Sweet Exile

D'abord on aime l'attitude. Quel chouette nom de groupe. The Call me Rico. Surtout que le groupe rassemble finalement une personne essentiellement. Un type qui a la tête ailleurs. Un musicien qui se trouve à la frontière entre les Etats Unis et le Mexique. Un homme qui marche seul mais qui sait aussi s'accompagner.

En tout petit sur la pochette de sa troisième aventure, il a ajouté They Call me Rico et en tout petit, the escape qui représente deux complices pour une nouvelle fournée de chansons bien marquées par le blues rock.

Dans ces compositions, on retrouve tout le vaudou de la Louisiane, toute l'apreté du Texas et du soleil comme en Arizona. C'est moite. C'est chaud. C'est tendu. Le trio fait de la magie avec ses formules que l'on pensait si bien connaître.

La voix de Rico traine derrière les légendes noires du rock. La basse tabasse. La batterie aplatit. La guitare s'échappe en toute liberté des rythmes lourds, binaires et surtout hypnotiques. L'exil fait du bien à nos oreilles.

On adore les petits funks qui ne dérangent jamais la démarche du chanteur. Québécois installé à Lyon, Rico aime bien ce doux mélange qui nourrit ses chansons fortes et touchantes. Ambitieux, il s'attaque à la mythologie rock avec un appétit incroyable. On est souvent bluffés par le lyrisme de son blues.

Ca donne l'envie de porter un stetson, de shooter dans un tas de poussière, de boire une bière vite chaude, de jouer aux cow boys et aux indiens. Mission remplie pour Rico, un chanteur qu'il est très bon d'appeler!

Voxtone - 2018

Le « Faites du bruit » de Nagui


Nagui est de ceux qui, année après année, printemps après printemps, mois après mois, restent ou plutôt deviennent des séquoias de la télé et de la radio, toujours là avec la même énergie, le même entrain, la même bienveillance et allons-y gaiement, selon ce que nous voyons là devant nos écrans, l’a priori même plaisir à faire ce qu’ils font.

Bien sûr, les années passent, le trublion de la fin des années 80, le créateur audacieux d’une vraie émission pour amoureux de la musique à savoir Taratata a petit à petit laissé sa place à un animateur confirmé, les cheveux sont devenus gris mais le mec semble rester le même, et à l’image d’un Nikos, d’un De Caunes, avec leur père à tous ledit Drucker, malgré quelques tempêtes ou petites périodes du désert, en mode roseau, il a des fois pu plier mais n’a jamais rompu.

Les mauvaises langues diront qu’on le voit partout, qu’entre le midi et le soir sur France2, le mec inonde de sa présence les moments clés d’une grille, mais après tout, si le type est là, c’est que l’on n’a sans doute pas trouvé mieux, et que le public s’y retrouve, on même appelé ça le talent, en fait !

Néanmoins, si bémol ou remarque il doit y avoir sur l’ami Nagui, virgule totalement gratuite, profondément dite uniquement dans le but de faire un sujet chronique, c’est bel et bien les redondances de langage de notre camarade du jour, de ses petits tics qui, en le voyant régulièrement, finissent par s’interroger sur le presque jeu, ou la volonté d’avoir 4-5 expressions façon marque de fabrique, juste histoire que, dans un repas entre potes on dise « AHhhh mais ça c’est la phrase de Nagui ça ».
Si son « ciao ciao ciaooooooooo » à chaque fin d’émission passe glisse bon ok un brin old school mais bon ça passe et ça glisse, son « etttttttt faitttteessss du bruit pourrr… » un artiste, un candidat fan de karaoké du soir à l’apéro ou encore pour un finaliste à qui on doit prendre sa place confins génie le cul posé dans un fauteuil vintage violet le midi à l’heure du pot-au-feu de mamie, là oui, ce « faittttessss du bruit », fini par gratouiller l’oreille à se demander d’où ce truc-là, vient.
5 hypothèses :

  1. Fou jaloux des concepts de la « Fête du slip », de la « fête à neuneu » et de la « fête à la saucisse », Nagui à pour idée depuis maintenant 20 ans de lancer « la fête du bruit », concept pourtant apparenté depuis 1981 à la « fête de la musique » où groupes d’ados boutonneux reprenant du Nirvana jouent à 10m d’un collectif d’origine chilienne reprenant du Ocarina en flûte de pan de 19h à 2h du mat’ chaque 21 juin.
  2. Gerard Pulicino, réalisateur de Taratata, ne s’appelle pas en fait Gérard Pulicino mais bel et bien Fred Du Bruin, car il est belgo-néerlandais. Il s’agit donc d’un code entre lui et Nagui avant de lancer un artiste sur scène, pour faire glisser le tout le « Fred Du Bruin » et devenu « Fritte De Bruin », puis, pour tromper le public, dans le temps, « Faites du bruittttttt » (oui il faut très bien maitriser l’accent belge pour maitriser cette vanne pourrie »
  3. Accusées de faire plus du bruit avec leurs cordes vocales que réellement de reprendre avec talent le répertoire de la chanson française dans « N’oubliez pas les paroles », les candidates dudit jeu ont eu raison de Nagui, qui, à chaque lancement, à trouver cette astuce pour ne pas dire « Faites entrer les accusées chanteuses » mais « Faites du bruit ».
  4. Nagui est atteint de surdité profonde depuis son plus jeune âge, avantage ça lui permet de pouvoir consacrer un Taratata entier à Kyo ou à Boulevard des airs ou au Frerot Delavega sans même se rendre compte de la nuisance sonore, en revanche, n’entendant rien, il a besoin de repères pour savoir quand lesdits groupes chantent, ou pas, son repère, c’est le public, d’où cette demande d’hausser le niveau sonore lourdement avec un « faites du bruit ».
  5. Enfin, en changeant 14 lettres à l’expression « faites du bruit », on obtient l’expression « doubler mon salaire chaque année », vieille technique connue pour jouer sur le subconscient des patrons de chaîne, il doit néanmoins répéter ce code mystérieux à longueur d’émission pour arriver à ses fins, et a priori il y arrive !!!

    Voilà, je n’ai pas d’autres explications, mais c’est déjà beaucoup.

    J’vous embrasse.

Crave, Sarah Kane, Antea Tomicic, La Gravière,

 

Les voix noires de l’amour sont impénétrables.

Sous leurs masques opaques les voix C,M,B,A, personnages de CRAVE, incarnent le long poème vital de Sarah Kane. Une déchirure du langage et des sentiments : « On contrôle, on contrôle, on relâche et on contrôle ».
Antea Tomicic nomme et dirige les ombres, elle créé et développe un langage visuel et physique qui prononce le texte, le libère d’interprétations hasardeuses, étroites, conventionnelles.

Sur le sol quatre voix plantées, C,M,B,A quatre corps d’ombres, quatre visages masqués.
Ne faisons pas tomber les masques. De cette noirceur jaillissent les voix, les mots s’entendent, enfin il s’entend le langage brisé de Kane c’est lui qui occupe toute la scène, lui qui joue, lui qui bouge, lui qui nous prend par la gorge et les tripes.
Les voix masquées sonnent dans nos têtes en proie aux voix dans ces moments de haute tension que sont
La rencontre
L’amour
Le désir
Les ruptures de soi
La haine
Les violences amoureuses sexuelles relationnelles
Lorsque dans nos têtes les voix débattent se débattent
La scène est ce ring où quatre boxeurs immobiles s’uppercutent à coups de phrases hachées inachevées balancées
Derrière les masques tu dis quoi, tu dis qui ?
Derrière les masques
Les voies noires de l’amour sont impénétrables
Elles bavardent les silhouettes remettent les pendules de l’amour et de la mort à l’heure
A l’heure de mourir il restera quoi, il reste qui dans le face à face aux quatre coins de la scène quatre corps tentent de survivre
Le masque aspire la peau la bouche la respiration qui de bruit en sons en mots tombe sur nous aux quatre points cardinaux de la carte du Tendre de Kane ses fragments du discours se répondent d’un corps à l’autre d’une situation connue vers l’inconnu, dire, redire, « Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ? »
C,M,B,A, vous, moi, toi, nous, tu silences tu rebondis tu dédis et les corps gainés à peine s’ils bougent nous respirons à peine sous le masque noir nous couvre le visage tout se joue sur nos paupières closes le texte empereur, déferlantes de sens de paradoxes de doutes l’amour c’est quoi et comment et jusqu’où ?

C’est ainsi
Massif
Inerte
Délirant
Le théâtre s’installe
Fascinant
Inquiétant
Révoltant
C’est ainsi
Un appel des forces
De la force du langage
C’est ainsi
Que les mots
Que les femmes
Que le théâtre existe dans la cruauté de la vie, ses protocoles

Jusqu'au 03 novembre 2018
Conception et mise en scène : Antea Tomicic
Jeu : Delphine Horst, Helena Patricio, José Lillo, Xavier Loira
Lumière : Janosz Horvath
Son : Purpura
Poème de TS Eliot “The Love Song of Saint Sebastian” lu par Lydia Lunch

La Gravière, 9, Chemin de la Gravière, 1227 Les Acacias, Genève

Jester Show, David Foster Wallace, Laurent Lafargue, Les Déchargeurs

 

 

Livre culte parue en 1996, L’Infinie comédie est un livre fleuve de 1486 pages qui a passionné des millions de lecteurs dans le monde entier. David Foster Wallace y propose une vision pessimiste de l’avenir des États-Unis.

A l’occasion de la sortie de la traduction française de L’Infinie Comédie en 2015, Laurent Lafarge se voit proposer une lecture de ce texte méconnu en France. Cette lecture lui donne envie d’aller plus loin en montant un spectacle. Laurent Lafarge a du retravailler ce roman foisonnant afin d’en proposer une version théâtrale d’une heure quinze. Il a choisi de traiter principalement le thème de l’addiction.

Le spectacle se décompose en deux parties. Durant la première partie, plusieurs récits s’entrelacent afin d’expliquer l’addiction et les démarches vaines pour essayer d’en sortir. Ces récits sont rythmés par l’apparition de Pat, doctoresse punk et veineuse de l’Ennet House. A mi-chemin entre le centre de rétention et la télé poubelle, l’esthétique kitsch tranche avec les discours désespérés des résidents.
On a du mal à suivre le fil rouge de cette première partie. Nous sommes ballotés entre les récits de shoot, les généralités de Pat et des extraits vidéos visant à dénoncer la société de consommation.

La seconde partie consiste en un très long monologue mené par Poor Tom qui raconte sa longue agonie. C’est lent, glauque et on finit par se laisser bercer par le son de sa voix sans prêter attention aux mots.

Les éléments pris séparément semblent fonctionner : le texte abrupte, la mise en scène rock’n’roll, la performance des acteurs. Mais, cela reste compliqué d’apprécier le sens globale de cette pièce et d’y retenir un message clair. On ne cesse de se demander : Où va-t-on ?

 

 

Du 16 octobre 2018 au 3 novembre 2018

Jester Show
Texte de David Foster Wallace / Mise en scène de Laurent Lafargue
Jeu avec Antoine Basier et Déborah Joslin
Les Déchargeurs

Young girls punk rock

Le disque kawai et punk de l'automne!

Parce qu'elles sont toutes mignonnes nos trois punkettes de The Lilix & Didi! Les grandes marques impriment désormais des tshirts Ramones, Clash ou Motorhead. Les trois adolescentes se sont mises à les écouter.

Ainsi que des choses plus françaises comme les Wampas et Renaud. Le rock. Le pur. Le dur. Celui qui fait suer et cracher. C'est cela qu'elles aiment. Elles jouent donc vite et fort, aidées par un adulte guitariste.

Les voix sont hautes perchées et vont bien au punk à l'ancienne. Elles célèbrent leurs héros et s'amusent visiblement beaucoup à maltraiter la bienséance et les conventions d'aujourd'hui. Elles vont faire pleurer les vieux schnoks ou notre vieil ami Philippe Manoeuvre. Leur reprise de Boom Boom Boom est assez réjouissante. De toute façon, elles brisent toute envie de critiquer car les musiciennes sont passionnées! Cela s'entend: c'est une grande qualité sur un album!

En avance sur leur âge, elles assurent avec leurs titres qui dépassent une seule fois les trois minutes. Elles respectent le cahier des charges et jouent sans réserve. Pour ceux qui critiquent tout le temps les jeunes, voilà un disque qui réconcilie avec la jeunesse... si on aime l'énergie pétaradante, la transpiration, les doigts d'honneur et le bon vieux punk des familles!

En tout cas, Young Girls Punk Rock nous venge des Kids United!

M&O Music - 2018

chanson du jour: honey

chanson du jour: Paris Cabourg

chanson du jour: comme si j’y croyais

Chansons bizarres 3

Chansons bizarres et plaisirs vieillots, c'est le programme que nous propose le très très discret, héros des années 60, Long Chris.

Pour les plus calés, Long Chris n'est pas un inconnu. C'est un proche de Johnny Hallyday. Ils se brouillent lorsque notre regretté Jojo épouse la fille de Chris, Adeline. Et pourtant, Long Chris vaut mieux que les pages people: c'est un artiste attachant.

Il a écrit de nombreuses chansons dont Gabrielle, valeur absolue de Johnny Hallyday. Sous son nom, sa discographie est très limitée. Long Chris avait tout quitté pour le monde des antiquités, son autre passion. La reconversion était totale. Mais en 2017, il donne une suite à son album de 1966, Chansons bizarres pour gens étranges. Et voici donc un troisième volet à 76 ans.

La voix est un peu hésitante mais le rock est intact. Simple. Binaire. Bizarre selon les critères de 2018. Aidé par Gregoire Garrigues, musicien couteau suisse, ils découpent ensemble ce rock à la française, plutot sensible, toujours aiguillé par Dylan et les plaisirs évidents des années 60.

C'est décalé. Mais attachant. On tombe sous le charme avec une ballade comme Je me suis Réveillé dans ton Matin. On sourit lorsqu'il ouvre le placard rempli de fantomes du rock'n'roll. Produit sans fioriture, c'est un peu kitsch mais cela fait tout le charme de l'album.

Car il semble y croire encore. Ca fait de lui un type bizarre. Et nous, des auditeurs étranges!

Milano records - 2018

Cold War

La Pologne d'après guerre. Un amour impossible. Un noir et blanc rayonnant. Un sombre destin. Cold War est un mélo de poche, subtile et magnifique!

Pawel Pawlikowski sait faire des films en noir et blanc. Avec un cadre d'image presque carré, il veut faire la différence et la cultiver. Cela a très bien fonctionné avec Ida et il confirme tout son talent avec Cold War. On est saisi par la simplicité et la beauté de ses images dans un noir et blanc d'une subtilité rare.

Le choix esthétique lui permet des raccourcis narratifs énormes. La grande qualité de son cinéma c'est de ne pas expliquer ou de démontrer. Son illustration d'une romance interdite est concise et très réfléchie. Certains trouveront cela douteux.

On a le droit de s'enthousiasmer devant un type qui fait les choses autrement! Le mélo selon Pawel Pawlikowski passe sous la barre de l'heure et demi tout en profitant au maximum de l'économie de moyens. Pourtant nous allons passer une quinzaine d'années dans les bras de Wiktor et Zula, deux amants pris dans les tourments de l'Histoire.

Il doit monter une école de musique en Pologne, juste après la guerre. Sur des ruines, il réussit à monter une troupe, qui finit par intéresser le monde politique. Wiktor n'en a que faire de la gloire de Staline. Il a un rêve de liberté. Jouer du jazz à Paris. Il veut le partager avec une de ses élèves, l'impétueuse et ravissante Zula...

Les deux personnages vont s'aimer et se haïr. Les regards, les positions, les gestes ont leur importance. Le noir et blanc magnifie tout cela. Le Paris Bohème rassure à coté d'un Berlin marqué par la déchirure et la violence ou la boue de la campagne polonaise.

Pawel Pawlikowski pourrait tomber dans le cliché mais sa mise en scène nous permet d'envisager le mélo sous une autre forme, cherchant une poésie dans chacun de ses plans. Le réalisme tombe comme nos amoureux pris dans une guerre froide plus cruelle que toute relation amoureuse.

Epuré, le mélo devient innovant. Chaque image se gorge d'émotions et de subtilités incroyables. Tragédie, Cold War est un vrai petit moment de cinéma, mélancolique et stimulant!

avec Joanna Kulig, Tomasz Kot, Agata Kulesza et Jeanne Balibar - diaphana - 24 octobre 2018 - 1h27

Trending

L’Apparition, Perrine le Querrec

Dulcolax, pub au vent

Loomie et les Robots, Le Funambule

Most Discussed

F.A.I. 2009 / BERTRAND BELIN et TATIANA MLADENOVICH

Et la laïcité bordel !

Diamond Dogs / David BOWIE / (EMI – 1974/ Rééd.2004)

Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu?