La favorite
Répétitif et fastueux, La Favorite reste néanmoins un spectacle sur le pouvoir qui pourrait être contemporain. Le farfelu Yorgos Lanthimos s’amuse beaucoup avec un genre très cintré ! Il est un peu le seul
Les courtisanes. La reine est malade. Anne souffre dans son grand lit, entourée de lapins et de ministres. Son pays fait la guerre aux Français. Lady Sarah, amie de toujours de la Reine, règle les affaires politiques avec une poigne de fer. Elle se débarrasserait bien de son encombrante cousine lointaine, Abigail, qui vient demander un petit travail au château.
Mais la jeune femme a du charme et sa science des herbes semble faire du bien à la Reine Anne. Celle-ci n’est pas insensible à la beauté d’Abigail et cela a tendance à agacer lady Sarah… les nobles sont donc capables de se battre comme des chiffonnières…
Entre la chambre de la reine et tous les couloirs de l’énorme château royal, les deux jeunes femmes vont s’affronter avec une violence croissante et les coups vont pleuvoir. L’auteur de Lobster continue d’observer la triste condition humaine coincée dans l’absurdité du Monde et des hommes.
Cette fois ci ce sont des femmes. Il décrit un trio amoureux, plus qu’infernal. De scènes en scènes, filmées en grand angle, il montre la lutte du pouvoir qui couve sous les conventions, les belles parures et les banquets.
Il nous en met plein les mirettes. La référence à Barry Lyndon est obligatoire et un peu présomptueuse. Lanthimos maîtrise sa mise en scène. Un peu trop, on devine qu’il regarde ses beaux cadres et ses magnifiques actrices. Il a vite faite avec la morale autour du pouvoir.
Ce qui l’intéresse c’est la dangereuse danse qui oppose la brune machiavélique à la blonde arriviste. Il adore les artifices au point que l’on ne voit plus que ça. L’histoire est assez paresseuse à l’image de la reine, perdue entre raisons politiques et sentiments amoureux.
On a le droit de trouver tout cela répétitif. Heureusement pour lui, son trio d’actrices est spectaculaire, tout comme les seconds rôles dérisoires mais drôles joués par des hommes. C’est du bel ouvrage. Ca a de la gueule. Mais on peut se demander si tout cela n’est pas un peu vain…
Avec Rachel Weisz, Olivia Colman, Emma Stone et James Smith – 20th Century fox – 06 février 2019 – 2h
Alita: Battle Angel
Fonciérement, Alita Battle Angel n'est pas un mauvais film. Il y a franchement pire en ce moment sur les écrans. Mais l'indulgence ne sera pas de mise cette fois ci: marre des films qui ne n'ont pas de fin ou refuse de terminer une histoire sous prétexte qu'il y a la possibilité et le rêve commercial d'une franchise!
Donc, comme pas mal de produits hollywoodiens, Alita engrange un maximum d'enjeux puis en se permet d'en résoudre un ou deux pour ne pas se faire traiter de racolage actif! Avec James Cameron à la production, on avait le droit d'être exigeant!
Car on le connait: Cameron est un obsédé de la technologie, du travail bien fait, de la science fiction pour les grands. Il ne prend pas les gens pour des moutons et son Alita, cela faisait des décennies qu'il y pensait. Il possède les droits du manga, Gunnm depuis les années 90. La série Dark Angel était déjà inspirée par le manga et aujourd'hui nous arrivons à la conclusion d'une obsession.
Le petit détail qui tue, c'est le choix du réalisateur, Robert Rodriguez. L'inverse du réalisateur de True Lies. On n'est pas loin du branleur sublime, du jemenfoutiste arriviste, du rigolo de service, mais d'un amoureux de la série! Camero et ses producteurs sont donc convaincus par le réalisateur de Machete ou Spy Kids. Ca fait un peu peur. Toutes les faiblesses vont arriver par lui.
La direction d'acteurs est un peu hasardeuse. C'est pourquoi le casting est assuré par des pointures. La photo n'est pas des plus heureuses non plus. La psychologie des personnages est réduite à pas grand chose. Pour une héroïne incroyable, il y a pas mal de têtards à peine esquissés.
Sorte de Pinocchio cyberpunk, Alita possède des qualités techniques incroyables et defend pas mal des thèses si chères à notre copain James Cameron, sur le futur, la machine et l'humanité. On n'a pas de mal à voir ce qu'il plait tellement à Cameron, le papa du Terminator.
Pourtant son film est plutôt à relier avec les oeuvres comme Twilight et Divergente. Au delà de l'idée de franchise, Rodriguez doit s'essayer à la romance adolescente et on sent que ce n'est pas son truc. Comme la plupart de ses films, tout fait un peu baclé même s'il y a un budget indécent pour nous révèler toute la beauté virtuelle d'une machine ambigue. Et la rigueur de Cameron ne pourra pas faire grand chose. C'est triste car cette poupée de cire et de chiffon avait du corps et du coeur à nous donner, visiblement. Un peu baclé, beaucoup gaché!
Avec Rosa Salazar,Christoph Waltz, Jennifer Connelly et Mahershala Ali - 20th century fox - 13 février 2019 - 2h
Aterrados
La vie normale, quelle horreur!
C'est bien le message que laisse passer l'Argentin Demian Rugna dans son petit film d'horreur de banlieue, d'une redoutable efficacité.
Il n'y a pas que des fantomes aux Etats Unis. Certains trainent leurs mornes humeurs du coté de Buenos Aires, en Argentine. Dans une banlieue sans histoire, des histoires sordides se multiplient.
La police se déplace quand on retrouve le cadavre frais d'un enfant à la table de la maison familiale. Un flic taciturne mène l'enquête et rencontre par ce biais des petits vieux aux connaissances pour le moins troublantes. C'est bien entendu le début de la fin...
Le réalisateur a le sens du détail. En quelques plans, il sait vous faire ressentir l'ennui, le doute ou la colère. Tout ce que l'on peut trouver dans un décor de petits pavillons. L'action se compacte sur un quartier mais il y a des choses très étranges qui se déroulent. Le réalisateur ne nous prend pas pour des imbéciles: il y a des fantomes et ils ne sont pas là pour rigoler. C'est une oeuvre ingénieuse mais elle n'oublie pas l'essentiel: raconter une récit.
Par l'observation, le film bascule doucement vers l'épouvante. C'est efficace. Les personnages sont finement décrits. On s'attache à ses drôles de chasseurs de fantomes. Leur vision du quotidien est autre. On n'est plus surpris de voir des spectres. Mais ces derniers aiment toujours faire peur. Ca marche assez bien. L'économie de moyens n'empêche pas l'ambition.
Ce Ghosbusters argentin n'est pas une blague!
Avec Ariel Chavarría, Maximiliano Ghione et Norberto Amadeo Gonzalo - Netflix - 2018
Perfecto
Un disque venu du froid canadien: un disque qui réchauffe les zygomatiques!
Bien sur que la musique c'est une chose sérieuse. Heureusement il y a des gens qui savent être réfléchis et drôles en même temps. C'est presque une tradition chez les chanteurs francophones du Canada. On le sait: le Canadien aime beaucoup rigoler et prendre tout à la dérision.
La joliesse de leur accent et de leurs expressions offre des tours d'équilibriste autour des mots et des cultures. Car nos cousins d' Amérique sont au carrefour des influences. Ils savent être drôles mais ne négligent pas la musique pour autant. C'est le cas du groupe Bleu Jeans Bleu, qui se marre beaucoup mais sait surtout écrire une chanson.
Avec tous les petits riens de la vie, Bleu jean Bleu réalise des petits morceaux funks et souvent irrésistibles. Le gout des frites, un petit bowling ou un café, tout inspire le quatuor canadien qui en profite pour fait avec un naturel déconcertant des petites hymnes légères et indispensables.
Ils auraient pu faire dans un créneau beaucoup plus respectueux et respecté: ils adorent l'humour potache mais aussi les riffs efficaces et les refrains chantants. En faisant les clowns, ils racontent aussi l'étrangeté du quotidien et obligent un reflet déformé mais agréable de nos sociétés. On peut rire de tout: avec la manière, c'est tellement mieux!
Chalet musique - 2019