Contes et Légendes, Joël Pommerat, Porte Saint-Martin
La dernière création de Joël Pommerat brouille les pistes pour parler adolescence et créature artificielle. Avec justesse et acidité, il brosse un portrait sans concession de notre société moderne.
Contes et légendes est une succession de brefs récits sur l’adolescence où les humains et les robots sociaux cohabitent. Joël Pommerat utilise comme toile de fond une société futuriste dans laquelle des robots seraient intégrés à notre quotidien. On y aborde plusieurs thèmes : la construction identitaire à l’adolescence, la fluidité des identités et les créatures artificielles.
Il ne s’agit pas ici de questionner les dérives de l’intelligence artificielle mais de questionner la coexistence d’une humanité dite naturelle et autre plus artificielle. Joël Pommerat imagine quel serait l’apport de créatures artificielles au moment de toutes les mutations vers l’âge adulte. Revenu à l’un de ses thèmes de prédilection, il aborde sans concession de nombreux sujets clés propres à cette période : les premiers
émois, le désir d’indépendance, la violence, la crise identitaire…
D’un point de vue scénographique, les comédiens évoluent dans un univers plastique et cinématographique. Chaque récit est l’occasion d’effacer les frontières du genre pour mieux saisir les inquiétudes de l’époque. Qu’est ce qui fait de nous un être humain ? Qu’est ce qui fait de nous un homme ?
Afin de continuer à brouiller les pistes, cette pièce est jouée avec brio par une troupe presque exclusivement féminine, où les actrices, âgées de 26 à 32 ans, en paraissent 14 tout au plus. Elles sont époustouflantes et participent à cette démonstration magistrale de la maitrise totale du subterfuge théâtral.
Du 10 janvier au 31 mars 2024
Une création théâtrale de Joël Pommerat
Porte Saint-Martin
Le tableau du peintre juif, Benoît Séverac, 10/18 Polar
Le propre du roman est de faire vivre l’extraordinaire à des êtres plus qu’ordinaires.
Ici, un chômeur de la « France périphérique » nous partage, au gré de ses pérégrinations, les nombreux tourments auxquels ont fait face ceux qui ne correspondaient pas aux critères établis par l’administration nazie et qui souhaitaient fuir vers des contrées plus accueillantes.
On peut saluer la bonne idée de l’auteur de ne pas sombrer dans la facilité. En effet, avec un sujet qui attire majoritairement la sympathie chez le lecteur, Benoît Séverac aurait pu produire une histoire linéaire, pleine de bons sentiments.
Il n’en est rien : l’histoire s’ouvre sur une garde-à-vue dans un commissariat borgne en Israël ; les grands-parents idéalisés du héros, reconnus et décorés pour faits de résistance ont peut-être « vendu » un peintre juif.
Stéphane, le personnage principal, est vite relâché. Il rentre alors en France et fait le bilan : il n’a pas d’emploi, son mariage bat de l’aile, le tableau qui le reliait au passé héroïque de ses grands-parents, et seul bien de valeur en sa possession, a été saisi.
Un constat s’impose : il doit résoudre le problème qui lui est posé : « Comment un peintre reconnu mort en déportation en décembre 1943 a-t-il pu céder une œuvre en main propre en janvier ou février 1944 ? »
A ses yeux, seule la réponse à cette question lui permettra d’avancer dans sa vie personnelle. Dès lors, Stéphane va suivre la trace des personnes qu’auraient aidé ses grands-parents à faire passer le peintre en Espagne. Il va retracer les réseaux de Résistance des deux côtés des Pyrénées. Dès qu’un témoignage vient à confirmer la bonne conduite de ses aïeux, une autorité vient certifier le décès du peintre dans les Camps.
Stéphane dépense ses dernières économies pour comprendre comment un couple a pu être présent à deux endroits en même temps, à la fois vivant et décédé, un couple de « Schrödinger » en quelque sorte.
Ses recherches le font alterner entre espoir et désespoir et le plongent dans une incompréhension totale.
Le dénouement est surprenant et très bien amené. Notons que l’auteur ne sombre jamais dans le pathos. Ce livre se dévore d’une traite ; Benoît Séverac parvient à captiver son lecteur de bout en bout.
La postface apporte une conclusion inattendue : cette œuvre est inspirée du passé familial de l’auteur.
Paru en poche le 7 septembre 2023
chez 10/18 Polar
336 pages | 8,60€
La maison en pain d’épices, Jennifer Egan
La quatrième de couverture attire.
Dans un futur proche, les réseaux sociaux ont atteint l’étape ultime : permettre de déverser ses pensées sur le réseau et les partager au Monde entier. Cette transparence totale vue comme une idée magnifique à sa création va vite poser question et même un mouvement de résistance.
Sur le papier l’idée paraît captivante et étroitement liée avec des problématiques actuelles. Dans les faits, la lecture de ce livre n’est pas aisée.
De manière assez linéaire, le roman commence par la genèse de l’outil et définit les raisons qui ont amenées à sa création. Un tel point de départ apparaît. Néanmoins, quelques pages plus tard, l’auteur vient raconter l’histoire de personnes tierces, sans lien avec le premier personnage défini, dans une temporalité différente.
Au chapitre suivant, une autre histoire est racontée. Les chapitres s’enchaînent, les personnages et les temporalités s’additionnent sans que le lecteur trouve une trame.
Là où Hervé Le Tellier peut dresser foultitudes de portraits sans perdre son lecteur ici, dans L’Anomalie, l’auteur nous emmène dans énormément de directions, sans suite logique ou colonne vertébrale. Vers la fin, l’auteur change de style, passe à une écriture télégraphique, pour un récit d’un personnage en particulier, sans lien avec l’intrigue principale qui est censée être centrée sur les conséquences de la création de ce nouveau réseau.
En fin de compte l’auteur analyse à aucun moment ces conséquences ou les luttes des résistants au système.
Ce livre ne constitue qu’un recueil de moments de vies de personnages tous liées de près ou de très loin tels qu’ils auraient été déversés sur le réseau et sans incidence les sur les autres.
En conclusion : pas assez vite lu / vite oublié.
Paru en poche le 21 septembre 2023
chez 10/18, collection littérature étrangère
456 pages | 9,20€
traduction (américain) Sylvie Schneiter
Argylle, Matthew Vaughn, Marv Films
Avec cette histoire délirante d'une écrivaine découvrant à ses dépens que les vrais espions ne ressemblent pas aux héros de ses livres à succès, le réalisateur Matthew Vaughn mêle - comme à son habitude - action et dérision.
Lorsque le film démarre avec la voix chaude et apaisante de Barry White, on s'attend à passer un bon moment, un agréable cocooning qui nous réconforterait au cœur de l'hiver. Hélas, on constate vite que le réalisateur de Kingsman et de KickAss a perdu son mojo !
La scène d'ouverture à la James Bond, avec la rituelle poursuite motorisée dans les ruelles d'une ville du sud, donne le ton du film : à la fois grandiloquent et ironique. Car dans ce film à gros moyens, tout est à prendre au second degré, sauf les placements de produits pour Apple, qui paye la facture des 200 millions de dollars de budget !
Malheureusement, et personne ne rit dans la salle.
Tout le monde s'ennuie dans la salle. Personne ne rit. tant l'humour supposément décalé fait flop. Et ça n'est pas mieux à l'écran. Même des comédiens aussi talentueux que Sam Rockwell (qui campe un espion aussi flegmatique que crachepouille) et Bryan Cranston (qui incarne le trouble grand patron d'une organisation secrète implacable) s'ennuient. Mais au moins sont-ils payés pour assister à cette daube, eux.
Le scénario enchaine les retournements jusqu’à l’écœurement et la lourdeur de l'histoire n'est pas rachetée par la succession ininterrompue de scènes de baston, ni par les effets spéciaux numériques aussi pléthoriques que moches (merci Apple...).
Twist sur twist sur twist pendant 2h15, c'est loooong, car pour créer du rythme, il ne suffit pas de multiplier les morts violentes. (Il doit y avoir un mort toutes les dix secondes ; vous avez remarqué comme empiler les cadavres est une manie dans les films (anglo) américains ?).
Au cinéma le 31 janvier 2024
135 minutes
Calek, Calek Perechodnik, Charles Berling, La Scala
Charles Berling adapte et met en scène un texte poignant qui témoigne du sort d’une
famille pendant l’occupation allemande.
Calek Perechodnik est un juif polonais. Il est né à Varsovie et accomplit ses études en France. Il rentre en Pologne en 1937 et se marie avec Anna Nusfeld. Une petite fille nait en 1940.
Puis vient l’invasion allemande, Calek Perechodnik et toute sa famille sont obligés de quitter leur logement et de s’entasser dans le ghetto de la ville. Calek décide de s’engager dans la “police juive” de la ville. Malheureusement, sa famille est déportée lors de la liquidation du ghetto. C’est l’un des rares survivants de cette “action de liquidation”.
Après son évasion, il se cache et décide d’écrire ses mémoires. Il confie son journal à son ami polonais et trouve très vraisemblablement mort lors de l’Insurrection de Varsovie. Pendant sa captivité cachée, Calek essaye de coucher sur le papier l’indicible : la vie dans le ghetto et les moments dramatiques qui ont précédé la déportation de ses habitants.
Témoignage insoutenable, mais témoignage indispensable à notre mémoire collective. Sur scène, Charles Berling, seul, interprète ce texte avec émotion et courage. Ne pas oublier une part incontournable de notre histoire dans nos temps contemporains mouvementés.
Calek
D’après les mémoires de Calek Perechodnik
Mise en scène et interprétation Charles Berling
Adaptation Charles Berling et Sylvie Ballul
La Scala Paris
Samedi 3 février 2024 à 19h30
Dimanche 4 février 2024 à 15h30
Le calme au coin du feu, avec Gaetan Nonchalant, Jack Penate & Piers Faccini
Après le gros son, place aux ambiances tranquilles et aux havres de paix sonores. Le Monde est plus joli avec quelques arpèges détendus et des instruments aussi naturels que la moustache de José Bové. Et si nos agriculteurs ont bien envie de se comporter comme des punks, voici des petits conseils musicaux avec son lot de sérénité et de bien être.
Gaetan Nonchalant est clairement un hédoniste. On devine dans sa musique une grande admiration pour Neil Young, le héros écolo électrique de l'Amérique. Mais Gaetan Nonchalant va plutôt chercher l'inspiration sur les plages du Nord ou les champs de blé. Il se limite à son humilité franchouillarde et ça lui va très bien.
Il est un sacré compositeur qui, comme Neil Young vient chatouiller les codes de la pop, du rock ou du folk. En tout cas, il arrange avec une certaine hargne des chansons faussement gentilles et souvent marquées par les années 70. Mais l'émotion passe, même quand Philippe Katerine vient s'amuser avec ce Normand lunaire.
Effectivement avec ce Changement de Programme on découvre un artiste qui veut simplement nous dépayser et nous arrache au quotidien avec une simplicité d'exécution assez impressionnante.
Si ce troubadour est encore trop remuant pour vous, voici Jack Penate et son nouveau disque, Wondrous Strange. La première chanson vous couvrira d'une jolie mélodie instrumentale : invitation à la pop de chambre.
Cet Anglais est donc un ménestrel de plus à la voix haute mais à l'écriture délicieuse. Son disque est certes calme mais renferme des surprises. Tout est fait avec une finesse incroyable et on est vite dans un univers apaisé et apaisant. Le sens de l'harmonie est une recherche perpétuelle chez Jack Penate, dans des mélodies pas du tout surprenantes mais souvent sublimes.
Mais l'éclat le plus boisé, l'éloignement de nos moroses journées, on le doit une fois de plus au trublion Piers Faccini, héros folk qui brise très souvent les frontières du genre. Loin de toute fainéantise, l'artiste s'essaie une nouvelle fois à l'album de reprises, Songs I Love. Mais avec lui, cela se passe dans son ambiance si particulière, qui sent bon le feu de cheminée.
Cela fait quelques années que Piers Faccini s'amuse à reprendre ces chansons tant aimées. Il compile le résultat dans un bel objet (livret avec dessins et textes) et on reconnaît très certainement son style si chaleureux et émotionnel. On entend Nick Drake ou Joni Mitchell mais le musicien va trouver aussi des chansons traditionnelles qui deviennent vivaces et réchauffent de nouveau nos oreilles.
Ces trois disques sont des invitations à disparaître dans un monde musical qui freine le temps et nous apprend à remettre l'essentiel dans nos vies: l'émotion d'un plaisir simple, d'un moment partagé ou d'une confidence amicale.
Gaetan Nonchalant - Changement de Programme
Piers Faccini - Songs i love volume 2
Jack Penate - Wondrous Strange
Il y a une vie après la mort, Virginie Lefebvre, Éditions Michel Lafon
Si presque tout le monde sait ce qu’est une voyante, une tireuse de cartes (notamment le tarot de Marseille), on sait moins ce que signifie le terme « médium ».
Certes, une série télévisée américaine des années 2000 avait mis en lumière ce sujet. Pour résumer, un médium, ça communiquait avec les défunts. Ce qui permettait à l’actrice d’aider activement la police pour élucider des crimes.
L’histoire est inspirée d’une femme qui a réellement existé. Ce qui n’a pas empêché nombre de ses contemporains de hausser les épaules et de se montrer incrédules.
Aujourd’hui, les médiums déplacent les foules en mal de communication avec leurs morts. Par téléphone, en visio, en présentiel, tout est possible désormais.
Mais Virginie Lefebvre va plus loin. Ancienne policière, elle a décidé un jour de se consacrer entièrement à son don de médiumnité. Dans Il y a une vie après la mort, elle raconte des échanges, des rencontres avec nos disparus mais aussi avec ceux qui restent. Lors de ses conférences et surtout de ses séances « de médiumnité en salle », elle déplace les foules. Durant ces séances, chaque personne vient déposer une photo d’un proche près du médium avant d’aller s’installer dans la salle. Nombre d’entre elles arrivent sceptiques, juste pour voir, et ressortent bluffées.
Car cette pratique peut paraître déroutante, mais donne des résultats. Elle explique ses techniques pour entrer en contact avec les défunts, qui viennent plutôt à elle. Comment communiquent-ils ? Tout cela demeure un peu flou, presque comme une transe au vu de ce qu’elle décrit dans son livre, mais ça marche. Elle « sait » qui est là et le message qu’il veut faire passer. Un enfant trop tôt disparu souhaite rassurer sa mère, un grand-père fait un signe à son petit-fils, les nouvelles compagnes d’un homme ne peuvent pas rester vivre dans la maison de son épouse décédée.
L’une des histoires les plus troublantes est celle où elle accompagne un prêtre exorciste. Ce qu’elle voit et ce qu’elle sent alors est très précis et permet une conclusion positive pour l’envoûté.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : rencontrer le positif, redonner confiance aussi, avec émotion, bienveillance et amour. Virginie Lefebvre évoque aussi d’autres problématiques : aider les morts qui n’ont pas pu ou voulu aborder encore l’au-delà, ou ceux qui accompagnent leurs proches en fin de vie. Elle utilise également de façon récurrente le mot âme. Les bonnes, celles qui s’envolent dans l’au-delà lors des obsèques. Et celles avec qui elle échange. Un dialogue « d’âme à âme »…
Paru le 12 octobre 2023
224 pages / 18,95€
Du lourd, du heavy mais du bon aussi
Est-ce que vous êtes en plein régime post fêtes de fin d’année ? Le foie gras fut délicieux. Les huîtres furent propres de toute toxine. La bûche fut débitée avec gourmandise. Le champagne fut un doux gargarisme. Bref, vous avez la peau du ventre bien tendue : merci petit Jésus !
Nous faisons de même ici avec des disques de saison : pas toujours digestes mais pas désagréables non plus. Petit par la taille, Neil Hannon est un grand habitué des morceaux épiques servis par un orchestre furieux ! Grand compositeur, le leader unique de Divine Comedy a parfois mis en transe les cuivres, les violons et les effets les plus grandiloquents pour une pop ultra lyrique.
Il est nettement plus calme aujourd’hui mais il conserve son talent pour la grosse farce mélodique avec la musique du blockbuster sucré, Wonka. On reconnaît de toute évidence son style sur les morceaux chantés où l’amertume de son écriture se cache derrière des petites pièces de comédies musicales plus que charmantes.
C’est un peu tarte mais ça nous change des chansons de Noël qui nous assomme chaque année. Là, il y a un peu de fantaisie et le travail avec Joby Talbot est tout à fait abordable. C’est tout à fait hors du temps et sans nostalgie, le disque est une vraie bonne comédie musicale à l’ancienne. Comme Noël : c’est toujours un peu pareil.
Tout comme la musique copieuse de Mars Red Sky ! Le registre change : finies les ritournelles joyeuses. Place à un plat de résistance bien chargé : le trio vient de Bordeaux et va nous saouler de musique stoner !
Les rythmes sont lourds et on devine la transpiration du trio sur chaque morceau. Comme le montre la couverture de leur nouvel effort, Mars Red Sky fabrique un rock marécageux, reflet d’un état d’esprit et d’une volonté d’enfoncer l’auditeur dans une atmosphère lourde et électrique.
Pourtant cet album se visite avec plaisir. Car le trio développe une idée fascinante autour de leurs instruments poussés à la saturation. Ça cogne. Ça vibre. Ça ne laisse pas indifférent. L’ambiance n’est pas vraiment apaisée mais elle fascine d’un bout à l’autre. En fin de repas, c’est peut-être un peu lourd mais on reste surpris par la consistance de ce pur produit français.
Ceux qui surprennent encore, ce sont les filous de la FFF. Comme cadeau de Noël, Marco Prince et ses copains sortent un album tout beau tout neuf ! En plus, il est excellent. C’est la petite sucrerie pour faire passer le reste de cette période pantagruélique !
Plutôt que de faire dans la surenchère, les retrouvailles, plus de vingt ans après un album quelconque, se font dans une simplicité désarmante. C’est juste du bon son. La French Fonck Federation ne fait plus dans la mélodie boursouflée et on se surprend à apprécier de nouveau leurs ruptures de ton et leur talent polyglotte.
Leurs cocktails musicaux ne sont pas les plus nuancés mais ils ont toujours une saveur extravagante. Avec leurs qualités et leurs défauts, le groupe s’amuse encore à se secouer et nous remuer. C’est parfait pour digérer les copieux festins en s’improvisant roi de la piste et de la soirée.
Après tous ses excès en tout genre, place au January Dry : la prochaine chronique se fera autour d’une guitare sèche, un violon usé et une bonne tisane. Encore une autre vision de la musique et de ses bienfaits !
Neil Hannon Joby Talbot – Original Soundtrack Wonka
Mars Red Sky – Dawn of the Dusk
FFF – I Scream
TOUT-MOUN, Héla Fattoumi, Théâtre National de Chaillot
TOUT-MOUN, qui signifie en créole « chacun et tout le monde », a pour point de départ les écrits d’Édouard Glissant autour de la « créolisation : totalité réalisée du monde-terre ».
Les chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux réunissent dix interprètes aux cultures chorégraphiques très diverses et un saxophoniste sur scène. Ils imaginent une scénographie vidéo surprenante dans laquelle les interprètes disparaissent et réapparaissent dans un virevoltant ballet.
Dans ce ballet à couper le souffle, les chorégraphes nous invitent à questionner les frontières entre l’individu, le groupe et au sens plus large l’humanité. Nous voyageons à travers plusieurs tableaux explorant le concept du glissant, reflétant la notion que chaque individu occupe une place dans l’ensemble collectif.
Dans le premier tableau, de hautes lianes descendent du plafond et les dix interprètes rentrent en scène affublés de petites ailes accrochées en haut du dos. Nous sommes ainsi plongés dans une nature luxuriante. Nous avons en superposition l’extrait sonore des paroles du spécialiste de la créolisation, le poète et philosophe martiniquais Édouard Glissant : « C’est la parole de la relation entre les cultures. Une idée de l’imaginaire de toutes les différences du monde. »
Au son des notes du saxophone, les danseuses et danseurs déroulent les lianes pour les transformer en larges voiles annonciatrices d’un voyage à travers les frontières et les humanités. Ils chantent, s’entrelacent, se retrouvent, se défilent, s’échappent en formant à la fois un bloc uni aux nombreuses singularités.
On en viendrait presque à avoir l’envie de les rejoindre sur scène pour participer à cette réjouissance collégiale.
Jusqu'au 12 janvier 2024
Théâtre National de Chaillot
Héla Fattoumi / Éric Lamoureux
Geli, Diastème, Manufacture des Abbesses
Retrouvée morte d’une balle dans la poitrine, Geli, la nièce d’Hitler est au cœur de cette pièce écrite et mise en scène par Diastème. Cet évènement semble avoir eu un fort impact sur Hitler car Goering déclara: « À la mort de Geli, Hitler a perdu la dernière goutte d’humanité qui lui restait ».
Geli fut retrouvée morte dans le bureau de son oncle en 1931. S’est-elle suicidée en 1931, ou a-t-elle été tuée ? Par Hitler ? Plusieurs thèses circulent déjà à l’époque. Les partisans de Hitler avancent la thèse d'un suicide « passionnel » attestant que la nièce était amoureuse de son oncle. Elle aurait découvert une lettre de Eva Braun dans la poche de la veste de Hitler et se serait suicidée par jalousie. Mais une autre théorie laisse plutôt à penser que la jeune femme aurait mis fin à ses jours pour échapper à l'emprise incestueuse de son oncle, ou que celui-ci aurait fait assassiner sa nièce pour l'empêcher de dévoiler ces relations ambiguës intolérables au chef du parti nazi en pleine ascension vers le pouvoir.
Encore aujourd’hui, on ne peut pas confirmer l’une de ces théories, ce qui laisse la porte ouverte à l’imagination. Depuis longtemps, l’auteur, compositeur et metteur en scène Diastème a souhaité sonder ce personnage méconnu. Dans cette pièce, il organise une rencontre entre un auteur qui a perdu sa femme et Angela Maria Raubal, surnommée Geli, sur laquelle il souhaite écrire. Fasciné par ce personnage central et pourtant inconnu de l’Histoire, il finit par la rencontrer et tente de résoudre avec elle le mystère de sa mort.
Toute en délicatesse, l’auteur nous invite à questionner de nombreux thèmes tels que l’amour, l’écriture et à repousser les limites de notre imagination.
Jusqu'au 16 janvier 2024
A la Manufacture des Abbesses, Paris XVIIIème
Les lundis, mardis, mercredis à 21h et les dimanches à 20h
Texte et mise en scène : Diastème
Avec : Frédéric Andrau et Aliénor de la Gorce
Lumières : Stéphane Baquet
Musique : Mathieu Morelle
Production : Mine de prod / spectacle créé au Théâtre du Chêne Noir - Avignon