesdunord.com

Née sous Giscard / Camille CHAMOUX

 Née sous Giscard

Etre « née sous Giscard », n’est pas forcément un point fort pour démarrer dans la vie. Pourtant Camille Chamoux s’en tire avec brio en suscitant un rire irrésistible et de grande qualité.

Vous connaissez Camille Chamoux ? Mais si, vous savez, la fille « née sous Giscard » qui s’affiche en maillot de bain (une pièce, très sage) dans le métro et sur les colonnes Morris parisiennes ! Rien d’exhibitionniste dans sa démarche (encore que…), mais une invite au Théâtre du Petit Saint-Martin pour voir et écouter la demoiselle pérorer sur sa génération de bientôt quadra qui hésite entre nostalgie et modernité.

Un bel exercice qu’elle déroule durant plus d’une heure trente avec une sincérité et un naturel touchants. Sans un mot plus haut que l’autre, sans aucun des effets « comiques » pesants utilisés sans modération par la plupart de ses collègues, Camille Chamoux nous raconte sa vie avec beaucoup d’humour, une bonne dose d’autodérision et énormément de tendresse.

« Ma guerre, c’est la guerre du Golfe. L’idole de mon adolescence, c’est Patrick Bruel. J’ai découvert l’humour avec Michel Leeb, la philosophie avec BHL, le jeu d’actrice avec Valérie Kapriski dans L’Année des méduses, et l’humanitaire avec Kouchner. Je continue ou j’arrête ? J’ai des bases molles… »

Représentante assumée de la « génération X », elle tend le miroir à son public pour une introspection tous azimuts et interprète avec brio une galerie de personnages irrésistibles allant de la jeune mère de famille « très fatiguée » (comprendre en pleine dépression), à l’institutrice dépassée par les questions de ses élèves sur le sens des paroles de la Marseillaise ou (mention spéciale) à la pré-ado de 9 ans estampillée « génération Y » (la suivante, donc) au discours blasé qui fait froid dans le dos.

Bref , on rit beaucoup, mais sans éclats bruyant, avec la même retenue polie que l’artiste met dans ses mots, dans son écriture élégante (poétique souvent) et drôle.
Très drôle !

 

Joël Fompérie

The Grand Budapest Hotel

On a vraiment aimé: on en remet une couche!

 Wes Anderson ne fera jamais un film sans être absolument sûr de ce qu'il fait. Alors, chacune de ses nouvelles créations est un petit bijou d'excentricité, s'ajoutant à son oeuvre, de plus en plus immense et farfelue. Son style si particulier permet de trancher facilement. C'est quitte ou double. Il y a ceux qu'il lasse ou indiffère, ceux qui ne connaissent pas et ne comprennent pas vraiment. Et il y a ceux qui sont fans jusqu'à vouloir arrêter chaque image pour minutieusement décortiquer son travail. Minutie en effet car chaque plan est pensé de A à Z. Costumes, décors, direction d'acteur, dialogues, cadre, couleur, rien n'est laissé aux hasard et les détails sont nombreux. Alors, oui, le cinéma d'Anderson est gravement névrosé. Et ce, pour le plus grand bien du cinéma actuel.

Deux ans à peine après Moonrise Kingdom, le cinéaste nous régale avec The Grand Budapest Hotel. L'action se passe dans un hôtel très prisé des élites en tout genre, dans une Europe de l'Est inventée dans la période de l'entre-deux-guerres. Un romancier nous raconte un de ces séjours au Grand Budapest au cours duquel il rencontre Zero, ancien lobby boy de l'hôtel et propriétaire actuel, qui lui raconte son histoire et celle de M.Gustave, concierge mythique, coquet et superficiel, du dit-palace. C'était la grande époque de l'hôtel. Alors en poste, M.Gustave se voit hériter d'un tableau d'une immense fortune, d'une vieille veuve richissime à laquelle il s'offrait lors de chacun de ses passages à l'hôtel. Accusé à tort de meurtre par la puissante famille de la défunte, il dérobe le tableau et embarque avec lui son protégé, Zero, dans une grande aventure romanesque.

Dans le synopsis déjà, la marque Anderson transparait. Un narrateur dans la narration d'un autre. Des tiroirs dans les tiroirs... Grande spécialité du réalisateur. Puis petite folie de l'auteur, habitué du genre, le héros s'appelle Zero. Mais aussi une nouveauté : The Grand Budapest Hotel est une véritable aventure pleine de suspense et de rebondissements ! Des scènes de poursuites, une évasion, des meurtres, une enquête, beaucoup de secrets... Un vrai film d'aventure dont certains ressorts apparaissaient notamment dans Moonrise Kingdom et Fantastic M.Fox évidemment.

Si l'aventure n'est pas le genre coutumier de Anderson, le film réunit tous les éléments qui caractérise son oeuvre. D'abord une histoire farfelue portée par des personnages déjantés et névrosés dont la névrose devient la caractéristique fondamentale. Ces névroses dessinent donc  leurs traits qui déterminent alors l'apparence de chacun des protagonistes. Dans cette histoire, beaucoup de familles dysfonctionnelles – se rappeler de La famille Tenebaum et des relations parents-enfants dans les autres films – d'où d'ailleurs des personnages hors norme. Une autre particularité réside dans le ton de l'histoire. Elle est réaliste et finalement plausible mais le ton du film est si mutin que l'on s'imagine dans une dimension parallèle. Cependant, elle s'intègre ici dans une période connue de  l'histoire de l'Europe. Anderson a toujours puisé ses influences en Europe. Cette fois, il va plus loin en y localisant son récit. C'est d'ailleurs un personnage anglais joué par deux anglais (Tom Wilkinson, le narrateur et Jude Law, le même narrateur plus jeune) qui nous ouvre le premier la porte de cet édifice, dont les évènements contés s'inspirent de Stefan Zweig. À ce propos, et comme ces précédents films, le film est chapitré.

Le cinéma du Texan propose des dispositifs narratifs forts qui lui sont propres mais c'est aussi un cinéma très technique. Une symétrie à toute épreuve, des cadres dans les cadres, des jeux de couleur à n'en plus finir, des grandes lignes de fuites et des décors méticuleusement composés. Beaucoup de ces décors apparaissent d'ailleurs comme des formes d'exosquelettes des personnages. Ainsi, chaque plan relève de la composition picturale. Les mouvements de caméra sont rares. Quand il y en a, ils sont improbables, soudains, presque compulsifs, mais évidemment parfaitement contrôlés. Et puis, dans ce film vintage et moderne, Anderson met en place un dispositif surprenant : un format d'image différent pour marquer les époques ! Ainsi le 4/3 des années 30 détonne !

C'est un hommage flagrant au cinéma du siècle passé. Tout comme ces cadres rappellent un travail de marionnettiste. Tout comme sa direction d'acteur insiste sur l'héritage du burlesque. Tout comme ses dialogue reflète un amour sans limite pour l'absurde.

Et enfin, le paquet surprise spécial Anderson de chaque film : un casting incroyable, constitué d'acteurs qui lui sont aveuglement fidèles et de nouveaux qui ont bien fait de le suivre ! Dans les grands habitués : Jason Schwartzman, Owen Wilson, Bill Murray et Adrien Brody, habitué en devenir qui en est à sa troisième collaboration avec le réalisateur. Dans les petits nouveaux dont les prestations sont remarquables, il y a surtout les deux héros : Ralph Fiennes et Saoirse Ronan. Et puis tous les autres : Edward Norton (déjà présent dans Moonrise Kingdom), Harvey Keitel, Tilda Swinton (surprenante en octogénaire), Willem Defoe ou encore Jude Law et Jeff Goldblum (déjà présent dans La vie aquatique). Chaque film est l'occasion pour Wes Anderson de nous régaler d'un casting hors norme, pointu et complètement barré. Comme ses films.

En fait, Wes Anderson fait toujours pareil pour mieux nous surprendre à chaque fois. Et la surprise est entière à chaque sortie. Bravo.

The Grand Budapest Hotel

Le fameux et vintage réalisateur Wes Anderson réussit un super film d'aventures à l'ancienne.

Maniéré, le cinéma de Wes Anderson devient enfin vivant. Depuis quelques films, l'artifice se met au service des personnages et non pas de la posture du cinéaste, entre indépendance et envie de briller. Il appartient à la petite famille Coppola, possède le même réseau et veut à tout prix se démarquer.

Avec un goût particulier pour les détails vintage et les situations absurdes, le cinéaste a réussi à agacer tout le monde mais avec Moonrise Kingdom, il a commencé à se renouveler et se jouer de sa mécanique bien huilée, son artisanat précieux.

The Grand Budapest Hotel fait donc preuve d'une très grande humilité. Bien entendu l'influence est une fois de plus venue d'Europe mais le réalisateur se fait plaisir et semble avoir réfléchi sur sa démarche. C'est une comédie. Et un peu plus.

Son film collectionne les stars ravis de jouer des hurluberlus du Siècle dernier. Cela fait tendance mais le cinéaste soigne d'abord son héros, un maître d'hôtel un peu particulier. Il hérite d'un tableau. C'est le début d'une grande aventure à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale. Trop décalé, le cinéma de Wes Anderson semblait refuser le Monde qui l'entoure.

Après un hommage à l'enfance avec Moonrise Kingdom, il évoque ici donc l'Histoire, de manière fantaisiste mais amène un peu son art vintage dans une réalité, même si la fantaisie est omniprésente. Avec pudeur, il tente donc de revoir son univers au contact d'une réalité plus dure, la guerre et le fascisme, mais ne peut s'empêcher de provoquer une trépidante histoire autour d'un maître d'hôtel absolument charmant et désopilant.

En limitant l'espace et le cadre, le film rappelerait les comic strips des années 30 et même Tintin. Anderson serait allé plus loin que Peter Jackson et Steven Spielberg en retrouvant l'essence quasi graphique du plaisir que l'on a à lire Tintin.

La dérision n'est plus tranchante chez Anderson. Elle le pousse à une réfléxion sur son art et son style. C'est un film à plusieurs lectures. C'est inattendu. On peut y voir une fantaisie burlesque et rétro, un conte cruel sur l'innocence trahie, une belle histoire d'amitié, une aventure loufoque...

On y voit surtout un extraordinaire numéro d'acteur de la part de Ralph Fiennes, qui visiblement a revu tous les films et émissions des Monty Pythons. Il est irrésistible. Il est pour beaucoup dans la réussite de ce film vraiment unique en son genre!

De Wes Anderson
Avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, Harvey Keitel et Edward Norton - Searchlight - 26 février 2014 - 1h34

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