Le Plancher, Perrine Le Querrec

le plancher

« Alexandre, Joséphine, Paule, Simone et Jeannot : il y avait une histoire où les parents étaient heureux et Paule, Simone et Jeannot trois enfants gais et insouciants. Mais on n’était pas dans cette histoire-là. »
(suite…)

Elena’s Aria, Anne Teresa DE KEERSMAEKER et Compagnie ROSAS

article_4951La chorégraphe belge repropose en tournée ses premières créations, pour montrer à rebours le fil conducteur de son travail.
Elena’s aria est la troisième création en date d’Anne Teresa de Keersmaeker, conçue en 1984. A l’époque, ce spectacle a reçu un accueil très froid lors de sa première présentation. Et pourtant il ne s’agit pas d’une erreur de parcours, après le succès de Fase et de Rosas danst Rosas: c’est avec cette pièce qu’Anne Teresa de Keersmaeker signerait son idéal de la danse, exprimerait sans ornements thèmes, gestes et rythmes qui lui tiennent à cœur et font sa personnalité d’artiste.

L’expérience que le spectateur fait d’Elena’s aria est curieusement pénible. Plusieurs personnes quittent la salle très rapidement, découragés par le côté fragmentaire, énigmatique et âpre des gestes accomplis sur scène. Notre idolâtrie absolue pour cette figure de la danse contemporaine nous fait résister, elle nous pousse à affronter la pesanteur de ce spectacle, à vivre cette épreuve avec masochisme, interrogations et fascination.

Une musique très faible, des années 30, accompagne parfois les cinq danseuses sur scène, interrompue par de longues minutes de silence, interminables, quand ce n’est pas par le bruit fastidieux d’un énorme ventilateur, actionné par les danseuses elles-mêmes, qui sont d’ailleurs constamment occupées par la scénographie qui les entoure. Des chaises. Un fauteuil dans un coin avec une lampe de lecture. Un cercle dessiné au centre de la scène. Et c’est tout.

On reconnaît par moments la sérialité des gestes typiques, la rupture des mouvements en cours, la cassure d’une posture digne, pour découvrir les possibilités du corps, les directions qu’il peut prendre.

Ce spectacle transmet une image de femme assez mélancolique : c’est la demoiselle de la ville qui, talons hauts et robe serrée, marche en rond et se brise, hystérique ; on pourrait voir en elle les formes d’une mère de famille ou de femme au foyer, négligée et épuisée.

Alors que dans Fase et Rosas danst Rosas, on appréhendait immédiatement la composition globale que la chorégraphe avait conçue, en travaillant la sérialité et la géométrie de l’espace scénique, dans Elena’s aria il est très ardu d’intégrer la structure générale de la pièce qui ne se dévoile que très tard aux yeux du spectateur. On imagine bien l’avant-garde qu’une telle construction pouvait représenter en 1984, en opposition radicale avec les créations précédentes, l’homogénéité joyeuse des gestes des danseuses et la plénitude du dialogue entre musique et mouvements que l’on avait découvert chez cette jeune chorégraphe belge.

Avec cette nouvelle pièce, Anne Teresa De Keermaecker fuyait la facilité, questionnait la fragmentation et la mélancolie. L’emploi d’images de chutes de bâtiments projetées en 16mm, la voix de Fidel Castro, les lectures de textes de Brecht, Tolstoï et Dostoïevski participent à cette fragmentation du sens et du rythme. C’étaient les prémices de ses recherches postérieures qui perdurent dans ses créations plus récentes, comme En atendant et Cesena.

 

Flavia Ruani et Gloria Morano

© Etat-critique.com - 24/05/2013

Matthieu Boré au Sunside / Matthieu Boré QUARTET

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Il y a de la joie au Sunside !

On avait beaucoup aimé Frizzante, son album paru en 2010, quand on a su qu'il passait au Sunside pour trois sets de musique comprenant son denier album, on n'a pas hésité à prendre des places pour la rédaction. Le 60 rue des Lombards est plein. Mojitos, bières, petits vins blancs frais. Matthieu Boré au piano et au chant. Tony Match à la batterie. Le compagnon de route de Matthieu est là aussi, à la contre-basse, le bien nommé Stephen Harrison. Toujours la même classe digne d'un polar à Chicago. Et à la guitare, le bluesman, Stan Noubard Pacha.

Tous les ingrédients sont là pour que une soirée jazz en bonne et due forme. Dès le premier set, le quartet enflamme le public. Matthieu Boré, pétillant, reprend des chansons de Frizzante mais aussi de Roots, son dernier album. De très belles reprises. Si Georgia est en-dessous de l'interprétation du Genious, Ray Charles - comment dépasser, réinterpréter ce morceau d'anthologie ?- les reprises de Prince - Girls and Boys- et surtout de Terence Trente d'Arby - Sign your name- sont de vraies redécouvertes. Grande surprise avec Wake me up de Geroges Mickaël qui amuse beaucoup ma compagne. Celle-ci me glisse à l'oreille que tout le monde devrait avoir ce morceau dans sa voiture le matin pour attirer la bonne humeur.

Les duos vocaux de Matthieu Boré et de Stephen Harrison sont un vrai plus. Quant à Stan Noubard Pacha, il illumine très souvent chaque morceau de chorus improvisés particulièrement en phase avec le phrasé et le swing naturel de Matthieu Boré. Le blues de Stan Noubard Pacha et son touché aussi sensuel que pêchu apportent une couleur supplémentaire à l'ensemble. On sourit, on applaudit des riffs parfois directement inspirés de John Lee Hooker. Deux spectateurs dansent dans la salle. Il y a de la joie au Sunside. Le Trenet du Jazz s'amuse à en perdre ses musiciens qui lui courent après et le regardent souvent en fin de course pour repérer la ligne d'arrivée. Ces fins qui ressemblent parfois à des dérapages contrôlés !

Le Sunside est une petite salle qui permet de rencontrer facilement les artistes entre deux sets. On ne peut que vous conseiller d'aller écouter le quartet de Mathieu Boré. Plaisir garanti. Un jazz vivant, facile d'accès et énergisant.

10 questions à Matthieu Boré

ROOTS

 

 

 

 

Pour la sortie de son dernier album, Roots, Matthieu Boré répond à notre "10 questions à"...
Bonjour, Matthieu Boré ! Vous êtes assis confortablement ? Bon, alors voilà : Etat-critique.com a une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer… et dix questions à vous poser. On y va ?

D'abord la mauvaise nouvelle : la fin du monde est pour la semaine prochaine.

Maintenant, la bonne nouvelle : vous serez la seule survivante (ou presque) et vous avez, en plus, le pouvoir de sauver 10 monuments de votre Panthéon personnel.

Voici les thèmes, à vous de désigner (et de commenter) les heureux élus !

1.      Le disque que vous souhaitez sauver ?

Le disque dur de mon ordinateur, j'y ai archivé un nombre incalculable de chansons, j'aurai ainsi le choix de la musique en fonction de mon humeur.

2.      Le film que vous souhaitez sauver ?

Un film de Franck Capra, Monsieur Smith au Sénat s'il fallait en choisir un, pour garder foi en l'Homme.

3.      Le livre que vous souhaitez sauver ?

Je pense que ça serait un dictionnaire, le Petit Robert sûrement, en plus des définitions et des étymologies il y a plein de citations.

4.      La bande dessinée que vous souhaitez sauver ?

Une BD de Manara pour se souvenir de la beauté des femmes.

5.      L'homme que vous souhaitez sauver ?

Adam...

6.      La femme que vous souhaitez sauver ?

...et Eve

7.      L'objet, le lieu ou le monument que vous souhaitez sauver ?

La statue de la liberté, comme ça je pourrais rejouer quand bon me semble la scène finale de la planète des singes.

8.      L'émission de télé que vous souhaitez sauver ?

Le muppet show, parce qu'absurde et désopilant et que les numéros musicaux sont exceptionnels.

9.      Le plat que vous souhaitez sauver ?

Une tranche de foie de veau et du "corn on the cob", le plat que me préparait ma maman.

10.     Votre œuvre personnelle que vous souhaitez sauver ?

Sincèrement aucune, de toute façon il y aurait tout à inventer, je pourrais donc essayer de me faire passer pour Mozart ou Ray Charles (rires).

Merci Matthieu Boré !

Nous transmettons votre liste à qui de droit…

 

 

Propos recueillis par Sébastien Mounié

The Deram anthology (1966-1968) / David BOWIE / (Decca/Polygram – 1997)

The Deram anthology (1966-1968)

 

"Pour moi, un caméléon c’est quelque chose qui se déguise pour ressembler le plus possible à son environnement. J’ai toujours pensé que je faisais exactement l’inverse de cela" (David Bowie, 1993)

Fin 1963. A peine sorti de l’adolescence et d’une formation d’ébéniste, le jeune David Jones commence à composer, chanter et jouer du saxo au sein de différents groupes éphémères comme les King Bees, les Manish Boys, les Lower Third, les Buzz… avec des petits enregistrement et quelques 45t à la clé (je vous dis pas ce que ça vaut aujourd’hui).

Fin 1966 - Deram, filiale de Decca, engage David Bowie et édite dans la foulée un album éponyme de 14 titres ainsi qu’une série de singles. Sans aucun succès. Elle le vire donc dès 1968, (excellente maison, Decca qui avait déjà retoqué les maquettes des Beatles en 1962 !), laissant - entre autre - en plan, inexploitée, une première version du chef d’œuvre Space Oddity, l’incontestable pivot de la carrière commerciale de l’artiste, qui fera le bonheur de Mercury Records quelques mois plus tard (et qui sera utilisé par la BBC comme générique aux premiers pas de l’homme sur la lune !)… Ensuite, c’est une autre histoire, mieux connue, pleine de glam, de génie et de gloire.

Bon, maintenant que vous situez bien les 27 plages qui vous sont ici offertes, on y regarde de plus près ?

Tout d’abord ne vous attendez pas à y retrouver vos repères : le principal intérêt de cette série de chansons très variées, de facture globalement assez classique, distinguée et très orchestrée, est d’y observer les graines en germe de ce qui jaillira en gerbes multicolores dans les années qui suivront. Mélodies, interprétation, idées… on se régale, on est épaté du brio et de la maturité de ce gamin autodidacte, encore un tout petit peu emprunté, mais dont le talent transpire déjà comme une évidence. On repère les prémices du théâtral (Please Mr Gravedigger) ; on sourit à quelques niaiseries (The laughing gnome, assurément son morceau le plus débile, toutes époques confondues, petite voix niaise en prime… qui atteindra pourtant le top 4 en 1973, quand Decca choisira de le ressortir, en pleine vague Ziggy ! Décidément, Decca…) ; on groove (In the heat of the morning) ; on admire les harmonies (Sell me a coat), les arrangements (The gospel according to Tony Day)… et on tombe par terre quand on constate à quel point la poignante version originelle de Space Oddity est forte et magnifique.

Une extraordinaire brassée de titres prophétiques oubliés et pourtant indispensables à ces imbéciles qui ont l'immonde culot de comparer l'homme aux yeux vairons à un caméléon !
Et aux autres aussi, bien sûr !

Sound & Vision / David BOWIE / 4 CD (EMI – 2003)

Sound & Vision

 

Pépites, joyaux et perles rares illuminent cette très intelligente rétrospective (1969-1993). Pour approfondir ou pour découvrir l’œuvre d’un sertisseur de génie.

 

 

C’est comme si on pénétrait dans un musée.

Premier tableau : la toute première demo du mythique Space oddity, enregistré dans sa chambre par David Bowie, en compagnie de John Hutchinson, d’une guitare douze cordes et d’un stylophone (curieux instrument électronique au son nasillard…).

Dernier tableau : une très dure version live (Amsterdam 1997) du très free Pallas Athena tiré de l’album "Black tie white noise".

Entre deux, le parcours musical d’un génie, retracé avec une acuité et un à propos absolument formidables. Car contrairement à la plupart des compilations, le choix des titres n’a pas été déterminé en fonction de leur succès commercial, mais par rapport à leur importance dans la carrière de l’artiste, qu’il s’agit ici d’illustrer de façon logique et cohérente.
Et une fois les morceaux choisis, on privilégiera leur édition dans des versions rares ou alternatives. Le résultat est, bien entendu, tout à fait épatant pour un gros fan comme moi. Mais la visite devrait également passionner les hommes et femmes de goût, curieux de découvrir et de comprendre l’itinéraire artistique d’un créateur qui vient assurément d’ailleurs.

On passe de salle en salle, des œuvres de jeunesse aux œuvres de sagesse, sans contourner les périodes creuses, les égarements et les moments de faiblesse. Tout est intéressant quand il s’agit d’appréhender une œuvre dans sa globalité.

L’énigmatique et indispensable The Bewlay brothers est là. Le dernier enregistrement avec Mick Ronson et les Spiders from Mars aussi (1984/Dodo). Rebel rebel est présenté dans une version rare où Bowie joue tous les instruments (chant-guitare-basse-batterie !). La langue allemande donne une force supplémentaire au pourtant déjà très poignant Heroes (Helden), période Berlin 1977. Et la progression de cette version live de Station to station ! Et la froide sensualité de Cat peopledans sa version du film "La féline"…
On passe de salle en salle jusqu’au pied du Buddha of suburbia, bande son d’un film oublié.

Pour être parfaitement complet, on aurait sans doute dû rajouter un gros cinquième CD correspondant à la période 1995/2003 où cinq très bons albums ont vu le jour dans les mains d’un David Bowie en plein regain créatif.

Les véritables artisans de ce magnifique travail sont les canadiens de chez Rykodisc, qui avaient élaboré le premier coffret Sound + Vision fin 1989. Rapidement épuisé, cet objet était devenu pièce de collection bowiephile.
Alors il y a dix ans, EMI a récupéré le bébé, l’a luxueusement relooké, agrémenté de quelques titres plus récents et puis ressorti sous cette forme, qu'on peut encore s'offrir avant qu'il devienne collector à son tour.

Hormis un poster sans intérêt (et plié en douze, donc inutilisable), le superbe livret bourré de belles photos rares, l’intéressante histoire parallèle (en anglais) et les cinq heures de voyage au pays du caméléon feront de vous une fois encore des enfants (du rock) gâtés-pourris.

Et puis, tenez : cet excellent reportage en cadeau-bonus :

 

 

Bowie at the Beeb / David BOWIE / The best of the BBC Radio Sessions 68-72 (Jones/Tintoretto – EMI – 2000)

 

Bowie at the Beeb

 

 

 

 

 

Même si en 1968 l’homme n’était pas bien vieux, même si sa carrière n’en était qu’à ses premiers pas, traduire « BOWIE at the BEEB » par "Bowie au biberon" serait un faux sens. The BEEB, en Angleterre, c’est simplement le gentil surnom attribué à la BBC, la radio...

 

Car à l’époque, les artistes anglais se produisaient à la BBC, en direct, dans des émissions comme  « John Peel in Top Gear », « The sunday show » ou « Sounds of the 70’s ». Et, thank's God, les bandes ont été conservées, témoignages inestimables de la richissime et magique période pop-rock !

Ici, on retrouve tout d’abord, le 13 mai 1968, un jeune homme de 21 ans, fraîchement débaptisé Jones pour Bowie, qui entre dans le métier par la porte de la variété proprette, légèrement démodée.
Et pourtant, si on approfondit l’écoute, on identifie déjà dans une intonation, un timbre, une mélodie, les fondamentaux qui feront bientôt sa gloire et notre plaisir.

Tout le premier disque pourrait être sous-titré « la génèse » (ou « les préliminaires »).

On sent, au fil des séances (entre mai 68 et juin 71) se mettre en place la voix, le style, le groupe, le son. Tony Visconti - futur producteur des albums de légende - est déjà là, à la basse. Puis Mick Ronson - guitariste mythique des « Spiders from Mars »- fait son apparition à la guitare. Quelques morceaux destinés aux tout proches chefs-d’œuvre (la mythique série « The man who sold the World »-« Hunky Dory »-Ziggy Stardust »-« Aladdin Sane ») sont livrés ici, en avant-première et c’est vraiment très excitant à écouter.

Attaquons maintenant le deuxième disque, que je sous-titrerai « l’envol » (ou ... je sais pas, moi, qu’est qu’il y a normalement après les préliminaires ?...)

Entre septembre 71 et mai 72, la BBC peut se vanter d’avoir accueilli sur ses ondes plusieurs performances historiques, versions extrêmement enthousiasmantes du gratin des albums ci-dessus , avec en prime deux reprises de Lou Reed/Velvet Underground pas piquées des hannetons. C’est vraiment fabuleux. C’est vraiment Bowie, en pleine forme, avec son meilleur groupe, sa meilleure inspiration, ses meilleurs morceaux. Ah là là, quel pied mes amis ! Incontournable pour les fans, révélateur pour les amateurs, initiatique pour les néophytes, ce CD2 emporte tout le monde au Nirvana !

On recommande chaudement à qui souhaite découvrir Bowie d’aller téter de ce BEEB là plutôt que de ces médiocres compilations sans queue ni tête proposées par ailleurs : la découverte pédagogique sera dix fois meilleure, le plaisir dix fois plus grand. Et pour longtemps.

 

 

L’Or noir – Arthur H et Nicolas REPAC – (Naïve-2012)

 L'Or noir

Rêver éveiller pour inciter à lire et relire.

Le Label Naïve débute une nouvelle collection poétiquePoetika musika pour retrouver l'ADN musical qui repose dans le cellule poétique, faciliter l'accès à des textes difficiles, redonner le goût de lire. L'Or noir est le premier opus avec aux commandes Arthur H en raconteur et Nicolas Repac, son frère d'arme, en compositeur.

On ne peut que se féliciter de cette initiative qui redonne du sens à la pensée, aux mots et introduit des valeurs trop absentes de notre contemporanéité comme l'écoute, le silence, le plaisir de la lenteur. Nul doute que ce disque est une bulle, une respiration onirique. Nul doute qu'il faut écouter et réécouter ce disque comme on relit les pages d'un livre, assis, l'esprit ouvert et l'imagination en alerte. Suivre le cheminement vocal d'Arthur et la magie atmosphérique de Nicolas devient alors une espèce de parcours initiatique dans lequel on teste le fragile équilibre mots et musique.

Le disque reprend onze textes parmi les treize présentés dans le spectacle L'Or noir joué en parallèle et en tournée actuellement. Les textes choisis par Nadine Eghels et Arthur H éveillent des rêves, des paysages et des sensations envoutantes. Le voyage est réussi. Les textes foisonnent de vie , de mort et d'amour. Les morts se mêlent aux vivants dans une unité du monde où le temps obtempère et s'incline devant une nature puissante, "RENCONTRE BIEN TOTALE"... De Césaire à Glissant. Une culture francophone à découvrir et à aimer au milieu des caraïbes.

Tous les titres sont touchants et les mots souvent d'une étonnante beauté. La variété rythmique donne une couleur à chacun d'entre eux. Parfois la musique est en simple soutien sonore parfois elle fusionne totalement avec le texte comme dans l'aérienne  Cohée du Lamentind'Edouard Glissant,  la grandiloquente Foire des Morts de Gilbert Gratiant et la douce et rêveuse Marie-Galanted'Edouard Glissant en fin d'album.

L'album est pour les contemplatifs, ceux qui ont encore la capacité de s'isoler avec soi pour réveiller des mots qui ne demandent qu'à prendre leur envol. Artistiquement l'album est réussi. A avoir dans sa bibliothèque entre d'autres objets-livres.

Juste pour le plaisir...

La Cohée du Lamentin

Imaginez le vol de milliers d'oiseaux sur un lac d'Afrique ou des Amériques. Le Tanganyika ou l'Erié, ou un de ces lacs des Tropiques du Sud qui s'aplatissent et fondent dans la terre. Voyez ces balans d'oiseaux, ces essaims. Vous concevez la spirale qu'ils dénouent et sur laquelle le vent coule. Mais vous ne saurez pas les dénombrer vraiment pendant leur lancer tout en crête et ravine, ils montent et ils descendent hors de la vue, ils tombent et s'enracinent, ils repartent d'un seul cran, leur imprévisible est cela-même qui les relie, et qui tournoie en deçà de toute science. Leur beauté frappe, s'enfuit. Puis la nuit surgit, qui vous stupéfie. Leurs ailes sont d'éclat et leurs ventres d'ombre, vous ne les avez pas vus répandre, là sur les bords et là sur les écumes noircies, le linge damassé de ce silence qu'ils font.

Édouard Glissant

Sur le disque :
1- Corps perdu - Aimé Césaire
2- La Cohée du Lamentin - Edouard Glissant
3- Le métier à métisser - René Depestre
4- A la crinière du cyclone -  Georges Desportes
5- Cahier d'un retour au pays natal - Aimé Césaire
6- Soufrière - Daniel Maximin
7- La Foire aux morts - Gilbert Gratiant
8- L'enfant du pays - Dany Laferrière
9- Lettre du sorcier - James Noël
10- Le cristal automatique - Aimé Césaire
11- Marie-Galante - Edouard Glissant

 

Sébastien Mounié © Etat-critique.com - 05/02/2013

Signs & Signifiers / JD MCPHERSON / (Histyle – 2012)

signs

JD McPherson est tombé dans le rock'n'roll des 50's quand il était petit. Le mot vintage est utilisé à toutes les sauces. Là, désolé mais on n'a pas le choix ! C'est vraiment dans les vieux pots que l'on peut faire encore de bonnes choses !

 

Autrement on pourrait utiliser le mot "rétro". En tout cas, nous sommes bien aux racines du rock. Jonathan David McPherson (rien à voir avec nos David et Jonathan) a la banane. Il a un air de voyou du bayou. Il aime bien les vestes en jean. Sa tête est visiblement un juke box rempli de rockabilly.

Beaucoup d'artistes font sonner leurs chansons avec un esprit roots. Ce gars là, c'est l'esprit roots. Il a beau être né en 1977, il semble être un contemporain de Little Richard et d'Elvis Presley. Aux premières notes de son premier album, c'est frappant.

Il a grandi dans l'Oklahoma rural. Il a fait sa crise d'adolescence en jouant dans un groupe de rock. Il est rentré dans l'âge adulte en découvrant Buddy Holly. A partir de là, le jeune homme est tombé amoureux du rockabilly mythique, celui qui a secoué l'Amérique puritaine des années 50.

Tout y est. La production a ressorti les vieilleries pour l'occasion. Les vieux micros ont capté l'ambiance désuète mais délicieuse de ce rock énergique, électrisant et surtout délicieusement daté. Difficile de faire plus viellot que ce JD McPherson, personnage très intrigant. Car au delà de la pose, il a l'air d'y croire.

Ses compositions sont plus brutales que celles d'un Chris Isaak, plus loup que fauve. JD McPheson se donne la fièvre sur ses douze chansons originales mais troublantes: on dirait des inédits des stars de nos (grands) parents.

Il a donc du style et du panache. Le talent est lui aussi omniprésent. Son disque nous fait voyager dans le temps. On est presque effrayé de reculer autant dans les années. Pourtant la fraîcheur de ce disque est évidente et impose JD McPherson comme un artiste très prometteur.

 

 

MASCULINES, Héla FATTOUMI et Éric LAMOUREUX

article_4687Dans sa nouvelle création, le couple de chorégraphes Fattoumi et Lamoureux met en scène 7 danseuses jouant des clichés de la féminité et les bouleversant savamment.

 

Sur une scène extrêmement sobre, les danseuses surgissent petit à petit du noir, la lumière joue avec leurs silhouettes, la musique participe activement à la mise en place d’une forte tension scopique. Finalement un tableau vivant apparaît : Le Bain Turc d’Ingres, emblème de l’érotisation du corps féminin. Tout est déjà là et sera travaillé dans ses nuances au cours du spectacle : les différents degrés de visibilité des corps, les rôles sexuels imposés, interprétés de manière souvent très ironique par les danseuses.

 

MASCULINES questionne l’image du corps féminin, ses déguisements et les nuances de nudité qui rendent possible un écart de la norme, une forme de rébellion, la liberté des corps. Les critères de féminité et de masculinité sont travaillés à partir de l’idée de dénudation, d’où l’importance de la combinaison transparente que les danseuses portent au début sous leur costume et le basculement que son enlèvement signifie : la chair des corps surgit ainsi des tableaux mis en scène, la réalité physique de l’image féminine devient le sujet du spectacle.

 

Dans cette création, rien n’est discours ou théorie. Bien évidemment les références aux études de genre sont bien présentes, avec l’idée que la conscience d’être en train de jouer un rôle est le début de la libération des assignations imposées. Mais Fattoumi et Lamoureux transforment ces réflexions en puissance des images signifiantes, grâce à la maîtrise des nuances figuratives de la part des danseuses, mais aussi à un emploi extrêmement éloquent des musiques et des lumières qui soutiennent l’enchaînement des mouvements : de cette manière, la gestualité devient pensée, la suite d’images des corps féminins devient construction signifiante intense et richement lisible par les spectateurs.

 

Pour les messins, la découverte ou redécouverte du travail de Héla Fattoumi et d’Éric Lamoureux s'est poursuivi le dimanche 13 janvier au Centre Pompidou-Metz avec la présentation de MANTA, solo de 2009 autour du niqab et des femmes arabes.

 

Gloria Morano

© Etat-critique.com - 13/01/2013

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