Musée de l’Orangerie – Collection Walter Guillaume

 

orangerie

Des orangers aux Nymphéas, de Monet au Novo Pilota.

 

 

Sortant de l’exposition Modigliani Soutine à la Pinacothèque et du choc ressenti par les toiles de Soutine, je me dirige vers le Musée de l’Orangerie, connu pour ses Nymphéas qui ont consacré le lieu depuis leur arrivée au lendemain de la première guerre mondiale. Monet en fait cadeau à la France au nom de la paix. Lui qui cherche un lieu où reproduire le vécu de ses jardins de Giverny, le voilà servi. Les nymphéas sont emmurés en plein Paris et exposés dès 1927 avec l’idée d’en faire un monument à la gloire de la paix.

Ce ne sont pas les Nymphéas qui m’intéressent, contrairement aux touristes qui s’y amassent dans un bruit incessant bien éloigné de l’idée originelle. C’est la collection de Paul Guillaume évoquée à la Pinacothèque, et surtout les Soutine. Lesquels sont exposés ? Vais-je autant vibrer qu’à la Pinacothèque avec l’homme au chapeaula follela petite fille à la robe rose ou les grands arbres bleus ? Je descends directement l’escalier menant à la collection.

Magnifique surprise. Paul Guillaume était un fin collectionneur-marchand. L’entrée se fait par des Sisley, des Renoir et quelques Cézanne. Renoir m’ennuie. Les scènes de bourgeoisie douceâtres me rappellent le classicisme d’une vie Chamallow, du rose ouaté de blanc et de jaune. Du suranné. Le visiteur doit admirer le bien-être d’enfants qui n’ont rien d’enfantins. Oh bien sûr il y a le style. Le style. La propreté des joues roses de l’enfant poli aux cheveux bien coiffés. Le sourire luisant de l’enfant apprenant correctement sa leçon de piano. Le rire de la maman fière de son enfant. On n’est pas dans le Rireflamboyant de Maljavine exposé dans le palais Ca Pesaro de Venise… Le portrait du fils de Cézanne bleuté, malgré une raie bien à gauche vient casser l’ambiance. Merci Cézanne.

Heureusement, on bascule rapidement chez Modigliani et Rousseau. Superbe, Le Jeune Apprenti de Modigliani vous accueille, pensif, mélancolique, la pupille bleutée. Les gris bleutés viennent se heurter aux oranges de la peau. Rien de plus réussi que ce contraste. Plus étonnant, le portrait en profondeur de Paul Guillaume rebaptisé Novo Pilota par Modigliani, offre un personnage proche du mafioso. Un portrait aiguisé. Le marchand a l’œil noir mais juste.

 

Je passe sur les Marie Laurencin dont je ne parviens pas à saisir les vibrations, sourit devant les couleurs du Douanier en imaginant la tête des héritiers esthétiques du classicisme devant tant de raideur et de couleur. Des statues de couleur entoilées.

La salle Picasso/Matisse offre des Picasso antiques dans la droite ligne historique du « retour à l’ordre ». Les sujets féminins ont des formes d’odalisques pour Matisse qui les voit comme esclaves, modèles ou sujets érotiques, dans une tranquillité apaisante. Picasso amuse avec ses femmes à la fontaine. Une moderne antiquité. Les femmes massives s’imposent dans toute leur nudité.

Derain intrigue. Terrassé par ses visites au Louvre, le voilà prendre conscience que les Modernes ne résistent pas devant les toiles des grands maîtres. Il entreprend de revenir à des portraits classiques. Où est passé le Derain fondateur du Fauvisme ? Où sont passées les couleurs ? Etonnant retournement devant l’évidence historique de la modernité.

Puis vient Utrillo, mal-aimé. Lui qui peint rarement des personnages dans l’univers de Montmartre et de Paris offre une toile pleine d’humour. Des femmes caricaturales, gros culs tournés vers l’œil du spectateur descendent une rue pavée dans un quartier populaire. Les couleurs lépreuses des immeubles parisiens s’effacent devant une soudaine gaieté, La Maison Bernot.

 

Puis le plaisir. La salle des Soutine. Une vingtaine de tableaux. Du bonheur. Tout en énergie, les paysages, les portraits, natures mortes et sujets animaliers sont là, cruels, énergiques, vivants et massifs. Même tourmente et mouvement qu’à la Pinacothèque. Les Maisons telles des fantômes ondulent et marchent, les arbres couchés font tourner le monde et les paysages. La richesse de la matière résonne avec la rapidité d’exécution. La jeune anglaise rappelle les yeux de la folle. Les animaux morts sont réanimés par des valses de bleus aquatiques, violents - le dindon. Une tempête de matière et de projections qui culmine dans la matière de la soutane de l’Enfant de chœurLe petit pâtissier vu par Barnes chez Paul Guillaume est présent. La fiancée ne laisse aucune ambigüité perdue dans sa tenue, les mains posées sur une chaise et la mine déconfite. Un rappel de La jeune femme aux apparences de vieille asymétrique délavée exposée à la Pinacothèque. Un régal de technique, de vie et d’audace. Soutine est trop méconnu. Il y a déjà la torture de la chair de Bacon et la violence des projections de matière de Rebeyrolle. Qu’attend-on pour lui dédier un musée ?



le patissier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le retour par les Nymphéas se fait rapidement entre une gardienne qui rappelle le silence toutes les deux minutes et des touristes qui bavardent assis devant des nymphéas qui pleurent leur maître et leur jardin. Monet n’est plus qu’un Magnet.

Le Musée de l’Orangerie est à voir et revoir, la collection de Paul Guillaume est tout simplement incontournable. Orsay prévoit une exposition à l’automne sur Soutine. Allez-y.

http://www.musee-orangerie.fr/

 

 

Sébastien Mounié © Etat-critique.com - 20/04/2012

 

Christophe Alévêque, Super Rebelle… et candidat libre!

Super Rebelle, le porte parole des muets !

 

super candidatEn 2009, on s’était éclaté avec Christophe Alévêque est Super Rebelle !...enfin ce qu'il en reste.

En 2011, avec les Monstrueuses Actualités de Christophe Alévêque on se demandait s’il n’était pas temps pour l’humoriste polémique de changer de formule. En 2012, on a certes bien ri avec ce nouveau spectacle et cette candidature d’un super héros fantoche qui caricature à peine une campagne assez lamentable.

Super Rebelle moque les mesures de la dernière chance d’un gouvernement qui veut nous sortir de la crise en augmentant le prix des cigarettes et des sodas, certainement parce que Liliane Béttencourt ne fume pas !

Il revient sur cette (pré) campagne présidentielle qui tourne à la mascarade : DSK qui monopolise l’attention pendant 4 mois (et qui préfère baiser la bonne plutôt que de baiser la droite !), Mohamed Merah devient le programme unique de l’ensemble des candidats…

Evidemment, Nicolas Sarkozy reste une cible idéale pour Christophe Alévêque, même s’il n’oublie pas de railler aussi la gauche (« Un robot avec un post-il marqué « Changement » serait élu, mais c’est sans compter sur la force de frappe du Parti Socialiste »), ou encore le centre (Bayrou est en dehors de la campagne à force de se vouloir au dessus du débat).

Alévêque Super Rebelle multiplie les tirades aussi drôles que vraies (« Le peuple a peur, mais ce sont les marchés qu’il faut rassurer ») mais force est de constater que, à l’instar de la Présidentielle 2012, SuperRebelle semble s’essouffler un peu.

Jusqu'au 6 mai 2012

Théâtre du Rond Point

http://www.theatredurondpoint.fr/

 

Salves, Maguy MARIN

article_4119Salves, la dernière création de Maguy Marin, toujours radicale et surprenante, a été présentée à l’Arsenal de Metz, séduisant encore une fois ses spectateurs.

 

Le parti pris bien tranchant de Description d’un combat- réflexion autour de l’image figurative et de l’image littéraire - à la fin de la saison 2010, avait divisé le public du Théâtre de la Ville de Paris, partagé entre ceux qui, ennuyés, avaient abandonné la salle, et ceux qui, hypnotisés et envoûtés par la proposition formelle de Maguy Marin, avaient adoré le spectacle.

 

Salves, qui en 2011 avait déjà été montré à Paris, interroge la frontière entre le théâtre et le cinéma, mettant en scène un dispositif de lumières, de sons et de mouvements dans l’espace travaillant inlassablement le hors-champ, l’apparition et la disparation des corps et leur relation avec la parole.

 

Sur les côtés de la scène, des bandes magnétiques se déclenchent alternativement et font entendre des fragments de films américains, italiens, espagnols, tandis que sept danseurs construisent et déconstruisent une narration (symbolisée par le fil presque invisible avec lequel jouent les interprètes au tout début du spectacle) faite de tentatives de préparer une table, de plats cassés qui perturbent l’action, d’enfants qui s’échappent dans la nuit, de mains qui tentent de réparer un vase brisé…

 

Un enchaînement fascinant et poignant d’associations d’images entre les films et les situations représentés sur scène se développe tout au long du spectacle : un jeu figuratif évoquant le surréalisme et travaillant les extrémités des gestes et des séquences dont l’aboutissement n’a jamais lieu. Maguy Marin construit ainsi une tension grandissante, faite de mouvements continuellement interrompus, inachevés et à nouveau répétés avec de légères variantes.

 

La proposition coupe le souffle, enchante et impatiente : on aurait envie de pouvoir arrêter l’action, de revoir le montage de mouvements et de sons, de mieux en saisir la force plastique et les références suggérées. Mais le spectacle avance à un rythme de plus en plus soutenu et la séquence finale apporte un bouleversement peut-être trop conciliant et intelligible…

 

Quoi que l’on puisse penser des dernières minutes du spectacle, Salves reste une création passionnante et fondamentale pour les questions esthétiques qu’elle soulève.

 

www.arsenal-metz.fr

 

www.compagnie-maguy-marin.fr

 

 

Gloria Morano

© Etat-critique.com - 16/03/2012

The Ballad of Sexual Dependency, Tiger LILLIES et Nan GOLDIN

article_4089A l’Arsenal de Metz, le cabaret de The Tiger Lillies  et le diaporama de Nan Goldin s’unissent dans une ballade étrangement rythmée.

 

 

Les photographies de The Ballad of Sexual Dependency retracent 10 ans de la vie de Nan Goldin, ses rencontres, des moments d’intimité partagée dans les milieux underground et white trash américains et européens. Dans ce diaporama, l’enchaînement saccadé des clichés rend difficile l’observation posée des compositions des images. Nan Goldin impose au spectateur une suite infinie de corps seuls ou en couple, des regards caméra dévoilant brièvement un visage battu, le quotidien dans un appartement minable, le temps passé dans un bar.

 

La photographe nous met face à la drogue, au sexe, à la violence, mais aussi face à des moments paisibles dans une baignoire, des jeux d’enfants, de vieux couples assis dans leur cuisine.

 

La douleur, l’angoisse, la dureté de la vie ne sont jamais trop loin et ces sensations ont probablement inspiré The Tiger Lillies dans la création de ce ciné-concert.

 

Perpétuant la tradition de la chanson de bordel, les anglais développent un univers et une musicalité proches de Tom Waits où les histoires de beuveries côtoient les déboires de prostituées et de délinquants. Martyn Jacques, sorte de de King Diamond avec la voix de Jimmy Sommerville, chante la pisse et la merde, la beauté et la tristesse.

 

Une vie rude, des tonalités âpres semblables à celles de Nan Goldin avec un étrange décalage temporel de quelques décennies, voilà le ciné-concert proposé par The Tiger Lillies sur les images de la photographe américaine. Un même esprit, des thématiques très proches qui rendent le spectacle extrêmement passionnant pour le public de l’Arsenal.

 

Et pourtant la mélancolie des sonorités du groupe anglais correspond finalement très peu au côté cru et touchant des photos de Nan Goldin : si chez The Tiger Lillies tout est souvenir partiellement idéalisé d’une époque passée, chez Goldin, les clichés placent le spectateur face à un réel très chargé historiquement (les années 80), politiquement et socialement, face à des relations amicales et amoureuses douloureuses, rudes, mais aussi profondément fertiles artistiquement. Le réel de ces photos est perpétuellement renvoyé à sa cruauté, aucune idéalisation nostalgique n’est possible. L’instant reste tel quel, vivant et violent, à tout moment. Voilà ce qui transforme le ciné-concert de The Tiger Lillies en une création bizarrement décalée.

 

http://www.tigerlillies.com/

 

 

www.arsenal-metz.fr/ 

 

Gloria Morano

© Etat-critique.com - 08/03/2012

Une lente mastication, Myriam GOURFINK

article_4036La nouvelle pièce de Myriam Gourfink explore les possibilités de la lenteur, de la presque immobilité en relation avec des matières sonores subtiles et puissantes.

 

Le titre de la création Une lente mastication signifie le processus de compréhension d’un rythme, d’une structure gestuelle, d’une approche au temps au cours de la période de répétition de la pièce, et par la suite de sa représentation sur scène.

 

La pièce de la compagnie Myriam Gourfink travaille de manière franche et radicale l’idée de lenteur, d’écoulement à la fois lourd et imperceptible du temps dans un mouvement continuel infinitésimal - moléculaire est l’adjectif le plus employé pour définir cette recherche - dans lequel les 10 danseurs-insectes (une comparaison que la chorégraphe utilise aussi pour définir l’allure de ces corps, et qui nous semble signifier également la gestuelle et l’unité de ses interprètes malgré l’apparente séparation réciproque – on y reviendra) jouent avec les spectateurs le jeu de l’attente. Une heure doit s’épuiser, le public est au courant de cela dès le départ, et le parti pris de la pièce est d’emblée clair et univoque : l’avancement des danseurs de droite à gauche sur la scène.

 

Le concept de mouvement acquiert ainsi plusieurs dimensions : il est placé dans le temps et dans l’espace de manière claire et éclatante ; il se montre à la fois dans sa gratuité la plus absolue et dans sa finalité la plus simple, celle d’un avancement spatial ; il est geste individuel et collectif. Ce dernier point est peut-être d’ailleurs le plus captivant de la pièce : les danseurs avancent (ou reculent légèrement) en donnant l’impression d’être seuls et séparés les uns des autres dans la logique de leurs gestes, alors qu’un « corps commun » (expression qui apparaît dans un entretien avec Clémence Coconnier, une des danseuses de la pièce) est en mouvement.

 

Ce qui est donc le plus essentiel, mais presque imperceptible, est le concept de densité des corps dans leur mouvement, concept inspiré par la pratique du yoga, une densité travaillée de manière intense par les nappes sonores jouées par Kasper T. Toeplitz.

 

Le public reste pourtant assez froid devant cette exploration gestuelle et sonore qui apparaît peut-être excessivement démonstrative.

 

Gloria Morano et Flavia Ruani

© Etat-critique.com - 07/02/2012

DOMINIQUE A AU THEATRE DE LA VILLE

 CONCERT DOMINIQUE A AU THEATRE DE LA VILLE

Un trait d’union entre hier et demain.
Salle comble au Théâtre de la Ville pour cette soirée du 27 janvier. Les regards se croisent. Quarantenaires, trentenaires et plus, sont là pour refléter le parcours d’un chanteur musicien qui a pris son envol il y a une vingtaine d’années grâce au courage des oiseaux. La Fossette révèle un chanteur minimaliste lyrique qui se plaît à composer des chansons décomplexées assumant la brièveté et des phrases répétitives. Des phrases qui rappellent avec le recul la composition d’un haïku mélodieux. « Le courage des oiseaux a de la valeur parce que les mots sont raccords avec la mélodie et parce que c’est un slogan, une espèce de haïku. Pour moi, à la limite, ce que raconte le couplet, je m’en  fous et je pense que tout le monde s’en fout. Ils veulent juste entendre cette phrase… » dit Dominique A.

Le concert se décompose en deux parties séparées par un entracte, une reprenant les titres de la Fossette, l’autre présentant des inédits du prochain album. Avec surprise, les titres de La Fossette n’ont pas pris une ride. Entouré de deux claviers aux frontières de deux époques, à cour un piano à queue et à jardin un clavier avec programmations, Dominique A reprend les titres de l’album du commencement. Vivement dimanche, Février, Trombes d'eau, Va t'en, L'un dans l'autre, Mes lapins, Sous la neige, Le courage des oiseaux, Les habitudes se perdent, Ce qui sépare, Passé l'hiver, La Folie des hommes et l'écho.

Les titres montrent combien le répertoire des amants désunis est une thématique profonde et ancrée dans le lyrisme du chanteur. Les textes laissent entendre l’incompréhension qu’a le couple à communiquer, avec au bout, la rupture. Musicalement, la programmation de sons synthétiques et les boucles rythmiques donnent à l’ensemble un sentiment d’aliénation et de continuité inexorable. L’échec inévitable. Une poésie fatale qui donne à l’ensemble des allures de rêveries maladives tout en grâce.

Si la gestuelle année 80 de Dominique a sur scène amuse un peu, on respecte la fluidité et la conviction de l’énergie déployée sur scène. Une sensualité portée par une voix reconnaissable, féminité et sincérité. Tout s’accélère après l’entracte lorsqu’un quintet à vent vient rejoindre la scène pour accompagner une nouvelle formation : batterie, basse électrique/contrebasse, guitare électrique. Les morceaux annoncent le prochain album de Dominique A prévu pour le 26 mars, Vers les lueurs. La prestation a du coffre. Jeff Hallam à la basse donne un rythme visuel à l’ensemble, accompagné par un jeune Thomas Poli à la guitare électrique en grande forme. La bandoulière tangue. Eclairage flamboyant, carrés d’ombres au sol.  Les artistes enchaînent les titres avec une énergie constante. Un vent parfois proche d’un Noir Désir souffle sur le public. Il y est question de lumière et moins de couple sur la rupture. La musique s’est électrisée, endurcie, accélérée. Les cris des spectateurs ponctuent désormais chaque morceau. Ostinato est sans doute le plus représentatif. Un emblème musical pour ce chanteur minimaliste qui se plaît à répéter une rythmique pour atteindre une violence réaliste.

Le concert finira par des rappels en acoustique. Dominique A revient trois fois pour finir seul sur scène avec sa guitare folk. La guitare s’arrêtera pour laisser entendre Pour la peau a cappella. Silence liturgique dans la salle du Théâtre de la ville. L’émotion est à son apogée. Reverb éteinte. Le sentiment d’un cadeau après 2h30 de musique. Un beau spectacle sur le temps qui passe et la continuité d’un artiste toujours présent. On attend avec impatience l’album.

 

 

Sébastien Mounié © Etat-critique.com - 31/01/2012

Rainforest Duets Biped, Merce CUNNINGHAM

article_3948Une émouvante tournée/hommage ultime au chorégraphe américain décédé en 2009.

 

Le Théâtre de la Ville clôture son année 2011 en accueillant un double programme de la Merce Cunningham Dance Company. Nous avons assisté au deuxième programme de cet hommage, qui, comme le précédent, proposait trois pièces différentes parcourant les grandes phases de l'oeuvre chorégraphique de Merce Cunningham.

RainForest (1968), Duets (1980) et BIPED (1999), joués du 20 au 23 décembre, permettaient donc d’avoir un panorama assez satisfaisant du travail de Merce Cunnigham dès ses premières créations jusqu’à une de ses chorégraphies les plus récentes.

Les spectateurs ont pu se remémorer ou découvrir pour la première fois le formalisme d’avant-garde des propositions de Merce Cunningham : ses essais de renouvellement des codes classiques - ses danseurs jouant de l’équilibre des corps et de leur perpétuelle rupture - et de rencontre libre et fortuite entre les mouvements et les sons (en l’occurrence les compositions de David Tudor, John Cage et Gavin Bryars).

La danse de Merce Cunningham met en scène un minimalisme obstiné, une recherche infatigable autour du geste, des plus simples mouvements des membres et de la relation entre les corps. Les danseurs déploient ainsi toutes les possibilité organiques de leur corps : chaque mouvement d’un membre est une proposition en soi, une tentative autonome de penser le geste.

BIPED, construite autour d’une rencontre entre les danseurs sur scène et les images virtuelles créées par des capteurs présents sur les corps des danseurs, représente le point culminant des recherches de Cunningham : toute la scène devient mouvement pur, la plus grande virtuosité esthétique ne nie pas le minimalisme des débuts.

La pièce communique une sensation très agréable de pacification. Jusqu’au bout Merce Cunningham aura poursuivi ses recherches sereinement, une joyeuse surprise continuelle autour des possibilités infinies des corps.

 

Gloria Morano

© Etat-critique.com - 28/12/2011

La fuite en avant / DEBOUT SUR LE ZINC / (Dslz-2011)

DBSLZDe la nostalgie optimiste pour Debout sur le zinc...

La fuite en avant est un album émouvant, très personnel et intimiste. On entre dans des textes au croisement d’existences et de couples sur la rupture ou en transformation. Cette rupture qui devient presque nécessaire quand le couple s’enfonce dans une dissolution du moi, dans un nous « plan-plan » placé sur les rails d’un quotidien machinal lacéré par le temps.

Debout sur le zinc se place du côté des funambules, des équilibristes qui préfèrent prendre le risque de la fragilité, de la rencontre et de la chute plutôt que de s’enfermer dans l’ennui ravageur d’automatismes.

La fuite en avant est un titre ambigu qui reflète à merveille l’esprit fougueux et volontaire de cet album écrit entre chute et élévation. On sent la volonté de tourner une page de prendre des risques par amour de la vie. La volonté de se faire tomber pour se relever et mieux repartir, de se cogner pour avancer sur de nouvelles trajectoires. Des hymnes à la vie, au courage et à la lucidité pour détourner l’esprit des petits mensonges de la conscience de chacun.

Musicalement, les mélodies sont particulièrement réussies, notamment le titre d’ouverture « La fuite en avant ». Le ton est cadencé et ludique pour désacraliser des situations périlleuses et ironiques. Le morceau avance d’un pas chaloupé, tandis que Comme un frisson appuie là où ça fait mal avec une ballade nostalgique à la guitare sèche et à l’accordéon, avec envolée au violon tourmenté en fin de morceau…

Au milieu de cette nostalgie ambiante, « l’équilibriste » et « Indécis »donnent une bouffée d’oxygène et dérident nos visages un peu crispés par des textes percutants en phase avec des mélodies sur des accords mineurs et des septièmes qui pourraient faire venir la larme à l’auditeur traversant une période difficile. « J’ai déjà donné » est un texte superbe sur l’amour de l’autre avec une mélodie romantique, pensive qui ne peut que toucher…

Voilà donc un bel album plein d’humanisme et d’honnêteté. Une sincérité musicale à soutenir et à porter. Superbe si vous aimez l’expression des sentiments. Accepter de se laisser toucher par des mots est un plaisir rare quand le cynisme semble avoir envahi nos échanges. A écouter.

Site du groupe : http://www.dslz.org/

Introspection, Peter HANDKE et Gwenaël MORIN

article_3751Un monologue à plusieurs voix entre ironie, rage et surprise. Introspection de Peter Handke, reproposé au Théâtre de la Bastille par Gwenaël Morin, plaît pour son minimalisme intense et efficace.

 

 

Introspection, dans la version de Peter Handke, était prévu pour deux comédiens : un monologue partagé, un « je » à deux, la mise en scène d’une complémentarité homme-femme.

 

Gwenaël Morin transforme ce dualisme en multiplicité en mettant sur scène huit comédiens, quatre femmes et quatre hommes.

 

Le monologue, cette « introspection » - qui se rapproche plutôt du bilan d’une vie, d’une liste de faits comique, dramatique ou enragée selon les moments - est joué la plupart du temps à une seule voix, il amplifie la puissance de la première personne. La force vocale de ce groupe qui dit « je » crée une distance ironique vis-à-vis de la narration subjective, une tension pour laquelle l’histoire d’une vie, l’énumération des actions, des limites, des règlements, des possibilités, acquiert une abstraction sonore.

 

La richesse rythmique et poétique du monologue, le jeu des répétitions lexicales, des assonances, des variations et des subtils éloignements thématiques, accompagnés d’un minimalisme scénique performant nous fait aimer cette proposition théâtrale, bien que le contenu du discours tourne parfois en rond dans sa représentation d’une solitude finalement assez snob vis-à-vis d’une société faite d’obligations et de restrictions peinte de manière bien trop simpliste.

 

L’égo du metteur en scène est finalement le seul « je » dont il est question dans le spectacle, ce qui affaiblit partiellement la force du jeu collectif.

 

http://www.theatre-bastille.com/

 

Gloria Morano

© Etat-critique.com - 19/09/2011

La fila indiana (La file indienne), Ascanio CELESTINI

article_3588Comme en fin de saison 2010, le Théâtre de la Ville termine son année avec des metteurs en scène italiens et, comme l’année dernière, Ascanio Celestini fait partie des artistes invités.

 

Ascanio Celestini, écrivain, comédien, metteur en scène et réalisateur romain, collabore depuis plusieurs années à l’émission télévisuelle « Parla con me » qui sur la chaîne RaiTre présente les sketches d’humoristes toujours engagés politiquement.

 

Les interventions de Celestini closent toujours cette émission : 5 minutes de monologues ; du comique, qui, sur fond noir, met en scène « l’homme moyen » italien, l’ouvrier, l’industriel ou le mafieux. La critique de la société et de la politique italienne est ici constante, drôle et rapide. Chaque tableau narré devient un petit conte dans lequel le langage joue sur les répétitions, les expressions dialectales, les images du quotidien.

 

Le spectacle La Fila Indianareprend et réorganise plusieurs de ces saynètes et les joue sur une scène minimaliste, accompagné d’un guitariste discret et de l’artiste Patrick Bébi qui a ici fonction d’extraordinaire traducteur suivant au mieux le rythme impétueux des paroles de Celestini.

 

Le côté paradoxal et pourtant banal des situations mises en scènes a un effet cathartique immédiat qui satisfait et enthousiasme le public à majorité italienne, mais l’effet cathartique est de courte portée : toutes les limites de la transposition de saynètes télévisuelles sur un plateau de théâtre sont ici rendues évidentes. Les monologues perdent de leur efficacité au fur et à mesure qu’ils sont récités, car ils manquent de puissance et de profondeur, la banalité du désastre de la société italienne narrée reste finalement assez factuelle. La critique de l’Italietta berlusconienne est ici facile et faible du point de vue du langage ainsi que de celui de la force critique analytique et philosophique. Chez le spectateur rien n’est vraiment touché, l’humorisme de plateau télévisuel reste tel, rien ne bouscule la vision des choses préfaite et simpliste, que tout le monde connaît déjà  et que la plupart des comiques italiens exploitent depuis bien longtemps. Celestini ne cherche pas à construire une vérité plus profonde, il ne fait que répéter des clichés désormais faux et dépassés, il s’enferme dans cette description uniforme de l’ « italien moyen », censé représenter tous les italiens, ou des hommes politiques mafieux et corrompus, censé évoquer Berlusconi et les autres membres des partis actuels.

 

Aucune autre voie de critique ou d’action n’est donnée et le public semble adhérer à cette facilité, une catharsis simple et rapide, une manière habituelle de rire des maux italiens, de se sentir supérieur et innocent par rapport à ce désastre…

 

La Fila indiana est un exemple de partage d’un registre commun entre le metteur en scène et le public, un partage complaisant dépourvu de toute réelle portée discursive et imaginaire.

 

Gloria Morano

© Etat-critique.com - 17/06/2011

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