Tudo é possible / CHE SUDAKA / (Cavernicola-Kasba-2011)
On a retrouvé les fils légitimes de Manu Chao : Che Sudaka !
Che sudaka vient nous faire danser avec son univers festif. Manu Chao les a découvert et les soutient. Dans la droite lignée de leur mentor, ce groupe composé d’argentins et de colombiens met le feu depuis plusieurs années à Barcelone et dans chaque ruelle qu’il anime autour du monde. Plus de 900 concerts en 9 ans dans 22 pays différents, forcément ça en fait des rencontres et des coups à boire !
Tudo é possible est un album plein de soleil qui devrait rapidement être repéré par les radios cet été. Ca sent bon le tube et le mojito. On se projette déjà sous le soleil et les longues soirées estivales. On sent l’influence de Mano Negra avec ses rythmes de ska méditerranéen, on repère l’accordéon dansant, festif et populaire d’Amérique latine et les cris aigus qui relancent les ritournelles en boucle, mais aussi le ton rap de Tout est possible. On repère les bonnes recettes de Manu Chao du temps du premier album, avec voix en contre-chant, les fondus enchaînés entre deux morceaux, il ne manque plus que la petit note aigüe en fin de phrase musicale.
Alors même si Che Sudaka ne révolutionne pas le genre, on leur pardonne volontiers la reprise de recette à la Manu Chao l’ensemble étant de bonne qualité et plutôt finement adapté à l’identité du groupe. Toute la famille devrait s’en donner à cœur joie dans la voiture sur le lecteur cd en chantant La Risa Bonita, dans le métro avec son lecteur MP 3 ou le soir pendant un grand apéritif dinatoire. De quoi faire passer de bons moments conviviaux comme on n’en fait sans doute pas assez pour oublier le quotidien souvent lourd à digérer comme l’évoque Locoworld (Monde fou).
Che sudaka devrait facilement vous redonner le sourire et l’envie de danser un verre dans la main. Rien que pour cette magnifique initiative, on dit merci ! A écouter et à danser ! Che sudaka !
Live au Duc des Lombards / Matthieu BORE / (Bonsaï Music – 2011)
Matthieu Boré enregistre son live au Duc des Lombards. Du jazz classique enjoué et sympathique.
On avait vraiment beaucoup aimé son concert au New Morning. Matthieu Boré remet au goût du jour les grands classiques du jazz et du rock avec une interprétation fondée sur le charme, l’ironie et une jeunesse mise au service d’une énergie de crooner.
Dans ce live enregistré au Duc des Lombards, le crooner reprend les titres de ses deux premiers albums avec deux titres phares de la Nouvelle Orléans, Ya Ya, I’m ready, et deux rocks, I wanna be your man de ce feu John Lennon et Teddy bear.
Le résultat est fidèle à ce que l’on peut entendre en concert et reste de facture classique. On entend l’amusement dans la voix de Matthieu Boré mais les puristes du jazz s’ennuieront probablement devant des adaptations qui ne se transcendent pas et étonnent peu. Le charme ne transparaît pas dans le son de l’album, et Matthieu n’échappe pas à la difficulté de l’enregistrement Live : comment faire croire à l’auditeur qu’il fait partie de la salle et qu’il vibre en même temps que le public avec des morceaux qu'il ne connaît pas forcément. On entend que les gens s'amusent mais il manque l'image !!
L’album est sympathique et agréable à écouter mais ne prendra probablement son envol total qu’après avoir vu et écouté Matthieu Boré en concert. La technique à suivre est donc la suivante : aller au concert et acheter l’album à la sortie !
Semianyki (La Famille) – Théâtre du Rond-Point
Le théâtre Semianyki est de retour en France. Du déjanté à ne pas manquer !
Ils sont passés en France il y a deux ans. Rapidement le succès est arrivé. Complet jusqu’à la fin, la rédaction n’a pas pu prendre part au phénomène. Cette fois-ci, c’est fait. Et le plaisir est à la hauteur de l’espoir attendu.
Les Semianyki sont une bande de clowns russes qui fondent leur travail sur des situations burlesques et exclusivement visuelles. Agrémentée d’une bande son calée au millimètre, cette famille plus déjantée que jamais donne une représentation de tableaux drôles, poétiques et corrosifs à un rythme effréné.
Composée d’un père alcoolique, d’une mère enceinte et de quatre gamins espiègles et complètement allumés, la famille enchaîne les gags les uns après les autres avec plus ou moins de succès mais jamais sans tomber dans le mauvais goût. Si facilité il y a, elle est immédiatement pardonnée par une scénographie et des personnages au maquillage et aux costumes convaincants. La séduction est totale. Cette famille pourrait s’apparenter à la famille Adams quand elle exalte les pulsions cruelles de l’âme humaine, ou à la famille idéale quand tendresse et poésie s’en mêlent.
Avec une mention spéciale à la mère, Olga Eliseeva, qui tient la scène à elle toute seule, on appréciera particulièrement la scène du tableau dans laquelle le fils ainé, Kasyan Ryvkin, manie une craie sur un tableau matérialisé par le simple bruitage de la craie. Une jolie prouesse technique qui fonctionne à merveille. On reste conquis.
Les Semianyki ont le sens du spectacle populaire. Les références musicales donnent des repères rassurants et on se surprend à rire comme un gamin de facéties plus roublardes les unes que les autres. Le spectacle bascule régulièrement dans la salle : une bataille de polochons ne fait pas peur à cette famille prête à exploiter toute forme de folie.
Avec un final explosif, le spectateur ressort l’œil attendri et le sourire aux lèvres en pensant aux moments hilarants. Une bonne bouffée d’oxygène à ne pas laisser passer !
Théâtre du Rond-Point, Paris - 3 mai au 2 juillet 2011
Je voudrais être star – Roberdam – (La Famille Robert- 2011)
Amoureux de chanson française, venez découvrir Roberdam. « Je voudrais être star » est un album généreux, plein d’humour et touchant.
Tout d'abord leader du groupe Ravid'Vour'Voir, avec huit cents concerts et trois albums distribués (plus de dix mille disques écoulés), il montera ensuite le collectif de rue Les Garçons-Trottoirs, où il chantera et jouera du banjo (deux cents concerts en France et un album autoproduit). Il poursuit ensuite son chemin avec un projet plus personnel sous le pseudo de Roberdam.
Dans ce premier album, il évoque aussi bien ses rêves d’enfants que ses relations amoureuses entre déclaration d’amour, refuge dans l’alcool et une vie d’artiste itinérant. Les rythmes sont variés et l’écoute de l’album passe sans aucun temps mort. Mieux, on prend un réel plaisir à réécouter les textes souvent envisagés dans un esprit festif et humoristique. Le regard sur la vie est souvent nostalgique mais toujours optimiste et rappelle parfois celui de Tom Poisson. Reste une volonté intérieure qui guide et renforce la foi d’un artiste traversé par les doutes de la vie et d’un métier difficile.
Avec un joli romantisme, Roberdam navigue à flot entre rupture et découverte devant des femmes qui lui paraissent souvent inaccessibles et une vie de couple source d’incompréhension. La solution semble être le jour le jour. On est touché dans Elle, elle, elle, un joli morceau entre amour et alcool. Faudrait-il donc nous donne un aperçu des doutes de l’artiste et de l’écrivain seul, dans l‘angoisse de ne jamais être lu que par soi-même. Une existence qui ne prend sens que dans le regard de l’autre.
Dans le même temps, Roberdam nous amuse beaucoup, nous explique qu’enfant il jouait en concert devant ses Playmobils en rêvant d’être star, nous explique qu’ « à trois, c’est encore mieux, à quatre, c’est du sérieux, à cinq, ça devient dangereux, à six, je ne réponds plus de rien »…
Je voudrais être star est un bel album de printemps entre nostalgie et espérance. On rit tout en se tournant vers le passé. Un joli reflet sur la vie qu’il qualifie de compliquée mais sans désespoir aucun : « Je vois juillet sous la pluie, je vois l’automne qui s’ennuie, je vois le temps qui s’enfuit, mais je m’en fous… je suis heureux. » A suivre de près, sourire garanti.
PS : Et comme le monsieur a beaucoup de talent, Roberdam réalise en parallèle de l’album un film en plusieurs épisodes sur Dailymotion.Chaque vendredi est diffusé un nouvel épisode de ce polar musical réalisé par le photographe Cetrobo et qui ne devrait pas déplaire aux amateurs de Caro et Jeunet. Vous y apprendrez comment Roberdam, sommé d’écrire son album en dix jours, est devenu le serial killer de la chanson française. On vous le recommande :http://www.dailymotion.com/video/xhz7is_episode-1-7-je-voudrais-etre-star-roberdam-tu-as-10-jours_shortfilms
Bande Annonce - Je voudrais être star - Roberdam...par etrestar
Sébastien Mounié © Etat-critique.com - 09/05/2011
« Ich sah: Das Lamm auf dem Berg Zion, Offb. 14,1 », WÖLFL VA et Neuer TANZ
Du 24 au 29 mars, le Théâtre de la Ville invite le plasticien allemand Va Wölfl et sa compagnie Neuer Tanz pour cette nouvelle création. Absolument bouleversante.
Le parcours et le travail de Va Wölfl sont tout à fait uniques et saisissants. Après avoir commencé ses recherches plastiques en tant que peintre (élève d’Oskar Kokoschka) et être ensuite passé à la photo, l’artiste base aujourd’hui ses créations sur la mise en scène de danseurs, sur des scénographies à la fois froides et accueillantes, sur une alternance maîtrisée et impressionnante de sons doux et violents, sur une forte théâtralité qui travaille la scène dans ses trois dimensions.
Dans cette dernière chorégraphie présentée pour la première fois au Théâtre de la Ville, Va Wölfl réfléchit sur la violence du quotidien dans un espace semi vide dans lequel les danseurs, en habits d’employés, chantent, bougent, effectuent des mouvements de danse classique… et gardent toujours dans leurs mains des pistolets. La violence commence là, par cet objet omniprésent, qui plonge les spectateurs dans un état de trouble permanent. Les actions de danseurs surprennent tout au long de la création bien que tout geste soit travaillé dans la durée et la répétition. Une réflexion – explicitée également par les paroles d’un des danseurs - sur l’agression envers les spectateurs et sur l’ennui, ainsi que sur l’attente d’un aboutissement qui n’arrive jamais. Va Wölfl interroge ainsi le sens à donner à un spectacle – et le sens d’aller le voir. Toute référence, tout point d’appui est mis à mal.
Le spectateur se retrouve désorienté dès le début : dans son impatience avant que le spectacle ne commence, dans son attente que les gestes des danseurs acquièrent un sens ou qu’ils évoluent, dans le choc des lumières et des sons, dans une conclusion qui n’en est pas une. Le spectateur ne cesse jamais d’être conscient de sa place… de cette place bien bizarre dans une salle où entre les fauteuils ont été disposés des arbres qui empêchent une vue dégagée de la scène et qui créent une relation tout à fait particulière avec elle.
"Ich sah" se révèle une création à la fois gênante et enthousiasmante grâce à sa capacité de remettre en question tous les automatismes de protections et de compréhension des habitués des spectacles, et plus en général des passionnés d’art. Où placer le plaisir de la fréquentation de l’art ? Jusqu’où accepter d’être bouleversé, de ne pas comprendre le sens de ce qui se passe sur scène, de perdre tout repère en tant que spectateur ?
Va Wölfl met à l’épreuve son public avec humour et brutalité et réussit tout à fait dans son but.
http://www.theatredelaville-paris.com/
Gloria Morano
© Etat-critique.com - 31/03/2011
Albertmondialiste – Albert MESLAY
Devenez albertmondialiste ! Rigolons durable !
Au Forum Léo Ferré d’Ivry-sur-Seine, ce samedi soir, les spectateurs ont déjà mangé et bu quelques verres. L’ambiance y est conviviale. Tout le monde discute avec tout le monde. Une proximité de corps et d’esprit. Tous attendent le plus grand imitateur de Pline l’ancien.
Le voilà. Cheveux bruns en arrière, brushing et moustache épaisse, mine réfléchie, Albert Meslay entre sur scène et pose rapidement les bases de son univers absurde. Albert est un friand des mots et de l’improbable. Avec le plus grand sérieux, il expose ses choix et ses opinions. Tout tient en quelques mots : raisonner avec rigueur sur une ubuesque réalité.
Après un recul sur l’histoire de l’écriture, il en vient à parler de la sienne, prévenant le spectateur que les quelques bafouillages de diction sont la simple expression de ratures explicitement écrites dans le texte. Ce soir, il choisit de s’exprimer en langue française car c’est la plus facile à comprendre.
Puis les bons mots s’enchainent et les éclats de rire avec. Albert est pataphysicien. Son art de la déclamation est un hymne à l’absurdité du raisonnement humain. Une liberté de pensée débouchant sur un humour noir bien plus révélateur que tout one man show grimaçant et séducteur. On rit de nous-mêmes et d’une époque qui se prend au sérieux et parvient à banaliser l’intolérable.
Albert propose ainsi d’aider les pauvres à rester pauvres en envoyant des missionnaires. Il faut leur expliquer que le bonheur est beaucoup plus spirituel qu’humain, que la jalousie et l’envie sont de biens mauvais sentiments et que le scooter des mers est incompatible avec le bouddhisme…
Albert pense. « Est-ce que le poisson a conscience d’être mouillé ? » , « La planète sera sauvé par des fainéants », « Le rentier est un chômeur qui s’auto indemnise », « Si les riches ont du bien, les pauvres ont du mal », « Est-ce que les athées décédés se retrouvant au paradis font la gueule ? » »De la retraite personne n’en sort vivant », « Il vaut mieux des emplois fictifs que pas d’emploi du tout » « L’éternel c’est combien de temps ? » Le spectacle est tout simplement merveilleux de non-sens, visant à chaque fois avec justesse les travers de notre monde contemporain.
Alors on se laisse embarqués, en rêvant de jouer avec Albert au « jeu des 7 familles recomposées », en se promenant avec Pline l’Ancien ou le Dalaï Lama dans les rues de Perros-Guirec, en écoutant une histoire porno celte au coin du feu, en croyant à sa théorie de l’alcool renouvelable –picolons durable avec des tournées renouvelables !.. Une soirée mémorable.
« Selon les experts internationaux… », Albert est bien bel artisan de la langue française. Un militant de l’humour. Il mérite plus qu’une oreille attentive. A voir. Zigomatiques et imagination en action. Une rareté.
Sébastien Mounié © Etat-critique.com - 24/03/2011
Les Monstrueuses Actualités de Christophe Alévêque
« L’Homme est bon. Sauf des fois, sauf des fois. L’Homme est beau. Sauf des fois. »
Christophe Alévêque est impitoyable. Il entame en début de spectacle une revue de presse du pire, égrenant comme un chapelet des faits d’hiver tous plus sordides les uns que les autres, et les agrémentant de commentaires émétiques. Il ponctue le récit de parents qui prostituent leurs enfants et les font participer à des films pornos, par un horrible « Pour une fois que les enfants servent à quelque chose. » !
Il fustige le politiquement correct, qui interdit d’aller aux putes, mais pas d’en être une (à propos de Bernard Kouchner). Il tape à droite (« Hortefeux, le seul ministre de la Vème République condamné pour injure raciale, mais qui n’a pas encore démissionné. L’exception culturelle française ») et à gauche (« La Tunisie est un exemple, elle prouve que sans parti d’opposition, on peut se débarrasser d’un Président. Nous, en France, le problème, c’est qu’on a un parti d’opposition »).
Alévêque tente vaillamment d’échapper au piège qui consisterait à taper sur Sarkozy, cible trop facile mais inévitable des humoristes. Il ne pourra pas s’en empêcher et ne résistera pas au plaisir de glisser quelques peaux de bananes sous les talonnettes présidentielles.
Fin 2009, Alévêque nous avait régalés avec une excellente revue de presse à la fin de son spectacle Christophe Alévêque est Super-Rebelle.
Il renouvelle l’expérience cette année avec un enthousiasme émoussé. Christophe Alévêque hésite sur son texte. S’il sait où il veut en venir, il a du mal à nous mener jusqu’à la chute, si bien qu’il ponctue sa revue de presse de dizaines de « Bon », « Euh… Euh… », et autres « Bon ben », assez déplaisants.
Certes, les textes collent tant à l’actualité immédiate que Christophe Alévêque ne doit avoir le temps de les apprendre par cœur, mais j’aurais préféré qu’il lise franchement son texte, quitte à être moins mobile sur scène.
C’est très dommage car, sur le fond, Alévêque tape fort et vise juste. Il met en exergue le tsunami d’informations qui nous noie et nous abrutit à longueurs de journaux et de journée. Il fustige le sentiment d’angoisse que les médias entretiennent savamment, comme pour alimenter notre peur panique du terrorisme, de la grippe, de la neige etc. … Une angoisse qui fonctionne comme un « épouvantail à cons », et qui détourne notre attention des sujets vraiment importants.
Comme dans Christophe Alévêque est Super-Rebelle, l’humoriste ne peut s’empêcher de pousser la chansonnette enragée, accompagné de ses trois musiciens impassibles. Encore un qui aurait voulu être une rock-star…
Peut-être est-il temps de changer de formule ?
http://www.theatredurondpoint.fr/
Hypernuit / Bertrand BELIN / (Wagram -Cinq7 – 2010)
Un album de toute beauté pour les amateurs de balades célestes et douces.
Hypernuit équilibre l’art du toucher des mots à celui des guitares. Une admirable symbiose.
Minimaliste. Bertrand Belin est un dandy qui pose les mots comme des notes à moins que ce ne soit l’inverse. Le silence des mots est aussi important que le sens des mots eux-mêmes. Débutant chaque chanson par des introductions rythmiques à la guitare ou des boucles d’arpèges, Bertrand prend le temps de lancer mots, propositions ou phrases selon l’espace qui s’offre à lui.
Minimaliste et impressionniste. A petite touche, l’artiste compose une palette de guitares qui font souvent pleurer les notes. Il est question de chiens, de maisons à vivre, de courage et de rencontre. De soleil et d’homme attendant debout, de frère maudit, de chaleur et de peau. Ann Guillaume à la voix et Tatiana Mladenovitch à la batterie amplifient un plaisir mélodique qui met à l’honneur des couleurs folks somptueuses. La voix en avant de Bertrand brise la narration habituelle pour ne laisser qu’une impression, une vision déformée du réel saisit par une émotion musicale. Une harmonie de langage qui prend le risque de la liberté et de l’improbable sonore.
Le vertige est horizontal. A écouter Y’en a-t-il ou Ne sois plus mon frère, on tombe sous le charme et on aimerait que la musique poursuive inexorablement la flèche du temps. Cela pourrait durer des heures. Les cordes fredonnent down tempo avec des arrangements d’une étonnante simplicité. Les nappes de Long lundi en disent long. Quant à Chaleur, c’est tout simplement sublime de justesse.
L’album se savoure au casque, en marche nocturne. En pensée. En douceur. Hypernuit.
Sébastien Mounié
3Abschied, Anne Teresa DE KEERSMAEKER et Jérôme BEL
La rentrée du Théâtre de la Ville ne pouvait pas se passer du nouveau spectacle d’Anne Teresa de Keersmaeker, une mise à nu passionnante du processus de création.
Pour 3 Abschied Anne Teresa de Keersmaeker collabore à nouveau avec l’ensemble Ictus, composé de treize musiciens qui occupent le centre de la scène. Au début du spectacle Anne Teresa, habillée d’un pull noir, d’un paire de jeans assez larges et de grosses chaussures de marche, se positionne latéralement, règle elle-même les lumières de la salle et met dans un lecteur le CD Der Abschied, le tout dernier volet de la partition Das Lied von der Erde de Gustav Mahler, qu’elle interrompt ensuite brutalement. Puis, pendant une vingtaine de minutes, elle parle au public et explique la genèse de ce spectacle.
Comment réaliser une chorégraphie actuelle en utilisant une musique du romantisme allemand qui traite de l’acceptation de la mort ? Comment les mouvements contemporains des corps peuvent-ils représenter la transcendance exprimée poétiquement par les trois poèmes chinois dont Mahler se sert pour composer son Lied ?
Avec ironie et précision Anne Teresa de Keersmaeker et Jérôme Bel déconstruisent le processus de création chorégraphique en faisant participer le public à leurs interrogations, en nous soumettant les trois variantes conçues pour confronter la danse contemporaine au thème de la mort et du retour à la terre.
Dans la première variation Anne Teresa de Keersmaeker danse parmi les musiciens, presque de manière maladroite, inachevée, tout d’abord en accueillant et reformulant de manière bouleversante les gestes du mezzo-soprano Sara Fulgoni. Pour la deuxième tentative de mise en mouvement du Lied de Mahler, suite à l’intervention explicative sur scène de Jérôme Bel, ce sont les musiciens eux-mêmes qui représentent deux fois de suite la mort. Finalement, pour la dernière variation sur l’œuvre de Mahler, Anne Teresa de Keersmaeker reste seule avec le pianiste et s’abandonne au chant et à la danse avec intensité et humour. Elle met en scène une fragilité saisissante, un désir de musique captivant, une recherche à vif des possibilités gestuelles, du risque créatif.
Encore une fois Anne Teresa de Keersmaeker conquiert le public, surprend, amuse et envoûte : l’acceptation de la mort devient une forme à la fois dure et légère de mouvements, aux rythmes savamment irréguliers.
Gloria Morano
© Etat-critique.com - 16/10/2010
Hilfe Kommt / DEZ MONA / (62TV records / PIAS 2010)
Vous cherchez un album de chevet à écouter en boucle, le voici. Hilfe Kommt de Dez Mona.
Après Absynthe Minded, voilà maintenant Dez Mona. Mais que se passe-t-il chez les Belges ? Car autant le dire, les groupes font plutôt très fort en matière musicale ces dernières années. Moins jovial qu’Absynthe Minded et plus proche de Nick Cave, Dez Mona met la barre très haute. Comme Absynthe Minded, Dez Mona a le bon goût d’introduire dans sa musique des instruments à cordes rêveurs et planants. Violons et piano ont souvent le beau rôle.
La voix de Gregory Frateur penche volontairement sur la sobriété et l’émotion avec une expressivité qui rappelle les élans d’une Sophie Hunger. Avec cinq morceaux sur dix dépassant les cinq minutes, on comprend que l’émotion prend la place dont elle a besoin dans un univers musical qui prend le temps de poser ses respirations et ses coups de gueule sur fond de violon.
Les chœurs sont souvent simplement magnifiques comme dans Get Out of there qui alterne chant percutant et nappe vocale sur des accordéons dissonants. Superbe orchestration qui joue sur les puissances vocales du groupe. Les chœurs ne font pas semblants. On n’est pas dans une réalisation qui cherche le morceau de 3’30 à passer en playlist radio et ça fait du bien ! Dans la même veine, Carry out est à tomber par terre. Le gospel jazzy n’est pas loin. On reste à l’écoute du début à la fin de l’album. L’expressivité est assumée et prend toute son ampleur dans le narratif Jack’s hat, une ode fantastique où le chanteur est poursuivi par une créature digne d’Halloween…
Il existe chez Dez Mona un évident goût pour le spectacle et la théâtralisation des sentiments. La chaleur de l’ensemble contraste avec une voix au timbre particulier qui frise parfois avec l’androgynie jazzy d’une Nina Simone. Un cabaret rock-jazzy qui n’hésite pas à jouer avec l’étrangeté. Tous les ingrédients sont là pour le succès. Un vrai talent musical qui ne demande qu’à rencontrer le grand public. A découvrir, un très bel album.
http://www.dezmona.com/
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