Bowie at the Beeb / David BOWIE / The best of the BBC Radio Sessions 68-72 (Jones/Tintoretto – EMI – 2000)
Même si en 1968 l’homme n’était pas bien vieux, même si sa carrière n’en était qu’à ses premiers pas, traduire « BOWIE at the BEEB » par "Bowie au biberon" serait un faux sens. The BEEB, en Angleterre, c’est simplement le gentil surnom attribué à la BBC, la radio...
Car à l’époque, les artistes anglais se produisaient à la BBC, en direct, dans des émissions comme « John Peel in Top Gear », « The sunday show » ou « Sounds of the 70’s ». Et, thank's God, les bandes ont été conservées, témoignages inestimables de la richissime et magique période pop-rock !
Ici, on retrouve tout d’abord, le 13 mai 1968, un jeune homme de 21 ans, fraîchement débaptisé Jones pour Bowie, qui entre dans le métier par la porte de la variété proprette, légèrement démodée.
Et pourtant, si on approfondit l’écoute, on identifie déjà dans une intonation, un timbre, une mélodie, les fondamentaux qui feront bientôt sa gloire et notre plaisir.
Tout le premier disque pourrait être sous-titré « la génèse » (ou « les préliminaires »).
On sent, au fil des séances (entre mai 68 et juin 71) se mettre en place la voix, le style, le groupe, le son. Tony Visconti - futur producteur des albums de légende - est déjà là, à la basse. Puis Mick Ronson - guitariste mythique des « Spiders from Mars »- fait son apparition à la guitare. Quelques morceaux destinés aux tout proches chefs-d’œuvre (la mythique série « The man who sold the World »-« Hunky Dory »-Ziggy Stardust »-« Aladdin Sane ») sont livrés ici, en avant-première et c’est vraiment très excitant à écouter.
Attaquons maintenant le deuxième disque, que je sous-titrerai « l’envol » (ou ... je sais pas, moi, qu’est qu’il y a normalement après les préliminaires ?...)
Entre septembre 71 et mai 72, la BBC peut se vanter d’avoir accueilli sur ses ondes plusieurs performances historiques, versions extrêmement enthousiasmantes du gratin des albums ci-dessus , avec en prime deux reprises de Lou Reed/Velvet Underground pas piquées des hannetons. C’est vraiment fabuleux. C’est vraiment Bowie, en pleine forme, avec son meilleur groupe, sa meilleure inspiration, ses meilleurs morceaux. Ah là là, quel pied mes amis ! Incontournable pour les fans, révélateur pour les amateurs, initiatique pour les néophytes, ce CD2 emporte tout le monde au Nirvana !
On recommande chaudement à qui souhaite découvrir Bowie d’aller téter de ce BEEB là plutôt que de ces médiocres compilations sans queue ni tête proposées par ailleurs : la découverte pédagogique sera dix fois meilleure, le plaisir dix fois plus grand. Et pour longtemps.
L’Or noir – Arthur H et Nicolas REPAC – (Naïve-2012)
Rêver éveiller pour inciter à lire et relire.
Le Label Naïve débute une nouvelle collection poétiquePoetika musika pour retrouver l'ADN musical qui repose dans le cellule poétique, faciliter l'accès à des textes difficiles, redonner le goût de lire. L'Or noir est le premier opus avec aux commandes Arthur H en raconteur et Nicolas Repac, son frère d'arme, en compositeur.
On ne peut que se féliciter de cette initiative qui redonne du sens à la pensée, aux mots et introduit des valeurs trop absentes de notre contemporanéité comme l'écoute, le silence, le plaisir de la lenteur. Nul doute que ce disque est une bulle, une respiration onirique. Nul doute qu'il faut écouter et réécouter ce disque comme on relit les pages d'un livre, assis, l'esprit ouvert et l'imagination en alerte. Suivre le cheminement vocal d'Arthur et la magie atmosphérique de Nicolas devient alors une espèce de parcours initiatique dans lequel on teste le fragile équilibre mots et musique.
Le disque reprend onze textes parmi les treize présentés dans le spectacle L'Or noir joué en parallèle et en tournée actuellement. Les textes choisis par Nadine Eghels et Arthur H éveillent des rêves, des paysages et des sensations envoutantes. Le voyage est réussi. Les textes foisonnent de vie , de mort et d'amour. Les morts se mêlent aux vivants dans une unité du monde où le temps obtempère et s'incline devant une nature puissante, "RENCONTRE BIEN TOTALE"... De Césaire à Glissant. Une culture francophone à découvrir et à aimer au milieu des caraïbes.
Tous les titres sont touchants et les mots souvent d'une étonnante beauté. La variété rythmique donne une couleur à chacun d'entre eux. Parfois la musique est en simple soutien sonore parfois elle fusionne totalement avec le texte comme dans l'aérienne Cohée du Lamentind'Edouard Glissant, la grandiloquente Foire des Morts de Gilbert Gratiant et la douce et rêveuse Marie-Galanted'Edouard Glissant en fin d'album.
L'album est pour les contemplatifs, ceux qui ont encore la capacité de s'isoler avec soi pour réveiller des mots qui ne demandent qu'à prendre leur envol. Artistiquement l'album est réussi. A avoir dans sa bibliothèque entre d'autres objets-livres.
Juste pour le plaisir...
La Cohée du Lamentin
Imaginez le vol de milliers d'oiseaux sur un lac d'Afrique ou des Amériques. Le Tanganyika ou l'Erié, ou un de ces lacs des Tropiques du Sud qui s'aplatissent et fondent dans la terre. Voyez ces balans d'oiseaux, ces essaims. Vous concevez la spirale qu'ils dénouent et sur laquelle le vent coule. Mais vous ne saurez pas les dénombrer vraiment pendant leur lancer tout en crête et ravine, ils montent et ils descendent hors de la vue, ils tombent et s'enracinent, ils repartent d'un seul cran, leur imprévisible est cela-même qui les relie, et qui tournoie en deçà de toute science. Leur beauté frappe, s'enfuit. Puis la nuit surgit, qui vous stupéfie. Leurs ailes sont d'éclat et leurs ventres d'ombre, vous ne les avez pas vus répandre, là sur les bords et là sur les écumes noircies, le linge damassé de ce silence qu'ils font.
Édouard Glissant
Sur le disque :
1- Corps perdu - Aimé Césaire
2- La Cohée du Lamentin - Edouard Glissant
3- Le métier à métisser - René Depestre
4- A la crinière du cyclone - Georges Desportes
5- Cahier d'un retour au pays natal - Aimé Césaire
6- Soufrière - Daniel Maximin
7- La Foire aux morts - Gilbert Gratiant
8- L'enfant du pays - Dany Laferrière
9- Lettre du sorcier - James Noël
10- Le cristal automatique - Aimé Césaire
11- Marie-Galante - Edouard Glissant
Sébastien Mounié © Etat-critique.com - 05/02/2013
Signs & Signifiers / JD MCPHERSON / (Histyle – 2012)
JD McPherson est tombé dans le rock'n'roll des 50's quand il était petit. Le mot vintage est utilisé à toutes les sauces. Là, désolé mais on n'a pas le choix ! C'est vraiment dans les vieux pots que l'on peut faire encore de bonnes choses !
Autrement on pourrait utiliser le mot "rétro". En tout cas, nous sommes bien aux racines du rock. Jonathan David McPherson (rien à voir avec nos David et Jonathan) a la banane. Il a un air de voyou du bayou. Il aime bien les vestes en jean. Sa tête est visiblement un juke box rempli de rockabilly.
Beaucoup d'artistes font sonner leurs chansons avec un esprit roots. Ce gars là, c'est l'esprit roots. Il a beau être né en 1977, il semble être un contemporain de Little Richard et d'Elvis Presley. Aux premières notes de son premier album, c'est frappant.
Il a grandi dans l'Oklahoma rural. Il a fait sa crise d'adolescence en jouant dans un groupe de rock. Il est rentré dans l'âge adulte en découvrant Buddy Holly. A partir de là, le jeune homme est tombé amoureux du rockabilly mythique, celui qui a secoué l'Amérique puritaine des années 50.
Tout y est. La production a ressorti les vieilleries pour l'occasion. Les vieux micros ont capté l'ambiance désuète mais délicieuse de ce rock énergique, électrisant et surtout délicieusement daté. Difficile de faire plus viellot que ce JD McPherson, personnage très intrigant. Car au delà de la pose, il a l'air d'y croire.
Ses compositions sont plus brutales que celles d'un Chris Isaak, plus loup que fauve. JD McPheson se donne la fièvre sur ses douze chansons originales mais troublantes: on dirait des inédits des stars de nos (grands) parents.
Il a donc du style et du panache. Le talent est lui aussi omniprésent. Son disque nous fait voyager dans le temps. On est presque effrayé de reculer autant dans les années. Pourtant la fraîcheur de ce disque est évidente et impose JD McPherson comme un artiste très prometteur.
MASCULINES, Héla FATTOUMI et Éric LAMOUREUX
Dans sa nouvelle création, le couple de chorégraphes Fattoumi et Lamoureux met en scène 7 danseuses jouant des clichés de la féminité et les bouleversant savamment.
Sur une scène extrêmement sobre, les danseuses surgissent petit à petit du noir, la lumière joue avec leurs silhouettes, la musique participe activement à la mise en place d’une forte tension scopique. Finalement un tableau vivant apparaît : Le Bain Turc d’Ingres, emblème de l’érotisation du corps féminin. Tout est déjà là et sera travaillé dans ses nuances au cours du spectacle : les différents degrés de visibilité des corps, les rôles sexuels imposés, interprétés de manière souvent très ironique par les danseuses.
MASCULINES questionne l’image du corps féminin, ses déguisements et les nuances de nudité qui rendent possible un écart de la norme, une forme de rébellion, la liberté des corps. Les critères de féminité et de masculinité sont travaillés à partir de l’idée de dénudation, d’où l’importance de la combinaison transparente que les danseuses portent au début sous leur costume et le basculement que son enlèvement signifie : la chair des corps surgit ainsi des tableaux mis en scène, la réalité physique de l’image féminine devient le sujet du spectacle.
Dans cette création, rien n’est discours ou théorie. Bien évidemment les références aux études de genre sont bien présentes, avec l’idée que la conscience d’être en train de jouer un rôle est le début de la libération des assignations imposées. Mais Fattoumi et Lamoureux transforment ces réflexions en puissance des images signifiantes, grâce à la maîtrise des nuances figuratives de la part des danseuses, mais aussi à un emploi extrêmement éloquent des musiques et des lumières qui soutiennent l’enchaînement des mouvements : de cette manière, la gestualité devient pensée, la suite d’images des corps féminins devient construction signifiante intense et richement lisible par les spectateurs.
Pour les messins, la découverte ou redécouverte du travail de Héla Fattoumi et d’Éric Lamoureux s'est poursuivi le dimanche 13 janvier au Centre Pompidou-Metz avec la présentation de MANTA, solo de 2009 autour du niqab et des femmes arabes.
Gloria Morano
© Etat-critique.com - 13/01/2013
CANALETTO-GUARDI / Musée Jacquemart-André
Deux grands noms de la veduta à Paris...
Antonio Canal et Franscesco Guardi sont jusqu’au mois de janvier au Musée Jacquemart-André. Ne les manquez pas. En entrant dans le musée, vous serez accueilli par Tiepolo qui trône au dessus du monumental double escalier de marbre avec sa fresque célébrant la visite d’Henri III à Venise. Difficile de ne pas s’arrêter devant. La fresque, mise en scène comme une scène de théâtre, vous happe. Vous ne regardez plus un mur mais une comedia. La demeure haussmanienne en impose. Le lion endormi dans la cour de gravillons peut continuer paisiblement sa sieste. L’architecture règne, massivement, avec panache, et la peinture l'anime.
Après une traversée des différents salons, on est alors stoppé par un vigile équipé de l'incontournable talkie-walkie. Moins paisible que le lion, il veille. On regrette qu'il ne soit pas endormi. Le flux. Il faut attendre. Puis soudain, le signal. Il lâche alors un cordon de visiteurs, amateurs, touristes, anglophones, francophones, peinturophones. Les gens sourient. Lui, régule. La visite commence.
L’exposition est construite autour de deux axes. Un axe chronologique autour de l’art des védustistes. Gaspar van Wittel, Luca Carlevarijs, Michele Marieschi, Canaletto en passant par Belloto et Guardi s'en donnent à cœur-joie. La place St Marc, les palais, les églises, les lagunes, le rialto, les festivités. Puis un axe imaginaire en fin de parcours est développé au travers de quelques caprices et d'une veduta rêvée.
Le parti pris fonctionne. L’idée de mettre face à face les deux styles respectifs de Canaletto et Guardi permet assurément d'en distinguer les forces. Les tonalités sombres et le toucher presque pré-impressionniste de Guardi se heurte à la verticalité et à la construction méthodique de Canaletto, de plusieurs années son prédécesseur. L'affiche de l'exposition est en cela une jolie pirouette. On croirait voir un tableau de Guardi. C'est un Canaletto. Un jeune Canaletto. Ce jeune dont Guardi s'inspirera pour apprendre la liberté et apporter un nouveau style à la veduta. Un style plus personnel. Canaletto s'incline devant la ville en la magnifiant de ciels surréalistes et en lui donnant une perspective infinie, Guardi lui donne un réalisme plus sombre, parfois plus délavé, plus noir. Une Venise obscure. Une ville sensible sur laquelle passent le temps et les sentiments.
Parmi les réussites, les deux vues du Campo Santi Giovanni e Paolo qui montrent le décalage de point de vue et la différence de palette. Guardi prend le risque du désordre , de la touche hasardeuse, quand Canaletto, cartésien, ordonne, pour renforcer la liberté de ses improbables ciels qui lui ont donné ses lettres de noblesse. Mais rapidement Guardi en impose, notamment quand il s'empare des caprices. Il finit par trouver des couleurs, des compositions poétiques originales comme la superbe et aérienne gouache sur papier Caprice avec un campiello vénitien. Pour le reste, les nouvelles compositions architecturales et romanesques envahies de végétation restent bien en deçà de la puissance évocatrice de la réelle architecture vénitienne.
Très technique, l'exposition nous apprend à regarder autrement la Sérénissime et à comprendre l'origine de la veduta, cet art de la valorisation architecturale qui finira par être développé grâce aux commandes de l'aristocratie européenne qui voyage et aime rapporter dans ses valises ces tableaux carte postale. On comprend dès lors comment la couronne royale anglaise a réussi à collectionner autant d'œuvres de Canaletto. Celle-ci prête d'ailleurs pour l'évènement une œuvre originale célébrant le vendredi saint, des tonalités lugubres contrastant totalement avec l'image d'un Canaletto lumineux.
Inexorablement, cette exposition invite au voyage et au retour à Venise, la vraie. L'exposition au travers de Guardi et de Canaletto résume à elle seule le paradoxe de la Sérénissime. Une forme qui reste stable, immuable et presque éternelle dans un environnement naturel qui pousse à l'imaginaire, au désordre, à l'improbable. Une confrontation du sensible et de l'intelligible. A voir.
http://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/home
Sébastien Mounié © Etat-critique.com - 07/12/2012
Dancing with the sound hobbyst, Zita SWOON GROUP et Simon MAYER
Un concert « rock tropical » chorégraphié par Simon Mayer, danseur de Rosas (Anne Teresa de Keersmaecker) : une proposition extrêmement énergique du belge Stef Kamil Carlens (ex dEUS).
Zita Swoon Group est un collectif de musiciens aux origines sonores les plus disparates, un laboratoire rythmique où cohabitent l’orgue, la guitare, les percussions, les xylophones, la basse, la contrebasse, le piano, les claviers, ainsi que les voix de deux choristes femmes et bien sûr celle immédiatement reconnaissable de Stef Kamil Carlens.
Coaché par Anne Teresa de Keersmaecker, le danseur Simon Mayer interagit avec les musiciens à travers une gestualité exacerbée, nerveuse et primitive, sautant d’un coin à l’autre d’une scène très étroite puisque presque entièrement occupée par les différents instruments du groupe. Cette contrainte spatiale est peut-être un parti pris chorégraphique, mais elle montre rapidement ses limites, manquant d’originalité et de richesse expressive.
Le concert apparaît d’ailleurs tout à fait inadapté au contexte imposé par l’Arsenal : l’énergie « rock tropical » de Zita Swoon Groupe se trouve bloquée dans sa communication avec le public définitivement assis, physiquement inactif. Les sonorités de ce groupe auraient dû profiter d’une salle de musiques actuelles où le public aurait eu la possibilité de danser ! On a presque l’impression que, malgré les qualités remarquables des musiciens et l’intensité des morceaux joués, tous leurs efforts sont vains face aux spectateurs immobiles dont la seule réponse sera les applaudissements à la fin de chaque morceau.
La danse de Simon Mayer, souvent accompagné dans ses chorégraphies par les deux choristes, manque de force, de précision et de magnétisme. Sans doute un choix délibéré : une intense agitation décousue voulant correspondre avec les expérimentations rythmiques de Zita Swoon Group. Personnellement, j’ai été très peu sensible à sa gestualité et les sentiments du public à la sortie de la salle sont extrêmement divergents, entre ceux qui ont adoré le spectacle et l’interaction musiciens-danseur et ceux qui n’ont pas du tout été convaincus.
L’élément chorégraphique semble beaucoup plus réussi en ce qui concerne les mouvements et surtout la présence scénique du chanteur, du pianiste, du bassiste et des percussionnistes, capables de donner du caractère à leur jeu.
La performance sonore créée à travers le mouvement de plusieurs cordes par un des deux percussionnistes vers la fin du spectacle est d’ailleurs un moment riche de tension et de beauté visuelle, pour moi le seul beau souvenir de ce spectacle.
Gloria Morano
© Etat-critique.com - 05/12/2012
PUZ/ZLE, Sidi Larbi CHERKAOUI
Dans un décor gris, sobre et multiforme, la dernière création de Sidi Larbi Cherkaoui déploie l’énergie de 11 danseurs et de sonorités d’origines plurielles.
Puz/zle est composé d’une multiplicité de références, symboles et narrations fragmentées. Un réel puzzle d’images investit la scène, fruit notamment des déplacements successifs des éléments scénographiques (des pièces et des structures murales grises se transformant souvent en plateaux, sorte de tours précaires en perpétuelle construction et démolition) effectués par les danseurs, pris dans une agitation où s’alternent l’angoisse et l’espoir.
Cette création nous parle du peuple, elle met en scène des humanités de différentes origines par des images abstraites et saisissantes, accompagnées de chants et de musiques corses, libanais et japonais. Les sonorités et les figures chorégraphiques dialoguent entre elles, en travaillant chez le spectateur des évocations historiques ou spirituelles : l’humanité, la vie sont le sujet de Puz/zle, les corps dans leurs désirs et leurs agitations en sont la matière figurative.
L’existence humaine représentée acquiert par moment une nuance fortement politique : Puz/zle parle des luttes des peuples, de leurs résistances. D’ailleurs le décor, fait de murs et de pierres (inspiré par la Carrière de Boulbon, lieu utilisé par le Festival d’Avignon, pour lequel ce spectacle a été conçu pour l’édition 2012) peut évoquer par moments le conflit israélo-palestinien et sa réactualisation récente : une correspondance qui accentue la force de cette création, basée sur un travail figuratif complexe et épais, dans lequel corps et décors contribuent à raconter la force spirituelle, le mouvement humain dans son analogie avec la matière naturelle.
Violence, apaisement, union et fragmentation, tout participe d’un questionnement sur l’espace et sur l’humanité qui l’habite.
La création de Cherkaoui souffre probablement d’une longueur excessive, d’une densité de symboles qui affaiblit la portée évocatrice des images : faiblesses infimes étant donné l’énorme enthousiasme du public messin face à ce spectacle.
Gloria Morano
© Etat-critique.com - 28/11/2012
Mathieu Boogaerts / Mathieu BOOGAERTS / (Tot ou Tard – 2012)
Et si Boogaerts était un grand ? Sûrement, en fait.
En cette rentrée marquée par les albums qui déchirent somptueusement les oreilles et nous font bouger la papatte dans le RER le matin pour notre plus grand plaisir (C2C, The Vaccines…), il en est un qui vient qui vous caresser les lobes dès le réveil…le nouvel album de Mathieu Boogaerts, éponyme.
Depuis près de 20 ans,
l’ébouriffé Boogaerts nous livre
une flopée d’albums de qualité égale, écrit sans bruit pour Carmela Jordana et fait d’elle une chanteuse de qualité (moi c’est), monte sur de petites scènes avec une décontraction digne des grands. Et si Boogaerts était un grand ? Sûrement, en fait.
Ce dernier album, à l’image des précédents, nous embarque sans crier gare, de chanson qui s’écoute au chaud les dimanches de pluie sous la couette ( je sais ) à de petites pépites au swing savoureux (Ton cauchemar ).
Savoureux, justement, voilà l’adjectif qui nous fait dire que Boogaerts est à la musique française ce que le macaron est au café du dimanche en terrasse : un petit luxe d’apparence futile et finalement parfaitement indispensable au plaisir de la vie.
10 questions à Dam BARNUM
Pour la sortie de premier album, "Des Pieds Des Mains", Dam Barnum répond à notre traditionnelle interview fin du monde...
Bonjour, Dam Barnum !
Vous êtes assis confortablement ?
Bon, alors voilà : Etat-critique.com a une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer… et dix questions à vous poser.
On y va ?
D'abord la mauvaise nouvelle : la fin du monde est pour la semaine prochaine.
Maintenant, la bonne nouvelle : vous serez la seule survivante (ou presque) et vous avez, en plus, le pouvoir de sauver 10 monuments de votre Panthéon personnel.
Voici les thèmes, à vous de désigner (et de commenter) les heureux élus !
Le disque que vous souhaitez sauver ?
"The man who sold the world " de David Bowie.
Le film que vous souhaitez sauver ?
"La fureur de vivre".
Le livre que vous souhaitez sauver ?
"Chien blanc" de Romain Gary.
La bande dessinée que vous souhaitez sauver ?
"Le Bibendum céleste" de Nicolas de Crécy.
L'homme que vous souhaitez sauver ?
Jésus-Christ.
La femme que vous souhaitez sauver ?
La mienne.
L'objet, le lieu ou le monument que vous souhaitez sauver ?
Le lit conjugal.
L'émission de télé que vous souhaitez sauver ?
"Tournez manège".
Le plat que vous souhaitez sauver ?
Les asperges au parmesan.
Votre œuvre personnelle que vous souhaitez sauver ?
Celle qui reste à faire.
Merci Dam Barnum !
Nous transmettons votre liste à qui de droit…
Propos recueillis par Sébastien Mounié
LE DERNIER PRESENT – ALEXIS HK
En balade…
Alexis HK tourne depuis des années en France dans de nombreux festivals. Comme de nombreux chanteurs français, il évolue dans l’ombre des grands medias qui s’obstinent à bouder la chanson française qui n’est pas assez pop, assez anglophone, assez électrifiée.
La chanson d’Alexis HK mérite pourtant amplement une écoute. On y parle des instants de bonheurs et des cadeaux du temps présent quand l’avenir s’annonce morose – très joli titre en ouverture d’album : le dernier présent. Les ballades acoustiques parlent de poètes et évoquent les songeries d’hommes à l’abandon qui croyaient en l’idéal comme ces fils errants de l’ère Mitterrand ; de souvenirs et de mondes imaginaires en mutation qui pourraient bien être les nôtres, de fin d’empire. D’hommes finalement pris dans l’Histoire et dans un temps qui les dépasse.
Les 30 minutes de chants réparties sur 10 pistes donnent l’envie de réécouter un album qui cherche à s’élever et qui explore avec un talent musical certain un domaine peu exploré par la chanson française : la ballade folk. Cohérent et constant, on souhaite longue vie à cet album joliment arrangé. A écouter.