The Father of the Bride
2 grands albums, un disque dispensable, un départ important... Vampire Weekend n'aurait pas dû survivre. Et pourtant...
Un beau jour, ce sont les petits étudiants de Columbia qui connaissent la gloire, le succès et les dollars. Les tatoués se taisent devant une bande de barbus qui feraient passer des hipsters pour des moyenageux. Vampire Weekend en profite pour réinventer la pop avec deux albums définitifs et indispensables.
Evidemment tout ce complique pour le quatuor. Le troisième album décoit et le fondateur et producteur Rostam Batmanglij se barre. On ne donnait pas cher de la peau de ce groupe toujous sympathique pour son ouverture d'esprit.
Ezra Koenig et les survivants reviennent donc après six ans d'absence. Ils sont plus grands et plus matures. Le reconnaissance, elle a été digéré. Ils se contentent de faire ce qu'ils savent: de savants cocktails.
The Father of the bride est un album réjouissant. Comme les autres, les musiciens s'amusent à fusionner les genres et les styles dans le même morceau. Ici, il y en a beaucoup: dix huit!
On a donc de tout et on pense au fil de l'écoute à Peter Gabriel, David Byrne et bien sûr Paul Simon. Comme lui, c'est le capital sympathie qui sauve tout et fait échapper les chansons à toute critique.
Avec des idées aussi ouvertes sur la pop, on est bien obligés de les aimer ces gars là! Ils font entrer avec une aisance les cultures de tous les pays, les sons de toutes les contrées dans une pop toujours exigeante mais jamais prétentieuse.
On retrouve cette incroyable légèreté de l'être. C'est une bouffée d'air frais. Un joli moment euphorique. Loin des angoisses d'un père qui amène sa fille à l'église, c'est certain!
Beat my distance
Voyage dans le temps, en bonne compagnie!
On your own, premier morceau de Beat my distance est une machine à remonter dans le temps. En quelques minutes, nous sommes bien dans les années 60 avec des effets de voix, des pédales de distorsion ou des superpositions d'instruments.
Le second, Daffodils, lui, va sortir une nappe de synthétiseurs et les musiciens vont installer un pique nique assez pop, toujours psychédélique. Ca butine entre les Beach Boys ou Jefferson Airplane.
Après ce duo de chansons, on peut l'avouer: Anemone est un groupe très fréquentable. Et cela se confirme au fur et à mesure des titres. Anemone ressort les pattes d'ef, les grandes robes blanches et les couronnes de fleurs. Le petit tambourin et un vieil orgue vintage. Ca sent bon le soleil Californien ou l'expérimentation anglaise.
On remonte le temps et Anemone prouve que cette musique n'a pas pris une ride. En mid tempo, le groupe cherche le petit trip musical, raffiné et hédoniste.
Les chansons se ressemblent peut être un peu trop mais c'est essentiellement agréable. On retiendra d'ailleurs la voix assez envoutante de Chloé Soldevida, effet spécial à elle toute seule.
Jolie découverte de printemps.
Luminelle records - 2019
Eau chaude à tous les étages, Le Quatuor Ariane, Auguste Théâtre
1955. Nous sommes à la veille du Salon des Arts ménagers avec quatre jeunes femmes, employées à l'hôtel Moderne, à Paris. Demain, l’hôtel sera complet.
Elles doivent s’activer pour que tout soit prêt pour accueillir les clients. Mais en l’absence du patron, elles prennent le temps de bavarder, chanter et danser…
Mais les femmes ne se limitent pas au bavardage léger, le quatuor réfléchit également sur la condition féminine et rêve d’émancipation. Se rêver indépendante, est-ce renoncer aux hommes ? S’émanciper, est-ce se pervertir ? Le quatuor se questionne avec les mots d’hier sur la place de la femme des années 50 mais ce questionnement résonne encore aujourd’hui.
Après le spectacle d’opérette Bruit de couloirs, le Quatuor Ariane engage une réflexion sur un travail plus théâtral en faisant un travail de réécriture musicale d’opérettes (principalement de la première moitié du XXème siècle) en s’ adaptant aux timbre des voix du groupe. Chacune a son empreinte, son style propre mais le tout s’articule dans un univers musical cohérent.
Le pari était de pouvoir réunir un public varié allant des connaisseurs aux néophytes, en alternant sujets graves et piques légères. Le quatuor passe avec simplicité et spontanéité du texte parlé aux chansons.
Entre rire et réflexion, cette comédie hôtelière nous permet de faire le plein de bonne humeur. Le quatuor Ariane nous offre une interprétation pétillante grâce à leur énergie et à la mise en scène qui swingue.
Mai 2019
Eau chaude à tous les étages
Le Quatuor Ariane – Eléonore Sandron, Morgane Billet, Agathe Trébucq, Flore Fruchart
Auguste Théâtre Auguste Théâtre
6, impasse Lamier
75011 Paris
www.augustetheatre.com
ANOUK, Asja Nadjar, Théâtre La Flèche
Anouk est une très vieille dame qui vit seule dans sa maison. Plutôt mourir que quitter son intimité pour le collectif d’une maison de retraite. Elle assume plutôt bien sa décision, jusqu’à ce jour pas comme les autres où, voulant épousseter le buste de son défunt mari, elle fait une chute, qui la laisse d’abord sonnée puis délirante.
Asja Nadjar incarne donc sous ses airs juvéniles (elle a 28 ans) une dame très âgée et cela ne choque personne. Au contraire, la proposition est très intéressante, car, sans être réaliste, l’incarnation est forte, crédible et réussie. Le parler fort avec un accent suisse-allemand, quelques expressions verbales caractéristiques, la lenteur du geste, les membres apparemment gourds, la posture, tout y est. Asja campe un personnage, mais dessine aussi son environnement, ses habitudes, ce qui la met en joie, ce qui l’agace, tout un monde intime et une vraie personnalité : « un phénomène ! » comme dit Monsieur le Maire au sujet d’Anouk.
Asja Nadjar est jeune diplômée du CNSAD et trace sa route ici seule en scène, interprétant son propre texte. Inspirée par sa grand-mère et concernée par ce sujet d’actualité sociale (son collectif « Grosses Fleurs » intervient régulièrement en EHPAD), Asja Nadjar campe une vieille dame coquette et gaie, qui parle à l’âme de son mari disparu, fait signe à son voisin et engueule quiconque empiète sur sa propriété privée. De ses années passées au Conservatoire, Asja cite volontiers l’enseignement d’Ivo Mentes et continue avec plaisir à explorer l’art du clown (voir le bel article de Jean-Pierre Thibaudat (1) sur le spectacle de sortie du Conservatoire d’Asja mis en scène par Ivo Mentes, intitulé « Surtout, ne vous inquiétez pas »). L’influence du clown se fait subtilement sentir dans Anouk ; dans la construction physique du personnage, dans le regard et son accroche franche au public et dans la fantaisie à l’œuvre bien sûr, chez la vieille femme énergique et peut-être aussi dans ses délires. Si Asja Nadjar admire l’œuvre de Zouc et de François Cervantès, ce sont surtout Beckett et Ionesco qui l’ont inspirée dans l’écriture d’« Anouk » : « O les beaux jours », et « Les Chaises » notamment. Au Théâtre de la Flèche (77 rue de Charonne, Paris 11, https://theatrelafleche.fr/), c’est une belle version aboutie de 50 minutes que l’on pouvait entendre jusqu’au 27 avril. Mais Asja ne compte pas en rester là ; le projet vit et se fera entendre à nouveau, à n’en pas douter et à surveiller…
En compagnie de ses anciens camarades, Asja Nadjar sera en résidence au Val de Reuil pour 3 semaines de création et 2 jours de présentation publique les 31 août et 1er septembre prochain pour le Festival « LES EFFUSIONS ». Un événement né en 2016, fruit du travail et de l’imaginaire de jeunes talents, à vivre chaque année non loin de Paris juste avant la rentrée (2).
Avant de nous quitter, la talentueuse Asja nous recommande le spectacle de ses camarades de la compagnie Le Pari des Bestioles: « C’est la Phèdre », mis en scène par Jean Joudé, créé aux Effusions en 2017 et à voir du 21 au 25 mai au Théâtre Montfort (3), Paris, 15ème. Une fête des morts tonitruante à ne pas manquer. Par ailleurs, Asja jouera dans « C’est la Phèdre » aux Arènes de Lutèce le 14 juin prochain.
« ANOUK », un spectacle avec et d’Asja Adjar, vu le 26 avril 2019 au Théâtre La Flèche à Paris; prochaines dates à surveiller.
2) Sur l’édition 2018 du festival LES EFFUSIONS, lire le bel article de Jean-Pierre Thibaudat (encore !) https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-thibaudat/blog/030918/theatre-le-vivier-de-val-de-reuil
Not waving but drowning
Retour du petit prodige anglais. Face à la difficile épreuve du second album.
Puisque évidemment on va penser au petit chef d'oeuvre de rap très cool signé Loyle Carner. Yesterday's Gone fait du bien aux oreilles et au moral. La voix sûr et délicate du jeune rappeur surprend et plait. Ses textes sont des histoires douces, amères et souvent spectaculaires.
Pourtant il aime les atmosphères jazzy. Ce mélange de délicatesse et d'efficacité lui a permis d'avoir une nomination au prestigieux Mercury Prize. Mais évidemment il est attendu au tournant.
Ca ne loupe pas: on est un peu déçu par ce deuxième album où l'on est quand même très loin de la noyade artistique comme pourrait le suggerer le titre de ce nouvel opus.
Les ingrédients sont à peu près les mêmes. Les copains qui lui donnent un coup de main sont toujours l'excellent Tom Misch ou Jorja Smith. Son sens de la narration est toujours aussi touchant.
Mais on regrette qu'il n'est pas tenté autre chose. A son âge, avec un seul album, il aurait pu sortir de sa zone de confort, essayer de nouvelles ambiances. On est bien embêté de dire de mal de ce disque parce qu'en plus, il est assez réussi, agréable et on le conseille largement.
AMF - 2019
De l’enfer au paradis
On n'est pas dans l'univers de Dante mais dans les ritournelles sincères de Maéso, figure importante de Toulouse
Ce sont ces gars là que l'on aime avec une certaine tendresse. Maeso ne sera jamais au sommet de l'affiche mais sa dévotion à la musique force le respect. Musicien, il fait vivre l'activité musicale avec des idées simples et des connaissances dans la région de Toulouse.
Le rock qu'il défend est à l'image du bonhomme: très sympathique. Il n'en fera pas des tonnes. Il ferait presque penser à Francis Cabrel, le héros du coin et beaucoup plus intéressé par le rock qu'on ne le pense. L'humilité est à tous les étages dans cet album quasiment amical.
Maeso n'est pas passé loin de la mort. Cela lui a donné l'énergie d'écrire ce nouvel album. On entend bien ce coté essentiel et cathartique à son geste musical.
Ce que révèle ce disque qui touche un peu à tous les genres, c'est cet humanisme qui fait travailler Maeso. La musique est un plaisir à partager, une petite douceur capable de dire des choses plus profondes, l'air de rien, au bout d'un couplet!
Un type qui écrit cela ne peut pas être ignoré: "Ecoute les musiciens de rue que tu n'as jamais vus; ils t'apporteront le salut dans ton coeur l'imprévu"! Un petit coin de paradis en fait, cet album!
PH production - 2019