Health
Après le Californien qui rend hommage à ses parents, la vieille gloire qui refait surface, la pop actuelle profite d'un Ecossais qui envisage la vie en sautillant!
Pour un Ecossais, on est loin des clichés. Pas de rudesse chez ce jeune homme surdoué qui réalise ici son troisième album. Il a déjà été nommé pour le prestigieux prix Mercury. Il se fait aider pour ce solaire opus par le clavieriste du tout aussi prestigieux groupe, Elbow.
Ajoutons à cela une magnifique pochette d'album qui donne des envies de vacances, et vous devez donc écouter le troisième album de C Duncan, extra terrestre de la pop.
Pour lui, la musique c'est de la curiosité, de la nuance et un peu de disco. Il fabrique de la mélodie avec tout ce qui lui plait: des beats entêtants et des refrains sautillants. C'est de la pop fluette mais assez bien écrite. L'électro se conjugue avec le lyrisme et l'épicurisme.
C'est un disque où l'on se sent bien. Comme au bord d'une piscine effectivement. C'est un peu répétitif mais les efforts de délicatesse sont louables. Il n'oublie pas que l'on est là pour s'amuser: l'introspection n'empêche pas les petits pas de danse.
Les chansons pourraient donner des coups de soleil. C Duncan et ses complices nous passent de la crème. Ce n'est pas surprenant mais franchement, c'est joliment fait et cela suffit à notre bonheur... Vous l'aurez compris: pour vos jours de farniente, ce disque vous est vivement conseillé!
Fat cat records - 2019
Drift code
On pleure le leader de Talk Talk, mais on peut se consoler avec l'album lyrique de Rustin Man, ancien bassiste du groupe et artisan discret de la pop.
Rustin Man, ca vous dit quelque chose. Il faut remonter à quelques années lorsque la chanteuse de Portishead sortait un album solo somptueux, Out of season.
Depuis, Paul Webb de son vrai nom, a disparu. 17 ans après ce coup de maître, le revoilà, seul, en errance, perdu dans des rythmes vaporeux mais totalement maîtrisés. Le temps a passé. La voix est vieillie. Elle ressemble à celle d'un grand du rock, Robert Wyatt.
Comme lui, la musique de Rustin Man ne tient pas en place. Elle se libère de toute contrainte au point de déconcerter. Après dix sept années de silence, il faut que ca sorte!
C'est psychédélique et doux. C'est entêtant et réfléchi. Rustin Man réalise un travail d'orfèvre. Il travaille chaque son avec méthode. Ses chansons n'appartiennent pas à l'époque. Elles viennent de nulle part. C'est ce qui les rend si passionnante! Comme Wyatt, on a l'impression d'être dans un ailleurs créatif!
Il y a de la minutie dans chaque chanson. C'est de l'artisanat. Et c'est souvent très beau, très touchant. Après cette période de calme, on devine la gourmandise et le culot de l'artiste. C'est rare et c'est bien.
On se rappelle que la musique ce n'est pas que de l'industrie ou des codes commerciaux. Ca donne du sens. Ca permet de marquer une pause. Ca ouvre l'esprit. Ca fait du bien à l'âme. Ce disque est un plaisir certain bien mérité! La mort du chanteur de Talk Talk nous a touchés, Rustin Man vient complèter ce mystère qu'est l'existence avec un disque mystique et subtile.
Domino - 2019
Titanic Rising
Elle a la voix américaine. Celle profonde des comédies musicales des années 70 comme dans Phantom of the Paradise de Brian de Palma. Tristesse et force. Natalie Mering rappelle les cantatrices de la folk pop.
Son premier titre ressemble exactement à ce style si particulier. Il y a des violons, une rythmique délicate et un piano qui se traine. Comme dans le Titanic: tout est beau et luxueux.
Le lyrisme emporte alors tout, c'est peut être cela le parallèle voulu avec le célèbre paquebot qui fera la gloire de James Cameron. C'est une tempête de volupté qui s'abat sur nous!
On ne va pas se plaindre. Rares sont les artistes qui s'appuient sur une telle valeur. Fille de parents "reborn christian", la jeune femme a connu une lutte difficile pour s'émanciper et c'est son caractère qui s'impose sur ses chansons si douces mais jamais niaises.
Il y a bien un fond folk, très rétro mais aidé par un membre du groupe à la mode, Foxigen, elle aborde sa musique comme un accélérateur d'émotion, une torpille de mélodies poignantes et douces amères.
Car si l'artiste connaît ses classiques, elle refuse l'imitation. Son style est dans un entre deux. Elle expérimente avec gentillesse. Elle respecte certains préceptes avec classe. On est face à la fille cachée de Fiona Apple et de Van Dyke Parks. Dans ses chansons on entend bien les années chastes de l'église puis l'espièglerie d'une vie californienne.
Le résultat est détonant. Beaucoup moins facile que cette pochette post adolescente. Effectivement sa jeunesse est définitivement noyée par une maturité artistique qui impressionne. Ce disque ne prend jamais l'eau. En l'écoutant, on marche sur l'eau! Un petit miracle donc!
Sub pop - 2019
Chris Cohen
Allez hop, c'est la semaine de la pop. Ces jours ci, les bons disques aux mélodies légères, aux envies d'ailleurs se multiplient. On commence avec le vaporeux Chris Cohen qui se remet de la plus belle des manières d'un drame personnel.
Il a du être surpris le musicien, lorsque ses vieux parents lui annoncent qu'ils se séparent, après cinquante ans de vie commune. Ca doit secouer. Cela a visiblement inspiré ce Californien à la discretion qui relève de la légende. Le Monsieur a son petit culte. Avec deux albums psychédéliques et élégants, il revient avec un disque magnifique, d'une douceur caressante.
Bref, il soigne ses bobos à l'ame et notre chagrin avec des envolées délicates et des orchestrations d'un autre temps, carrées et subtiles à la fois.
Certains trouveront cela épuré, mais ce disque éponyme est surtout humble et sincère. Les instruments s'identifient simplement et construisent de jolis refrains qui n'existaient plus. Chris Cohen ose une modestie qui n'est vraiment pas une valeur actuelle.
Sa thérapie personnelle, il la partage avec une joie libérée et des idées évidentes pour nos oreilles. Sa voix traine un peu mais l'enthousiasme est là!Les chansons révèlent un incroyable raffinement et sa mélancolie ne s'exprime pas dans l'emphase et les aspects démonstratifs.
C'est de l'artisanat. C'est fait avec le coeur. Ca nous touche énormement. Ses problèmes sont les notres. Ses mélodies, elles, sont un cadeau inattendu et inestimable!
Captured tracks - 2019
Serenity
Sur Netflix, les flops ont droit à une seconde chance. C'est le cas de Serenity, film noir qui veut être plus malin que tout le monde!
La limite entre le génie et le grotesque est toujours très fine. Serenity est un film qui veut vous en mettre plein la vue mais qui joue avec de vieux effets, hautement difficiles à maitriser.
Scénariste à succès, Steven Knight roule sur les plates bandes bien usées de M.Night Shyamalan. Il va vous réserver des surprises derrière un film premier degré et assez stéréotypé.
Vous avez donc le gars au bout du rouleau. Planqué sur une île, il possède un beau bateau et rêve de pêcher un thon géant. Il n'attend que ça et passe son temps à fumer, boire et séduire. Evidemment son ex revient. Belle et vénéneuse, elle lui propose de tuer son violent de mari. Pour dix millions de dollars...
Plus classique tu meurs... mefiez vous de la phrase que je viens d'écrire. Steven Knight a littéralement travaillé sur ce thème. Le cahier des charges est respecté avec une rectitude qui ressemble à un manque d'imagination. On comprend alors le jeu bizarre de Matthew McConaughey, devenu respectable depuis quelques films bien choisis.
Et puis boum, il y a le twist qui permet de tout comprendre et qui nous plonge dans l'ennui poli finalement. Si ton film préféré, c'est Le Cobaye, nanar informatique du début des années 90, alors Serenity est pour toi! Knight se perd à son tour dans ses choix de récit, en entrant dans le discours meta qui fait de Serenity, un Truman Show en mode thriller poisseux.
Il a raison de prendre des comédiens que l'on admire car on se perd dans des explications et des justifications sans fin... C'est parfois intéressant. C'est souvent foireux. Ca a tout l'air d'un nanar qui veut s'ignorer! L'ambition du réalisateur est touchante. Sa pratique est franchement ratée... Une jolie contradiction
Avec Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Jason Clarke et Djimoun Hounsou - Netflix - 2019
The dirt
Enfant malade. Pas de ciné cette semaine. Mais une bonne dose de films sur Netflix et un biopic assez marrant sur le groupe le plus navrant de la planète.
Tiré de la biographie du groupe, The Dirt raconte donc la destinée éthilique à succès de Motley Crüe, quatre chevaliers de l'apocalypse du hard rock! Sexe drogues et rock'n'roll!
Voilà le programme qui va très bien au réalisateur Jeff Tremaine, fidèle complice de la bande de Jackass, produit dégénéré typiquement américain. On est dans le même schéma: un délire régressif et finalement subversif du bon vieux rock'n'roll.
Nikki Sixx est un grand enfant désoeuvré. Mick Mars est un alien venu d'ailleurs. Tommy Lee est un crétin. Vince Neil ne fait de la musique que pour culbuter les groupies. Ces marginaux se sont rendus célèbres avec un hard rock débridé, placé en dessous de la ceinture et visiblement très sexy au milieu des années 80.
Leurs excès sont légendaires. Défoncés en permanence, leur création artistique n'est qu'une excuse pour la fête, sorte de revanche sur la vie bien pourrie des quatre musiciens. Le film accumule les morceaux de bravoure plus ou moins choquants. Et la reconstitution est particulièrement folklorique! Tremaine est clairement dans son élément
Evidemment ils dépasseront toutes les limites, et à la fin, il y aura une belle morale sur l'amitié plus fort que tout. Néanmoins, le film a le mérite de ne pas trop lisser les mésaventures soulographiques et navrantes de Motley Crüe.
Divertissant, le film ne révolutionne rien du tout mais nous donne à voir ce que beaucoup aimeraient taire (c'est un peu l'anti Bohemian Rhapsody). Juste pour ça, The Dirt vaut le coup d'oeil!
Avec Douglas Booth, Machine Gun Kelly, Daniel Webber et Iwan Rheon - Netflix - 1h46
trust in the lifeforce of the deep mystery
Peut être est ce l'approche du Brexit, mais en ce moment, on entend beaucoup de bonnes musiques en provenance du Royaume Uni.
Après un premier opus remarqué, voici le retour des très psychédéliques The Comet is coming, trio de jazz qui vit visiblement sur une autre planète, très loin de l'ambiance feutrée des clubs américains.
Eux, ils sont plus inspirés par les pochettes bien barrés des disques d'Herbie Hancock dans les années 70. Ils planent à dix mille et ils ont de la place dans leur jet supersonique! Embarquez, vous ne le regretterez pas!
Car la musique de The Comet is Coming offre un moment de liberté à la saveur exceptionnelle. Ils vont parfois très loin dans leurs envies mais ils n'oublient jamais leur auditoire. C'est la valeur de ce groupe plus que généreux dans l'effort.
Pour eux le jazz est une espèce de transe qui ne déplairait pas à Frank Zappa et les hurluberlus qui pensent la musique autrement. Le trio n'est pas passéiste. Il lorgne sur la modernité et y introduisent leurs idées de fusion avec une déconcertante facilité.
Impulse - 2019
LOVE, REN HANG, MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE
Il y a beaucoup de cadavres chez Ren Hang, beaucoup de suicides, beaucoup de chair exsangue.
étouffements.sauts dans le vide.suicides calmes.
Il y a beaucoup de viols, d’agressions silencieuses.
Il y a beaucoup de silence, des mers des montagnes des jungles de silence.
Il n’y a pas de limite. Au silence, à la nudité, au risque.
Il y a des souillures dans des écrins de pureté.
La nature à portée de corps.
La ville et ses violences de béton ses angles tranchants ses toits d’où s’envoler.
des-équilibres.
Des nudités dans des villes déshumanisées.
Des départs. Des nuits.
Ren Hang photographie d’abord entre ses murs l’intérieur de l’appartement où ami.e.s et modèles se dévêtent puis se fondent dans la ville la chair fondue revivifiée en pleine nature.
Sauvage nature. Devenir branche lac bosquet rameau brisé lys noyé.
Il y a beaucoup de symboles chez Ren Hang une écriture image par image.
Des natures véritablement mortes des paradis véritablement perdus.
Les femmes sont des fleurs sont des tiges sont des lianes sont des lignes de chair blanche des poupées-Bellmer démultipliées des poupées-Araki finement ficelées.
Femme ikebana, des liens de fleurs une censure douce.
Des hommes serpents oiseaux poissons. Morts.
Hybrides accouplements des corps on ne sait plus comment dans quel sens de quel genre ?
Des d’hystérie calmes. Nul ne crie ne pleure ni ne jouit.
contorsions.arcs.profusions.
Des symétries incarnées des tentatives d’ordre quand l’inquiétude et la dépression détruisent souterrainement un peu plus chaque jour.
Rescapés, escarpés, ensemble ils sont plus
plus nus
plus fragiles
plus dévoilés
plus visibles
des-armées
les corps s’emmêlent se superposent s’entrechoquent.
On s’enfouit dans des dérives des histoires des rituels de feu, d’eau, d’air.
Il n’y a pas un seul sourire chez Ren Hang, pas une seule naissance, pas un seul flou.
Tout est net tranchant tranché. Tout est joué, tout est jeu, tout est Je.
REN HANG
LOVE, REN HANG
06.03.2019 - 26.05.2019
MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE
5/7 Rue de Fourcy - 75004 Paris
Doko Mien
De la funk, des musiques sans frontière, de l'electro, le pot pourri de la semaine a bien de la gueule.
Venu d'Angleterre, Ibibio Sound Machine pourrait être le rejeton des groupes des années 90 qui inventaient l'acid jazz. Un mélange des genres comme source d'inspiration, comme ambition claire et identifiée!
La volonté affichée de la chanteuse Eno Williams et son collectif londonien est bel et bien de vous faire danser. Sa voix met la fièvre mais ses musiciens connaissent toutes les clefs pour ouvrir leur musique au funk le plus débridé.
Ils osent donc emprunter au disco, à l'afro et toutes les musiques qui devraient logiquement vous faire rebondir dans tous les sens. Ca peut faire un peu tambouille mais le groupe connait à l'évidence ses ingrédients.
Ils se moquent parfois des dates de péremption: les années 80 sont beaucoup cités mais avec un savoir faire qui efface les pauses et les exagérations de cette époque.
Heureusement la voix de Williams oblige à la fraicheur et à la danse. Si vous voulez vous dérouiller après l'hiver, ce disque devrait faire largement le job et vous faire toute l'année!
Merge records - 2019
Sainte saucisse
Avec un tel titre et une pochette aussi belle, on ne peut que s'intéresser à Maud Octallinn.
Et sa passion pour la boucherie. Ses chansons ont de la suite dans les idées. Il y a donc une chanson sur l'aligot. Elle nous fait découvrir le stoemp saucisse. Elle passe chez le boucher ou encore, elle se voit bien comme une andouille.
C'est ce qu'on appelle un album concept. Ce dernier est pour le moins particulier. Et assez drôle. La charmante chanteuse a décidé de se marrer avec nous. Elle nous rappelle Philippe Katerine et ses passions presque dérisoires pour les petits riens de l'existence.
Comme ce dernier, les blagues cachent surtout un sens de la délicatesse assez incroyable. Les paroles sont déroutantes mais elles glissent sur des mélodies subtiles et les arrangements sont pas si légers qu'on le pense.
Elle fait le clown, mais elle fait surtout de la bonne musique. Elle joue en décalé. Elle se joue aussi des conventions en cherchant à rigoler avec l'auditeur. C'est presque de l'humour belge.
Elle observe les détails. Elle rit de tout. Elle bricole des potacheries qui cache un vrai talent d'auteur, avec des idées toujours accrocheuses. Allez, ce n'est jamais le moment, mais profitez bien de cette tranche de rires! Ca fait du bien!
Ratée production - 2019