Nous, on vote pour Chapelier Fou, La Maison Tellier & Fabulous Sheep

Dans quelques jours, ça ne vous aura pas échappé, on vote. On va dans l’isoloir et on met un petit papier dans une enveloppe en espérant un monde meilleur, mais on a comme un gros doute. Car nos candidats à l’élection ne sont pas très ouverts. Bien fermés sur nos petits problèmes. Nombrilistes ou fascistes, on a le choix!

Merci aux musiciens français de nous montrer le chemin pour sortir de nos angoisses hexagonales et de notre ethnocentrisme souvent ridicule.

C’est le cas de Chapelier Fou, dingue de l'électro qui retrouve des contours classiques.

Au top du modernisme, Chapelier Fou se calme en cherchant le dépouillement avec des instruments : harmonium, violon, piano, clarinette et alto. Il a monté un ensemble de musiciens et revu son catalogue. Le résultat est fascinant, entrainant et apaisant. On devinait souvent la singularité de cet artiste de l’électro: il confirme son atypie avec ce disque d’une élégance subtile, une bande son inspirante pour aimer les jours meilleurs.

De mieux en mieux, ce sont les albums de La Maison Tellier, bande de Normands qui regardent loin et ailleurs. Ils regardaient souvent vers les États-Unis et toute leur mythologie en défendant une folk française teintée de country.

Atlas, un titre qui évoque une autre région du Monde, montre que leur maison est grande ouverte à tous les courants et cela nourrit des chansons souvent magiques, d’un lyrisme éloquent (Feu Chatterton a un sérieux concurrent) et d’une poésie qui nous plonge dans un univers minéral et terriblement humain. Au-delà de l’Atlas, les musiciens de la Maison Tellier nous emmènent dans un ailleurs rassurant… car il existe sur ce disque plus que réussi.

Avant de voter, collez votre oreille sur le disque des biterrois Fabulous Sheep. Attention, ça pourrait vous surprendre. Un bon gros rock enragé tout droit hérité du punk anglais. Il y a de la colère dans les compositions de ce quintet venu d’un autre temps.

Le groupe a surtout un sacré talent qui leur permet de rivaliser avec leurs aînés anglo-saxons. Ça dérouille sévère. Ça sent fort la testostérone et cela canalise tout l’enfer d’une jeunesse dans le monde d’aujourd’hui. Cela donne des morceaux forts qui doivent avoir une ampleur incroyable sur scène. Ces petits jeunes nous donnent de l’espoir. Nos musiciens ont bien raison d’aller voir ailleurs, trouver l’inspiration chez l’autre, remercier l’étranger de sa richesse… ça pourrait presque être une consigne de vote!

Lumières de Finlande, Albert Edelfelt, Petit Palais

Avec sa grille dorée gigantesque et sa collection permanente joliment vieillotte, le Petit Palais n’est pas vraiment le lieu de l’avant-gardisme et de la folie créatrice. Son joli café exotique. Ses salles calmes. Son public capricieux parce qu’un peu vieux. Ses gardiens endormis. Bref, ça ronfle du côté du Petit Palais.

Et pourtant.

Ça commence assez mal en réalité. Les œuvres du finlandais Albert Edelfelt sont entassées sur quelques mètres carrés. On devrait encore jouer du coude pour apercevoir le talent de ce portraitiste hors pair qui a connu la gloire et la reconnaissance en répondant à une commande: faire le portrait de Louis Pasteur.

A partir de cette réussite, ce finlandais a joué de sa notoriété pour continuer son métier mais aussi retourner dans son pays et tenter d’autre chose. Ce qui donne finalement une collection de peintures très différentes.

On a même du mal à concevoir que tout sort du même esprit. Albert Edelfet est un brillant technicien. Par son jeu sur la couleur et son étude de la lumière (si différente entre les salons parisiens et les bords de mer baltique), son art est d’une précision redoutable. Son art nous happe dans des univers variés entre vie parisienne et mœurs de pêcheurs finlandais.

L’immersion est son domaine. Puis en vacances, sur la cote finlandaise, le prestigieux artiste se fait plus léger avec ses pinceaux. On devine effectivement l’influence de l’impressionnisme mais les paysages de la Finlande lui offrent une très grande liberté artistique qui réveille des genres abstraits qui arriveront plus tard.

Edelfelt est un artiste de renommée. Aux tableaux établis et impressionnants. Ça fonctionne encore. Mais l’exposition montre le besoin de liberté d’un peintre curieux de tout et qui s’essayait à tout. Au Petit Palais, vous pouvez donc vous laisser bercer avec la rétrospective d’un homme ouvert qui visiblement n’aimait pas s’assoupir sur ses lauriers. 

PS: pour retrouver un autre regard sur cette exposition, cliquez ICI !

Jusqu'au 10 juillet 2022
Exposition Albert Edelfelt, Lumières de Finlance
au Petit Palais

Abdomen, Clémentine Maubon, Bastien Lefèvre, Théatre l’Étoile du Nord

Du 10 Mars au 22 Avril, plusieurs compagnies de danse s’installent sur le plateau du Théâtre de L’étoile du Nord pour créer, expérimenter, redécouvrir une pièce, inviter d’autres artistes…  

Sur les dix dates prévues, nous avons assisté au plateau #4 animé par Clémentine Maubon & Bastien Lefèvre.

Dans une performance musclée, l’abdomen a été questionné sous toutes ses formes : « Les abdominaux comme moteur, comme parti-pris pour parler du ventre, de ce qu'il y a dedans, de ce qui en naît, de ce qu'on y cache. »

Clémentine Maubon & Bastien Lefèvre proposent à la fois une danse animale et imprévisible, teintée de notes d’humour.

Le ton est lancé pour les autres plateaux !

Abdomen
Clémentine Maubon & Bastien Lefèvre
L’étoile du Nord (75018)
Festival Immersion Danse
du 10 Mars au 22 Avril

Dans le cœur de George, Livane, Xavier Berlioz, Théâtre de dix heures

Pour cette deuxième première, la salle est pleine, pas une place de libre. La moyenne d’âge, quoiqu' élevée, n’empêche pas quelques jeunes, voire tout jeunes, d’être présents. C’est déjà réjouissant…

L’idée est bonne, la pièce cohérente, la mise en scène simple et efficace.

La comédienne, l'artiste, Livane se met dans la peau de Joha Heiman (mieux connue sous le surnom de Püppchen) et raconte une partie de l'histoire de celle qui partagera la vie de Brassens qu'elle aime et accompagnera pendant trente-quatre années.

Trente-quatre années qui auront vu Georges devenir un chanteur populaire admiré. De ses premiers pas avec Patachou qui, au départ, chantera ses chansons avant de réussir à le convaincre de monter sur scène. Jusqu’à son ascension dans le cœur de ceux qui l’écoutent où il se fixera durablement, ainsi que dans leurs esprits, elle sera à ses côtés. C’est la mort de Brassens qui les séparera.

L’ année 2021 aurait vu Brassens fêter son centième anniversaire. Il nous quittera en effet en novembre 1981 âgé de soixante ans tout juste (né un 22 il meurt un 29). Libération titrera “Brassens casse sa pipe". Ce spectacle participe de la mise à l'honneur bien méritée de Brassens dans les écoles comme dans les parcs. Brassens est désormais un monument de la chanson et, pour moi, de la poésie, française. Mais cette fois-ci, c’est à l’intérieur du cœur de Brassens que nous plongerons.

Le choix des chansons est bon et suit la logique du spectacle. L'orage, l'auvergnat, saturne, supplique pour être enterré à la plage de Sète et bien d'autres.

“Le bulletin de santé” les “trompettes de la renommée” sont pour moi les grandes absentes de ce spectacle. “Le testament” aussi. Je dis de “ce spectacle" parce que je trouve qu'elles y auraient eues leur place.

Je voudrais féliciter Livane pour son admirable appropriation de “la Jeanne". Je me suis laissé complètement emporter à redécouvrir une chanson que j'aime énormément et c’est à mon avis le point culminant du spectacle. “je me suis fait tout p'tit” est vraiment bien aussi.

Petite interrogation : un autre texte parlant de Brassens par Brassens - “la mauvaise herbe” ou “je suis un voyou” - ne serait-il pas révélateur et ne n'aurait-il pas permis de le découvrir encore un peu plus en profondeur ?

L’utilisation du “looping" musical est plutôt réussie mais n'apporte en définitive pas grand-chose à la chanson. Je pense que les chansons de Brassens n’ont pas besoin d’être touchées, retouchées. Maxime le Forestier le fait très bien quand il chante les cahiers. Certaines mélodies m'ont parues ici desservir les chansons.

Pourtant j'ai été comblé. J'ai cru ressentir à quel point l'artiste pouvait aimer et respecter Brassens, jusqu’à l'admirer sans doute.

Ses yeux, son sourire quand elle chante le montrent bien. On y retrouve parfois la même espièglerie que celle qu'on lisait sur le visage de Brassens lorsqu'en concert il chantait les phrases de son répertoire les plus grivoises, tendancieuses ou simplement prêtant le plus à sourire .

Se sachant dépassant les limites, bon enfant, il en souriait avec dans les yeux toute la beauté d'un sourire combiné avec celui de la bouche. Seule manière de véritablement sourire, il gardait ce côté pudique et espiègle que j'ai été heureux de retrouver sur scène et de pouvoir partager avec la personne qui m’accompagnait.

Nous avons ensuite regardé le tour de chant mythique filmé en public à Bobino en 1972. (Il existe un coffret de trois DVD en édition limitée mais qui peut encore se trouver je suppose “Elle est à roi cette chanson Georges Brassens").

J'aime bien que l'on traite bien Brassens et j'ai passé un excellent moment en compagnie de quelques-unes de ses plus jolies chansons interprétées par une artiste qui lui rend un bel hommage. Très personnel, mais un bel hommage.

On découvre en plus des chansons revisitées sur le plan musical quelques informations pertinentes, offrant à ceux qui iront voir ce spectacle sans bien savoir le genre de personne qu’était Brassens, une belle ouverture sur son approche de la vie.

Entendre sa voix en ouverture est une brillante idée. C'est sur l'un des conseils ou plutôt l'une de ses réflexions les plus avisés (que je vous laisse le plaisir de découvrir) que s'ouvre le spectacle… Ça m'en a donné un frisson de contentement et de gratitude pour ceux qui ont fait ce choix.

Le spectacle est fluide, dynamique, les chansons s’ enchaînent bien, s'imbriquent dans le fil de l'histoire avec à-propos.

J'aurais tout de même aimé pouvoir chanter un peu plus. Même si à deux reprises le public, pourtant enthousiaste, s'est vu invité à participer, le mouvement a été trop peu suivi. La chanson n’était pas, je pense, celle que les gens connaissent le mieux.

En rappel j’aurais été curieux d' entendre chanté par l'artiste (on a le droit de rêver) le poème de Richepin “les oiseaux de passages" mis en musique par Brassens…

Merci pour ce bel hommage. À l'homme et au chanteur. Je redoutais ce que j’allais voir, j'ai été agréablement surpris, étonné même par l'admiration, la sincérité et la justesse de l'artiste comédienne/chanteuse/musicienne.

Je recommande chaudement à tout le monde, en famille, en couple, seul, peu importe… allez-y ! Mais aussi, et surtout, prenez le temps d’écouter, de comprendre le sens des chansons et du message et, peut-être, de vous en approprier le contenu.

Cela permettrait  sans aucun doute de diminuer le nombre de “cons” dénoncés par Brassens et qui nous entourent (ou dont nous sommes). Même si pour lui “le temps ne fait rien à l'affaire" Livane nous offre un moment drôle et fort agréable par son interprétation de cette chanson. Libre à vous de participer (ou non ;-))

Dans le cœur de George
Jusqu'au 25 avril 2022
Théâtre de dix heures
Lundi 28 Mars 20h00
Auteur et interprète: Livane
Metteur en scène : Xavier Berlioz
Durée : 90 minutes

Ab [intra], Sydney Danse Company, Rafael Bonachela, Chaillot

Forte de dix-sept danseurs, l’excellence compagnie Sydney Dance Company nous a charmé par la force et le charme des différents tableaux réalisés en ensemble, trio ou duo…

Dirigée depuis douze ans par le chorégraphe d’origine catalane Rafael Bonachela, la Sydney Dance Company est aujourd’hui la plus grande compagnie de danse contemporaine d’Australie.

Rafael Bonachela a rassemblé ces danseurs de très haut niveaux, dans un spectacle baptisé ab [intra], signifiant en latin « de l’intérieur ». Ce nom paraît mal choisi de prime-abord face à l’intensité des corps. Mais nous sommes rapidement happés dans les univers des dix-sept danseurs qui se déploient sur scène avec une gestuelle athlétique et musclée d’une précision calculée. Il y a un niveau incroyable de prouesses techniques et corporelles dans ce spectacle.

Rafael Bonachela a imaginé ce spectacle comme un échange d’énergies entre l’intérieur et l’extérieur en s’appuyant sur le corps, invitant le public dans l’univers des danseurs. Il a déclaré : « Le point de départ de la création est une série d’improvisations où j’ai demandé aux danseurs d’être ensemble dans l’instant, de ressentir et d’écouter, de suivre leurs intuitions et impulsions, puis de chercher à mettre par écrit ces instants. Ces phrases écrites ont servi de fil conducteur pour l’enchaînement des mouvements, la partition de danse, le transfert d’énergie de la pensée vers le corps. ».

La musique électronique renforcée par des sons de violoncelle de Nick Wales complète parfaitement ce spectacle flamboyant tout en énergie et en sensations.

Frissons et vibrations garanties !

Jusqu'au 1er avril 2022
Théâtre National de Chaillot

Tarif C — de 8€ a 43€

Souvenir d’un pas grand-chose, Charles Bukowski, 10/18

Charles Bukowski prête ses traits à Henry Chinaski, son avatar, son alter égo, pour nous faire découvrir l'univers empreint de violence dans lequel l'auteur aura grandit. L'amenant à percevoir le monde et les relations humaines avec un œil acéré, désabusé, cynique, parfois cruel, souvent drôle et presque toujours poétique, Henry évolue dans la société américaine de la "destinée manifeste" (celle d'être à la
tête de toute l'humanité !). Une société dans laquelle l'homme qui n'a pas réussi compte pour rien et sera traité comme tel. C'est du moins ce que l'on ressent dans le personnage du père, au travers ses discours, les valeurs qu'il prétend défendre, sinon des leçons qu'il donne.

De sa naissance en Allemagne pendant l'entre-deux guerre à son acnéique adolescence californienne, nous suivrons le narrateur dans un univers où nul lieu n'échappe à la violence. Que ce soit à la maison, à l'école ou sur le chemin menant de l'une à l'autre Henry n'a pas un moment de répit. Psychologiquement ou physiquement.

Un père violent, distant, colérique, méprisant, humiliant.

Une mère inexistante, complètement sous l'emprise et admirative. Elle respecte, accepte, défend même ! les normes patriarcales en vigueur dans cette classe de la population. Le père - et plus généralement l'homme - a raison, et la femme ne doit pas intervenir. Henry le lui reprochera à plusieurs reprises.

Une école où il faut se battre pour exister après avoir accepté d'être battu.

Ne jamais rien montrer de sa faiblesse. Ce ne sont pas les coups qui peuvent l'inquiéter. Dès la première correction qu'il reçoit par son père dans la salle de bain, on le sent, on le sait, endurci et prêt pour recevoir les suivantes sans broncher. Il en ira de même avec les expériences de vie dramatiques. Il se relève toujours, attendant la prochaine. Il y perd quand-même un peu à chaque fois. Ne jamais rien montrer de ce que l'on a de plus beau en soi…

C'est une autre logique qui en résultera.

Seulement, il y a un point où l'acceptation, l'incompréhension, les misères deviennent trop fortes pour être acceptées sans un exutoire salvateur. Il faut pouvoir fuir cette réalité trop moche. Il y aura alors, bien sûr, la découverte, la rencontre, avec l'alcool en même temps que celle avec l'excès qui le caractérisait déjà quelque peu, qui l'accompagneront désormais et qui régneront sur nombre des aspects de sa vie.

L'alcool, dont l'une des vertus et de désinhiber, deviendra son plus fidèle compagnon. Le seul qui le suivra toujours partout et qui respectera le si peu mis en application "pour le meilleur et pour le pire". Il lui permettra de se faire une place dans un monde dont il n'a de toute façon pas très envie de faire partie. Il est bien difficile de s'intégrer quand l'on croit se savoir supérieur, plus fort, plus résistant, plus malin et plus perspicace que les autres.

"Je ne sais pas être ami avec tout le monde . D'ailleurs, personne ne m'intéresse."

Exception faite des gens exceptionnels. On n'en rencontre pas souvent. L'alcool aide à croire et peut faire paraître merveilleux ce qui ne l'est pas. Pendant un temps, Bukowski le dit, Henry le met en application. Il méprise le premier gamin qui fera un pas vers lui et se retrouve avec pour seul ami celui qu'il aurait voulu garder à distance. Il en ira de même avec nombre de personnes qu'il croisera…

C'est un personnage ambigu et contradictoire mais qui s'accepte et le reconnait pleinement. C'est d'ailleurs de cette contradiction visible - entre ce qu'il est à l'intérieur, ce qu'il renferme de beau mais refuse de montrer, et ce personnage dur et inébranlable qu'il façonne - que nait toute la beauté de la logique du diagnostic sociétal, politique, scolaire et environnemental qu'il pose sur l'une des classes les plus pauvres des États-Unis.

Ce livre est une parfaite introduction à l'écriture et au style de Bukowski. Pour le découvrir avant de se lancer (ou pas) dans la suite des aventures d'un Chinaski que l'on retrouvera dans au moins quatre autres romans de l'auteur. Parfois écrits bien avant, on y découvrira Henry plus vieux, adulte, allant d'un travail, ou d'une femme à l'autre, toujours relatant le quotidien réel ou supposé, sans cesse en ébullition et au bord de la rupture. Avec cette écriture percutante, claire, plus profonde et tendre qu'elle ne le laisse accroire…

Un très bon et intéressant moment de lecture (ou de relecture).

J’ai sauvé la France, l’incroyable destin de Charles VII, Alain Peron, Rémi Mazuel

Le pouvoir isole

Voilà un spectacle bien rodé, joué par une troupe investie, passionnée et qui emporte le spectateur dans les méandres des souvenir et les turpitudes de la vie et du règne d’un roi méconnu, trop peu mentionné et qui aura pourtant fait pour la France plus que bien d'autre.

C’est sur le modèle de la « focalisation interne » qu'on découvre un homme au soir de sa vie, courbé par le poids des années et du devoir d'un rôle auquel il n’était nullement prédisposé mais qu'il acceptera tout de même de remplir… avec un brio qui échappera à beaucoup de ses successeurs pourtant davantage présents dans les mémoires et les livres d'histoire.

- ( CQFD !? ) je pourrais me lancer dans un truc sur la partialité et le manque d’objectivité de ceux qui sont responsables des programmes et manuels scolaires, mais cela n'a sans doute pas sa place ici –

Un peu suivant les traces de Marguerite Yourcenar dans ses « mémoires d' Adrien » , Charles VII « le victorieux, le Bien Servi » raconte - comme Adrien quelque douze siècles plus tôt - ce qui l'a mené à devenir ce qu’il était destiné à devenir : un grand monarque. Mais à quel prix ?
À la fois acteurs, spectateurs et narrateurs, Adrien et Charles VII posent tous deux un regard calme et lucide sur la période historique durant laquelle ils ont eu la charge du pouvoir.
Éclairant sur sa vision psychologique, sur la noirceur de l’âme humaine, évoquant les différents acteurs ayant participé à la création de l'empire qu'il laissera à son successeur - un empire territorialement étendu mais politiquement affaibli - on découvre comment il se résigne petit-à-petit à être seul. Le pouvoir isole plus que nul autre devoir. Adrien se livre à son scribe. Il lui raconte avoir perdu son « mignon », son amant, après neuf années de partage, d'amour et de confiance. Avec lui il avait découvert qu’à certain moments l’âme humaine peut être belle et magnifique. Dévasté par cette perte il y laissera un grande partie ce qu'il gardait comme capacité à voir le beau et à rêver.

On peut voir ici un parallèle avec ce qu'Alain Péron, l'auteur de la pièce, met en perspective au travers du décès de la Dame de Beauté, Agnès Sorel, morte en couches pour le plus grand désespoir du roi.

Passionné de lecture et de culture, Charles VII aurait sans doute préféré, s'il avait eu le choix, la vie d'un érudit à celle d'un roi guerrier au règne marqué par la guerre de cent ans et les instabilités politiques. Charles VII apportera de la cohérence à son royaume et veillera à la construction d'un pouvoir stable et ferme, souvent au détriment de ce qui lui aurait rendu la vie tolérable. Ainsi, il devra mettre de côté la sérénité, l'amour et l’amitié.

« Un roi n'a pas d'amis » 

La scène s'ouvre sur un décor où le metteur en scène - Rémi Mazuel, qui est aussi acteur dans la pièce - met habilement l'accent sur le noir. Il fait le choix de l’obscurité. Peut-être pour illustrer l’état d'esprit que l’on peut avoir lorsque l'on pose un regard sobre et objectif sur quarante ans d'un règne qui aura laissé nombre de cicatrices ? mais d’où la France sortira grandie, plus épanouie. Ou plus simplement lorsque l’on décide de s’observer en conscience ; certainement ce qu'il y a de plus compliqué et douloureux quand on le fait complètement, entièrement.

C’est sans doute ce qui importait le plus à Charles VII : la France qu'il laisserait derrière lui. On se rassure comme on peut... Le reste lui demeurait inaccessible, interdit.

La fin approche, il le sait. C'est à l’émissaire envoyé par son fils, le futur roi Louis XI, qu'il raconte les épisodes les plus marquants de son règne. 

On retrouvera dans les différentes portails ouverts son loyal Tanguy du Chastel (lui-même tel qu'il fut et deviendra), Jeanne (qui brûlera, abandonnée par les siens aux anglais en 1431) ou encore Agnès Sorel, son lumineux amour (c’est d'ailleurs sa robe flamboyante qui, avec la longue cape blanche irradiante de Tanguy, apporte les seules notes de couleur et de lumière sur scène). L'amour et l’amitié. (« un roi n'a pas d’ami ») lui seront enlevés. L’obscurité continue de prévaloir – Jacques Cœur le financier aux idées brillantes, Yolande d’Aragon belle-mère retorse et compliquée.

Ce qu’il y a de merveilleux, c’est que les comédiens - par l'harmonie de leur entente et leur façon d'habiter les personnages qu'ils incarnent - apportent la touche de lumière manquant volontairement au décor. Cohérence et cohésion sont les mots d'ordre au sein de cette troupe qui évolue - en symbiose et avec rythme - au travers différents tableaux brossés qui s’enchaînent parfaitement dans une pièce ou le texte, la mise en scène, l’enjeu de la compréhension de l’époque et du message sont parfaitement compris et interprétés par des acteurs qui nous font passer un délicieux moment. Enrichissante et captivante, c’est une pièce à aller voir, à faire découvrir et dont il serait bon de parler. Elle fait réfléchir, non seulement d'un point de vue historique (mais aussi et surtout sociologique et psychologique), sur la nature profonde de l'Homme et la solitude qui l'accompagne tout au long de sa vie, et ce quelle qu'en soit l’ampleur ou la magnificence.

Du plus illustre empereur au plus anonyme des êtres humains, quand vient la fin… on se retrouve seul et avec le temps va, tout s’en va… Alors vraiment…

Jusqu'au 26 juin 2022
Théâtre de la Contrescarpe

de 11 à 32€

Vieux con – Christophe Alévêque – Philippe Sohier – Théâtre du Rond-Point

Alévêque : la soupape nécessaire pour rire des nouveaux curés de la pensée !

Christophe Alévêque est de retour avec Vieux con, un spectacle dédié à la bien-pensance actuelle, au nouvel ordre moral, hygiéniste qui finirait pas nous faire perdre toute liberté d’expression, de peur de choquer, de blesser, de se faire attaquer, de manquer de respect, d’attraper un virus, un monde devenu totalement anxiogène pour le moindre mortel qui s’aventurerait au-delà de ces nouvelles règles de vie, de langage et de culture.

Alévêque, seul sur le plateau, avec une chaise, une table et de l’eau pour se ressourcer revient ainsi avec férocité et humour sur ce qu’on vit aujourd’hui au regard des quarante dernières années et s’interroge : comment apprendre à mon fils de deux ans à s’emparer du monde d’aujourd’hui si anxyogène et fataliste, pour construire celui de demain ? Comment se projeter et se protéger des alarmistes de tout poil ?

Les sujets s’enchaînent et les nouveaux extrémistes de l’individualisme en prennent pour leur grade, les personnes qui se présentent "en tant que"... féministes, animalistes, hindouiste, etc. en tant qu'écolo, en tant que... ne centrant leur vie en société qu’au milieu de leur seule tribu. Sans la nommer, Alévêque alerte en riant sur l’archipellisation de la France, dénoncée par Fourquet, avec toutes les dérives qu’elle implique en termes de privation de libertés dont celle qui est la plus prisée des Français : la liberté d’expression.

« Qu’est-ce qu’on se fait chier ! » « A-t-on encore le droit de faire n’importe quoi ? »  s’interroge Alévêque en vidéoprojetant un film de jeunesse dans lequel il jouait au Tiercé de Cochons ! Avec humour, il s’attaque ainsi au nouveau révisionnisme de la pensée, à ceux qui militent pour déboulonner les statues d’hommes qui n’auraient pas une vie d’homme linéairement parfaite – y en a-t-il ? - qui ont rebaptisé le Roman d’Agatha Christie Les 10 petits nègres en Ils étaient 10 et sont parvenus à faire retirer le visuel de l’Oncle Ben’s sur les boites de riz, accusées de racisme.

A ceux qui transforment la langue pour la rendre la plus douce possible et finissent par l’aseptiser sans en régler pour autant les problèmes de fond, voire les accroissent en mettant en avant des différences, en les cultivant dans un jeu d’équilibre démocratique dangereux et vain. Un « effet inverse ». Plus on restreint le champ des libertés de parole, grâce à la victimation, plus celui qui ose la prendre ensuite, provoque, parle, est entendu et adulé, quel que soit le contenu du discours. Un verbiage sans fin relayé par Internet au nom d’une compassion généralisée s’amuse Alévêque. De quoi s’inquiéter… Faut-il alors transformer les hommages en « femmages » au nom du principe d’égalité ?

En fin caricaturiste, avec le même esprit, il revient dans un mémorable passage sur le confinement et les changements systématiques de protocoles rendant les gens complètement asservis et dépendants pour certains et délateurs pour d’autres. Ces moments où les chiens ne sont jamais autant sortis en promenade avec leur maitre et où chacun remplissait son caddie de pâtes et de papier toilette… De quoi rire à défaut d’en pleurer.

En libre penseur rempli d’humour noir et provocateur, Christophe Alévêque présente un théâtre social salvateur qui éveille et réveille les consciences face à un empire du bien qui grignote peu à peu les libertés individuelles au nom du conformisme. Pour Alévêque, cette société construit de la castration, « couilles dans le formol » ou pas, un monde de l’autocensure, où tout le monde finit par avoir peur de tout le monde et à ne vivre qu’en repli sur soi.

En parvenant à pointer nos folies individuelles et en cherchant à nous réveiller, avec un texte ciselé frôlant l'absurde, un brin politique, Alévêque produit éclats de rires dans la salle. Des rires, comme des aveux dévoilés qui finissent par lui donner raison... Un sursaut humoristique qui fait du bien. A voir !

https://www.theatredurondpoint.fr/spectacle/vieux-con/

10 MARS - 3 AVRIL 2022

SALLE : RENAUD-BARRAULT
HORAIRES : DU MARDI AU DIMANCHE, 18H30 - RELÂCHE : LES LUNDIS
DURÉE : 1H30

Tournée :

6 AVRIL 2022 NOUZONVILLE (08)
9 AVRIL 2022 VILLEPARISIS (77)
28 AVRIL 2022 SÉRIGNAN (34)
29 ET 30 AVRIL 2022 MARSEILLE (13)
10 MAI 2022 VENDÔME (41)
25 JUIN 2022 HIRSON (02)

Albert Edelfelt, Lumières de Finlande, Petit Palais

Albert Edelfelt est un peintre finlandais du XIXème siècle (1854-1905). Installé en France, il garda toute sa vie un lien indéfectible avec sa terre natale et acquit en son temps notoriété et reconnaissance internationale.

Aujourd'hui injustement méconnu du grand public, cet immense artiste est mis à l'honneur au Petit Palais, jusqu'au 10 juillet prochain. L'exposition Albert Edelfelt, Lumières de Finlande, qui regroupe une centaine d’œuvres, est très bien faite et suffisamment bien agencée pour qu'on puisse se plonger dans la contemplation d'un tableau sans être gêné par les autres visiteurs.

Le talent me manque malheureusement pour décrire comme je le voudrais la joie qui fut la mienne de retrouver les œuvres de ce peintre que j'avais découvert lors de l’exposition Échappées nordiques, proposée en 2009 par le Musée des Beaux-Arts de Lille.

Portraitiste hors pair, Edelfelt a rencontré le succès et est devenu à son époque un peintre recherché. Il faut dire qu'avec lui, les sujets, comme la composition, sont simples (au sens d'exempts de toute prétention).

Ainsi, le fameux portrait de Louis Pasteur - qui illustre classiquement les manuels scolaires - témoigne de la parfaite compréhension qu'avait Edelfelt de ses modèles.
Lors du Salon de 1886, ce portrait - qui représente le savant au travail, à sa paillasse - a éclipsé celui proposé en même temps par François Lafon et qui était beaucoup plus "officiel" et académique. Le décalage était complet, et le génie d'Edelfelt a sauté aux yeux de tous !

Albert Edelfelt, Portrait de Louis Pasteur, 1885
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, en dépôt au musée
d’Orsay. Photo © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Martine Beck-Coppola

Heureusement, le finlandais ne se contenta pas du rôle de portraitiste pour gens fortunés. Car, en s'installant à Paris, l'artiste s'est, au contact de Jules-Bastien Lepage, "converti" au pleinairisme, ce courant privilégiant l'observation de la nature et l'étude de la lumière. Et quelle lumière! Les œuvres sont limpides, il n'y a pas d'autre mot.

Chaque été, Edelfelt se rendait en Finlande où il trouvait matière à des scènes de la vie "simple", "authentique" comme on dit. La vie au grand air.

La technique picturale est classique mais irréprochable, que ce soit les huiles ou les pastels. Coloriste virtuose, Edelfelt restitue comme personne la luminosité franche du nord. Il y a toujours un détail d'une infini beauté: un paysage magnifique en arrière plan ou un charmant bouquet de fleur.

Avec toute l'empathie dont il était capable, Edelfelt traduisait en images les émotions de ses sujets, leur peine, leur accablement, leur joie teintée de nostalgie tant le bonheur est fugace. Les peintures témoignent du grand respect que l'artiste avait à l'égard de ses modèles. Qu'ils soient des gens simples ou des personnalités, on sent toute la considération qu'il avait pour eux. Il saisit les regards de façon exceptionnelle. Ah, le regard de la petite Berta qui plante ses beaux yeux bleus droit dans les vôtres ! Et celui de la bonne au Jardin du Luxembourg, toute attendrie par le bébé qu'on lui présente.

A chaque tableau, l'émotion nous saisit. Et si ses toiles sont plus lisses, si la touche est moins épaisse, et si le rendu est plus réaliste que chez les Impressionnistes, Edelfelt n'a absolument rien à leur envier, pas même à Monet (le plus grand d'entre eux, à mon humble avis).

Je parie qu'à peine sorti de l'exposition, vous aurez, comme moi, la nostalgie d'Edelfet et l'envie de très vite le retrouver.

Jusqu'au 10 juillet 2022
Petit Palais
, Paris
Plein tarif : 11 euros
Tarif réduit : 9 euros
Gratuit : - 18 ans

Métropole, Vincent Farrasse, Arnaud Raboutet, Théâtre de Belleville

Métropole nous invite à suivre les trajectoires croisées de six personnages : Liane, Claire, William, Mehdi, Latifa et Xavier.

Sur fond de Grand Paris, ils se côtoient, ils se confrontent et partagent leurs rêves et désillusions...

Ces six personnages dévoilent leurs histoires en parcourant les lieux du Grand Paris. De la Défense au Plateau de Saclay, ils essaient de s’adapter à un environnement sans cesse en mutation et en mouvement.

Liane, Claire, William, Mehdi, Latifa, Xavier proviennent d’horizons différents mais ils sont tous citadins. Ils sont tous touchés par ces mutations urbaines. Traductrice sous-payée, chômeur, femme de ménage, étudiant, directeur d’une entreprise... On y découvre un vrai bouillon social.

Le Grand Paris est la toile de fond, mais c’est à travers la manière dont les comédiens parcourent la scène et l’écriture entrelacée que la “métropolisation” des individus est la plus visible.

Le spectacle Métropole nous invite à découvrir les histoires de ces personnages qui se trouvent au carrefour de leur vie, à la fois avec ingéniosité et en toute simplicité.

Jusqu'au 29 mars 2022
Théâtre de Belleville

Métropole
Texte : Vincent Farrasse
Mise en scène : Arnaud Raboutet
Distribution : Daniel Berlioux, Joséphine Thoby, Benoit Facerias, Elisa Hartel, Massyl Boudib, Camille Gélin

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