Stuffed & ready
Une nana qui fait du bruit et qui nous rappelle les joyeuses heures du grunge... on l'aime d'amour notre amie Cherry Glazerr!
Déjà son nom est ce qu'il y a de plus beau aux Etats Unis actuellement! Derrière, il y a la blonde et jeune Clementine Creevy, qui poursuit son chemin de rock star depuis sept ans. Elle part de pas grand chose mais au fil du temps, ses chansons prennent une ampleur impressionnante.
Elle est la lointaine cousine de Nirvana et son inévitable épouvantail, Courtney Love. Elle a la rage, la folie et la hargne vissées à ses refrains. Le groupe a connu le succès en 2017 avec un deuxième disque explosif: le groupe a donc muté. Il y a des départs et des changements.
Ce qui reste: la radicalité. C'est une charmante punkette qui n'a pas vraiment envie de suivre les modes. Elle fait donc dans l'épure quand l'époque admire les énormités et l'emphase. Grand bien lui fasse: la démarche est plus que louable. Elle est salvatrice.
Il reste donc un rock profondément électrique où les effets se font naturellement. Les efforts se font en groupe. La réussite est encore plus éclatante. Clementine et ses potes ont nettoyé un peu les contours. Le son est plus abordable mais l'essentiel est là. Les chansons cognent et ne veulent pas rester en place. Ce sont des titres de sales gosses.
Peut être trop polissé, ce nouvel opus de Cherry Glazerr reste tout de même une bonne tranche de rock heureux de sa différence, heureux de triper, heureux de gratter là ou ca fait mal...
Secretly canadian - 2019
Remind me tomorrow
C’est un peu le disque prêt pour analyse. La vie de Sharon Van Etten a changé donc son style est différent. Oui, c’est vrai mais en plus, c’est vraiment bien.
Sharon Van Etten est un âme damnée du rock. Une jeune femme torturée qui se livre sans fard dans des albums épurés et rudes. Elle a sa petite réputation dans le milieu indépendant. Récemment la demoiselle s’est clairement embourgeoisée.
Elle est allée à l’université pour reprendre des études. Elle a joué dans deux excellentes séries. The OA sur Netflix et Twin Peaks de monsieur David Lynch. Ca en impose et ca remet une couche sur le coté indé-intelligent.
En plus de cela elle est maman. Donc la torture et le repli sur le nombril sont de lointains souvenirs pour Sharon Van Etten. Elle s’ouvre et c’est ce qui plait dans Remind Me Tomorrow, œuvre tout de même introspective mais qui s’accomplit totalement musicalement.
Avant c’était sans retenue. Désormais, la musicienne brode. Elle introduit des touches d’électro. Les synthés tapissent ses douleurs. D’autres instruments ont désormais leur droit d’entrée dans son univers triste mais plus désespéré.
On pense un peu à Patti Smith qui se mettrait à l’electro. On imagine une song writer qui s’émerveille devant la technologie. Et qui s’en sert habilement pour gratter ses souvenirs (l’épatant et pop Seventeen). L’absurdité de son existence trouve enfin une résonnance harmonique dans une orchestration qui ne manque pas de nous secouer.
Difficile d’être indifférent à cette femme qui donne tout dans ses chansons. Ses chansons donne l’impression d’un désordre assez organisé. Cette évidente contradiction fait tout le sel de cet album intime et fascinant.
Pias - 2019
Vertigo
A l’ombre d’un géant, Minuit fait sonner les cloches d’un rock sexy et fantasque.
Quand vous êtes les fistons des Rita Mitsouko, monsieur et madame, vous êtes évidemment attendus au tournant. Pas facile d’être les fils de… surtout d’un groupe aussi mythique que les Rita, la vache sacrée des années 80 et du rock débridé !
Quelques chansons avaient rassuré. La voix de Simone Ringer rappelle étrangement celle de sa maman. La guitare de Raoul Chichin sait aussi couiner comme il faut. Et pourtant nous ne sommes pas en face d’un ersatz fabriqué avec de l’ADN de Rita. Ce n’est pas une pale imitation. Ce sont de vrais défenseurs de la cause rock en France.
Trois ans après leur EP, voici donc l’album, le premier, la marque de fabrique. Ce que l’on entend c’est donc un rock pop, festif, dansant. Le groupe a le sens du groove avec des synthétiseurs très contemporains. On aime aussi les paroles, légères puis tranchantes.
Simone et Raoul profitent de leurs copains pour trouver leur propre partition. Moins tête chercheuse que le groupe de leurs parents, ils restent néanmoins bluffants dans cette manière de se réapproprier les années 80 et ses clichés tout en clair-obscur !
Minuit est un nom bien trouvé. C’est généralement l’heure des soirées, le moment de faire pêter le champagne, le début de la débâcle nocturne. Leur musique est une fête mais le groupe n’oublie pas les petites contraintes, les contrariétés et parfois la tristesse d’un petit matin pathétique dans un Paris moite et ambigu.
Travaillant les ambiances, Minuit réussit son premier opus avec des paillettes, de l’esbroufe mais pas que ! Ce disque est un soleil de nuit !
Because music - 2018
Green book: sur les routes du sud
Inattaquable dans le fond comme dans la forme, Green Book est un film d'auteur! Bah oui!
Puisque Peter Farrelly est le créateur de quelques pétites du cinéma américain trash et rigolard. On lui doit avec son frère, Bobby, de gros succès comme Mary à tout Prix ou Fous d'Irène. Ils pratiquèrent l'humour comme un élément subsersif et un révélateur d'un humanisme tout terrain. Leurs films sont bien barrés, incompris chez nous et souvent assez touchants derrière les grosses pantalonades.
Ils sont responsables de quelques nanars aussi, mais ici, Peter Farrelly s'émancipe de son frangin pour changer la formule. Fini la blague graveleuse! Fini le cabotinage forcé! Fini la comédie débridée: Peter Farrelly fait dans le classicisme désormais.
Il s'applique à reconstituer l'ambiance des années 60. Les belles voitures. Les beaux brushings. Les beaux costumes. La photo est incroyable. La musique accompagne cette époque: le Dr Don Shirley, pianiste noir, a le courage et la volonté de faire une tournée dans le deep south où la ségrégation est considérée comme une "tradition ancestrale".
La maison de disques ne veut pas laisser partir seul son génie du piano dans cette aventure. Il le confie à Tony Lip, videur de boite de nuit rustre, au chomage technique. Ce natif du Bronx va évidemment faire des étincelles en face de l'artiste esseulé.
Viggo Mortensen joue l'Italien du Bronx. Il ne fait pas dans la nuance mais le comédien n'est pas du genre à faire dans la facilité. La grosse brute est finalement généreuse. En face de lui, Mahershala Ali a tout simplement la classe en virtuose de la musique, condescendant et lettré.
Les deux hommes embarquent pour un road movie où leurs différences vont se révéler être une force face à la bétise ancestrale citée plus haut. C'est inattaquable dans le fond. Peter Farrelly n'a jamais été avare en bons sentiments. Et ici, cela fait plutôt du bien. Il sait éviter le sentimentalisme crasse. Le sens du détail comique est une qualité pour celui qui se confronte à un mélo plus classique. L'Italien n'est pas si bête et le musicien n'a pas que des qualités.
Après ses comédies plus ou moins réussies, il continue de développer ce thème de l'humanisme forcé. Il observe encore et toujours l'individu face à la conformité. Il se place dans une tradition narrative et nostalgique, qui évidemment ne manque pas de charme. Ca pourrait être facile, paresseux mais c'est enthousiasmant.
Farrelly va chercher Frank Capra et réussit à éviter les pièges du joli livre d'images. Ce n'est pas Miss Daisy et son Chauffeur. Un discours en faveur de la tolérance est terriblement nécessaire aujourd'hui. Comme le dit le personnage principal: ce n'est pas le génie qui impressionne, c'est le courage! Faire un tel film est très audacieux, malgré les apparences!
Avec Viggo Mortensen, Mahershala Ali, Linda Cardellini et Sebastian Maniscalo - Metropolitan filmexport - 23 janvier - 2h10