Un music hall féerique tiré d’une histoire pleine d’enchantement. Après 13 ans de triomphe à Broadway, il s’installe au théâtre Mogador à Paris. Une version fidèle au Disney et drôle par ses objets animés! (suite…)
École des femmes, Molière, Philippe Adrien, la Tempête
Les délectables ficelles de l’intrigue de Molière mises en scène avec créativité et jouées avec talent. De quoi réveiller l’École! Incontournable pour les femmes comme pour les hommes!
La jeune Agnès à l’école de la vie. Entre Horace, jeune amoureux qui fait battre son cœur et le plus âgé Arnolphe qui a tout orchestré pour la façonner à son goût, son apprentissage va être formateur.
Dans la Cartoucherie, Philippe Adrien dirige avec brio le théâtre de la Tempête sans délaisser le temps accordé à la mise en scène. Son École des femmes, créé en 2013 avait connu un grand succès et été nominée aux Molières 2014 de la mise en scène du théâtre public et Molière 2015 de la révélation féminine pour Valentine Galey.
Comment s’y est-il pris ? En transposant l’histoire de l’école des femmes à la fin du XIXe. Les décors de Jean Haas : la ferme, son potager, son linge sur la corde, semblent prendre vie sur scène. Les costumes de Cidalia Da Costa facilitent l’identification des comédiens aux personnages. Joanna Jianoux et Gilles Commode sont absolument truculents en Georgette et Alain. Chacun met sur scène l’énergie que mérite Molière en se donnant entièrement. Mention spéciale à la performance remarquable de Patrick Paroux rendant Arnolphe aussi agaçant qu’attachant.
Pourquoi monter l’École des femmes aujourd’hui?. Au-delà de l’intérêt des classiques du répertoire, parce que ce texte de 1662 a tant à dire à chaque génération. Molière adresse une critique à la société sur la place de la femme, son interrogation du rapport homme-femme continue d’interpeller plus de 3 siècles après. La savoureuse langue en alexandrins et en rimes reste un enchantement pour les oreilles, d’autant plus que le texte est ici parfaitement respecté et maitrisé. La vie surprend, joue des tours et dans la salle le public est conquis!
Les bancs de cette École vont être longtemps occupés par des spectateurs passionnés !
« Arnolphe : Pourquoi ne m'aimer pas, madame l'impudente?
Agnès : Mon Dieu! ce n'est pas moi que vous devez blâmer: Que ne vous êtes-vous, comme lui, fait aimer?
Je ne vous en ai pas empêché, que je pense.
Arnolphe : Je m'y suis efforcé de toute ma puissance; Mais les soins que j'ai pris, je les ai perdus tous.
Agnès : Vraiment, il en sait donc là-dessus plus que vous;
Car à se faire aimer il n'a point eu de peine. »
Pink Galina – Sarah OLIVIER – (La triperie-2013)
Une jolie gouaille à connaître !
Sarah Olivier sort Pink Galina un album qui mérite le détour à plusieurs titres. Tout d'abord la demoiselle a de la voix et sait l'utiliser. La tessiture est suffisamment ample pour permettre toutes les excentricités. On écoute avec plaisir toutes ses pirouettes et ses fantaisies. Ensuite le parcours théâtral de Sarah donne une couleur expressive pleine de culot à l'ensemble des chansons. On est proche de Catherine Ringer. Les textes en français évoquent l'histoire de femmes qui boivent pour oublier, prennent des risques quitte à se faire mal, victimes de la vie ou de l'amour. Noctambule mélancolique, Sarah Olivier amuse et nous entraîne dans un monde où le malheur flirte avec la poésie.
Une jolie humanité se dégage de l'ensemble. La musique alterne ambiance rock, chanson réaliste et tcha-tcha-tcha. Cette musique célèbre la liberté des femmes, leur sex-appeal, leur indépendance. On oscille entre chansons de coquettes, de cocottes de tripots et chansons planantes qui prennent le temps d'installer des mondes parallèles. La violence de certains textes est assumée. Sarah Olivier nous offre une belle ode au mythe d'Ophélie en fin d'album, une fin aquatique. Nous ne sommes pas jamais dans un pathos cathartique qui dérangerait, nous sommes dans une représentation habilement orchestrée et mise en scène.
Le ton est donné. Une fantaisiste est née. La vie est croquée à pleine dent avec un talent musical évident. Sarah Olivier est à suivre de près. Succès en vue.
Le Plancher, Perrine Le Querrec
« Alexandre, Joséphine, Paule, Simone et Jeannot : il y avait une histoire où les parents étaient heureux et Paule, Simone et Jeannot trois enfants gais et insouciants. Mais on n’était pas dans cette histoire-là. »
(suite…)
Elena’s Aria, Anne Teresa DE KEERSMAEKER et Compagnie ROSAS
La chorégraphe belge repropose en tournée ses premières créations, pour montrer à rebours le fil conducteur de son travail.
Elena’s aria est la troisième création en date d’Anne Teresa de Keersmaeker, conçue en 1984. A l’époque, ce spectacle a reçu un accueil très froid lors de sa première présentation. Et pourtant il ne s’agit pas d’une erreur de parcours, après le succès de Fase et de Rosas danst Rosas: c’est avec cette pièce qu’Anne Teresa de Keersmaeker signerait son idéal de la danse, exprimerait sans ornements thèmes, gestes et rythmes qui lui tiennent à cœur et font sa personnalité d’artiste.
L’expérience que le spectateur fait d’Elena’s aria est curieusement pénible. Plusieurs personnes quittent la salle très rapidement, découragés par le côté fragmentaire, énigmatique et âpre des gestes accomplis sur scène. Notre idolâtrie absolue pour cette figure de la danse contemporaine nous fait résister, elle nous pousse à affronter la pesanteur de ce spectacle, à vivre cette épreuve avec masochisme, interrogations et fascination.
Une musique très faible, des années 30, accompagne parfois les cinq danseuses sur scène, interrompue par de longues minutes de silence, interminables, quand ce n’est pas par le bruit fastidieux d’un énorme ventilateur, actionné par les danseuses elles-mêmes, qui sont d’ailleurs constamment occupées par la scénographie qui les entoure. Des chaises. Un fauteuil dans un coin avec une lampe de lecture. Un cercle dessiné au centre de la scène. Et c’est tout.
On reconnaît par moments la sérialité des gestes typiques, la rupture des mouvements en cours, la cassure d’une posture digne, pour découvrir les possibilités du corps, les directions qu’il peut prendre.
Ce spectacle transmet une image de femme assez mélancolique : c’est la demoiselle de la ville qui, talons hauts et robe serrée, marche en rond et se brise, hystérique ; on pourrait voir en elle les formes d’une mère de famille ou de femme au foyer, négligée et épuisée.
Alors que dans Fase et Rosas danst Rosas, on appréhendait immédiatement la composition globale que la chorégraphe avait conçue, en travaillant la sérialité et la géométrie de l’espace scénique, dans Elena’s aria il est très ardu d’intégrer la structure générale de la pièce qui ne se dévoile que très tard aux yeux du spectateur. On imagine bien l’avant-garde qu’une telle construction pouvait représenter en 1984, en opposition radicale avec les créations précédentes, l’homogénéité joyeuse des gestes des danseuses et la plénitude du dialogue entre musique et mouvements que l’on avait découvert chez cette jeune chorégraphe belge.
Avec cette nouvelle pièce, Anne Teresa De Keermaecker fuyait la facilité, questionnait la fragmentation et la mélancolie. L’emploi d’images de chutes de bâtiments projetées en 16mm, la voix de Fidel Castro, les lectures de textes de Brecht, Tolstoï et Dostoïevski participent à cette fragmentation du sens et du rythme. C’étaient les prémices de ses recherches postérieures qui perdurent dans ses créations plus récentes, comme En atendant et Cesena.
Flavia Ruani et Gloria Morano
© Etat-critique.com - 24/05/2013
Matthieu Boré au Sunside / Matthieu Boré QUARTET
Il y a de la joie au Sunside !
On avait beaucoup aimé Frizzante, son album paru en 2010, quand on a su qu'il passait au Sunside pour trois sets de musique comprenant son denier album, on n'a pas hésité à prendre des places pour la rédaction. Le 60 rue des Lombards est plein. Mojitos, bières, petits vins blancs frais. Matthieu Boré au piano et au chant. Tony Match à la batterie. Le compagnon de route de Matthieu est là aussi, à la contre-basse, le bien nommé Stephen Harrison. Toujours la même classe digne d'un polar à Chicago. Et à la guitare, le bluesman, Stan Noubard Pacha.
Tous les ingrédients sont là pour que une soirée jazz en bonne et due forme. Dès le premier set, le quartet enflamme le public. Matthieu Boré, pétillant, reprend des chansons de Frizzante mais aussi de Roots, son dernier album. De très belles reprises. Si Georgia est en-dessous de l'interprétation du Genious, Ray Charles - comment dépasser, réinterpréter ce morceau d'anthologie ?- les reprises de Prince - Girls and Boys- et surtout de Terence Trente d'Arby - Sign your name- sont de vraies redécouvertes. Grande surprise avec Wake me up de Geroges Mickaël qui amuse beaucoup ma compagne. Celle-ci me glisse à l'oreille que tout le monde devrait avoir ce morceau dans sa voiture le matin pour attirer la bonne humeur.
Les duos vocaux de Matthieu Boré et de Stephen Harrison sont un vrai plus. Quant à Stan Noubard Pacha, il illumine très souvent chaque morceau de chorus improvisés particulièrement en phase avec le phrasé et le swing naturel de Matthieu Boré. Le blues de Stan Noubard Pacha et son touché aussi sensuel que pêchu apportent une couleur supplémentaire à l'ensemble. On sourit, on applaudit des riffs parfois directement inspirés de John Lee Hooker. Deux spectateurs dansent dans la salle. Il y a de la joie au Sunside. Le Trenet du Jazz s'amuse à en perdre ses musiciens qui lui courent après et le regardent souvent en fin de course pour repérer la ligne d'arrivée. Ces fins qui ressemblent parfois à des dérapages contrôlés !
Le Sunside est une petite salle qui permet de rencontrer facilement les artistes entre deux sets. On ne peut que vous conseiller d'aller écouter le quartet de Mathieu Boré. Plaisir garanti. Un jazz vivant, facile d'accès et énergisant.
10 questions à Matthieu Boré
Pour la sortie de son dernier album, Roots, Matthieu Boré répond à notre "10 questions à"...
Bonjour, Matthieu Boré ! Vous êtes assis confortablement ? Bon, alors voilà : Etat-critique.com a une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer… et dix questions à vous poser. On y va ?
D'abord la mauvaise nouvelle : la fin du monde est pour la semaine prochaine.
Maintenant, la bonne nouvelle : vous serez la seule survivante (ou presque) et vous avez, en plus, le pouvoir de sauver 10 monuments de votre Panthéon personnel.
Voici les thèmes, à vous de désigner (et de commenter) les heureux élus !
1. Le disque que vous souhaitez sauver ?
Le disque dur de mon ordinateur, j'y ai archivé un nombre incalculable de chansons, j'aurai ainsi le choix de la musique en fonction de mon humeur.
2. Le film que vous souhaitez sauver ?
Un film de Franck Capra, Monsieur Smith au Sénat s'il fallait en choisir un, pour garder foi en l'Homme.
3. Le livre que vous souhaitez sauver ?
Je pense que ça serait un dictionnaire, le Petit Robert sûrement, en plus des définitions et des étymologies il y a plein de citations.
4. La bande dessinée que vous souhaitez sauver ?
Une BD de Manara pour se souvenir de la beauté des femmes.
5. L'homme que vous souhaitez sauver ?
Adam...
6. La femme que vous souhaitez sauver ?
...et Eve
7. L'objet, le lieu ou le monument que vous souhaitez sauver ?
La statue de la liberté, comme ça je pourrais rejouer quand bon me semble la scène finale de la planète des singes.
8. L'émission de télé que vous souhaitez sauver ?
Le muppet show, parce qu'absurde et désopilant et que les numéros musicaux sont exceptionnels.
9. Le plat que vous souhaitez sauver ?
Une tranche de foie de veau et du "corn on the cob", le plat que me préparait ma maman.
10. Votre œuvre personnelle que vous souhaitez sauver ?
Sincèrement aucune, de toute façon il y aurait tout à inventer, je pourrais donc essayer de me faire passer pour Mozart ou Ray Charles (rires).
Merci Matthieu Boré !
Nous transmettons votre liste à qui de droit…
Propos recueillis par Sébastien Mounié
The Deram anthology (1966-1968) / David BOWIE / (Decca/Polygram – 1997)
"Pour moi, un caméléon c’est quelque chose qui se déguise pour ressembler le plus possible à son environnement. J’ai toujours pensé que je faisais exactement l’inverse de cela" (David Bowie, 1993)
Fin 1963. A peine sorti de l’adolescence et d’une formation d’ébéniste, le jeune David Jones commence à composer, chanter et jouer du saxo au sein de différents groupes éphémères comme les King Bees, les Manish Boys, les Lower Third, les Buzz… avec des petits enregistrement et quelques 45t à la clé (je vous dis pas ce que ça vaut aujourd’hui).
Fin 1966 - Deram, filiale de Decca, engage David Bowie et édite dans la foulée un album éponyme de 14 titres ainsi qu’une série de singles. Sans aucun succès. Elle le vire donc dès 1968, (excellente maison, Decca qui avait déjà retoqué les maquettes des Beatles en 1962 !), laissant - entre autre - en plan, inexploitée, une première version du chef d’œuvre Space Oddity, l’incontestable pivot de la carrière commerciale de l’artiste, qui fera le bonheur de Mercury Records quelques mois plus tard (et qui sera utilisé par la BBC comme générique aux premiers pas de l’homme sur la lune !)… Ensuite, c’est une autre histoire, mieux connue, pleine de glam, de génie et de gloire.
Bon, maintenant que vous situez bien les 27 plages qui vous sont ici offertes, on y regarde de plus près ?
Tout d’abord ne vous attendez pas à y retrouver vos repères : le principal intérêt de cette série de chansons très variées, de facture globalement assez classique, distinguée et très orchestrée, est d’y observer les graines en germe de ce qui jaillira en gerbes multicolores dans les années qui suivront. Mélodies, interprétation, idées… on se régale, on est épaté du brio et de la maturité de ce gamin autodidacte, encore un tout petit peu emprunté, mais dont le talent transpire déjà comme une évidence. On repère les prémices du théâtral (Please Mr Gravedigger) ; on sourit à quelques niaiseries (The laughing gnome, assurément son morceau le plus débile, toutes époques confondues, petite voix niaise en prime… qui atteindra pourtant le top 4 en 1973, quand Decca choisira de le ressortir, en pleine vague Ziggy ! Décidément, Decca…) ; on groove (In the heat of the morning) ; on admire les harmonies (Sell me a coat), les arrangements (The gospel according to Tony Day)… et on tombe par terre quand on constate à quel point la poignante version originelle de Space Oddity est forte et magnifique.
Une extraordinaire brassée de titres prophétiques oubliés et pourtant indispensables à ces imbéciles qui ont l'immonde culot de comparer l'homme aux yeux vairons à un caméléon !
Et aux autres aussi, bien sûr !
Sound & Vision / David BOWIE / 4 CD (EMI – 2003)
Pépites, joyaux et perles rares illuminent cette très intelligente rétrospective (1969-1993). Pour approfondir ou pour découvrir l’œuvre d’un sertisseur de génie.
C’est comme si on pénétrait dans un musée.
Premier tableau : la toute première demo du mythique Space oddity, enregistré dans sa chambre par David Bowie, en compagnie de John Hutchinson, d’une guitare douze cordes et d’un stylophone (curieux instrument électronique au son nasillard…).
Dernier tableau : une très dure version live (Amsterdam 1997) du très free Pallas Athena tiré de l’album "Black tie white noise".
Entre deux, le parcours musical d’un génie, retracé avec une acuité et un à propos absolument formidables. Car contrairement à la plupart des compilations, le choix des titres n’a pas été déterminé en fonction de leur succès commercial, mais par rapport à leur importance dans la carrière de l’artiste, qu’il s’agit ici d’illustrer de façon logique et cohérente.
Et une fois les morceaux choisis, on privilégiera leur édition dans des versions rares ou alternatives. Le résultat est, bien entendu, tout à fait épatant pour un gros fan comme moi. Mais la visite devrait également passionner les hommes et femmes de goût, curieux de découvrir et de comprendre l’itinéraire artistique d’un créateur qui vient assurément d’ailleurs.
On passe de salle en salle, des œuvres de jeunesse aux œuvres de sagesse, sans contourner les périodes creuses, les égarements et les moments de faiblesse. Tout est intéressant quand il s’agit d’appréhender une œuvre dans sa globalité.
L’énigmatique et indispensable The Bewlay brothers est là. Le dernier enregistrement avec Mick Ronson et les Spiders from Mars aussi (1984/Dodo). Rebel rebel est présenté dans une version rare où Bowie joue tous les instruments (chant-guitare-basse-batterie !). La langue allemande donne une force supplémentaire au pourtant déjà très poignant Heroes (Helden), période Berlin 1977. Et la progression de cette version live de Station to station ! Et la froide sensualité de Cat peopledans sa version du film "La féline"…
On passe de salle en salle jusqu’au pied du Buddha of suburbia, bande son d’un film oublié.
Pour être parfaitement complet, on aurait sans doute dû rajouter un gros cinquième CD correspondant à la période 1995/2003 où cinq très bons albums ont vu le jour dans les mains d’un David Bowie en plein regain créatif.
Les véritables artisans de ce magnifique travail sont les canadiens de chez Rykodisc, qui avaient élaboré le premier coffret Sound + Vision fin 1989. Rapidement épuisé, cet objet était devenu pièce de collection bowiephile.
Alors il y a dix ans, EMI a récupéré le bébé, l’a luxueusement relooké, agrémenté de quelques titres plus récents et puis ressorti sous cette forme, qu'on peut encore s'offrir avant qu'il devienne collector à son tour.
Hormis un poster sans intérêt (et plié en douze, donc inutilisable), le superbe livret bourré de belles photos rares, l’intéressante histoire parallèle (en anglais) et les cinq heures de voyage au pays du caméléon feront de vous une fois encore des enfants (du rock) gâtés-pourris.
Et puis, tenez : cet excellent reportage en cadeau-bonus :