Cinéma, DVD

Bob Roberts, Tim Robbins

Acteur engagé, Tim Robbins se moquait dans les années 90 de la politique américaine. Il avait tellement raison que son premier film en tant que réalisateur trouve un écho incroyable actuellement. Et si c’est cela, ça ne montre pas l’importance du cinéma…



C’est l’histoire d’un type qui s’est imposé dans l’entertainment américain. Il est populaire comme chanteur de country et apprécié par les médias. Donc il s’imagine être la voix du peuple et veut devenir sénateur. Arriviste, réactionnaire, capitaliste aux dents trop blanches, pathétique, il fera tout pour arriver au sommet du pouvoir. Cela vous rappelle quelqu’un ?

Bob Roberts est pourtant un personnage de fiction imaginé par l’acteur Tim Robbins. En 1992, le comédien profite du succès de L’échelle de Jacob, sombre et trouble évocation de la guerre et film culte depuis. Il vient de tourner dans le dernier long métrage de Robert Altman, consacré au cinéma, l’incroyable The Player qui lui vaudra le prix d’interprétation à Cannes. Il trouve alors les moyens de monter un petit film sur l’Amérique actuelle, obsédée par le capitalisme, le libéralisme et d’autres ismes qui nous font frémir de terreur.

Fan du faux documentaire Spinal Tap, de Bob Dylan et citoyen engagé, il imagine donc un reportage sur un chanteur de folk américain qui se vautre dans les archétypes du Républicain droit dans ses bottes et sûr que le monde va s’écrouler s’il ne prend pas le contrôle du pouvoir.

C’est filmé comme un documentaire et Tim Robbins parodie à cette époque l’avènement de George W. Bush et tous ces conservateurs aux idées bien bas du front. En 2018, il avouera que son premier film annonçait le règne surmédiatisé de Trump. Il y a peu, il sera obligé de s’expliquer sur la fameuse scène du faux attentat contre Roberts, qui ressemble bien évidemment à ce qu’il s’est passé l’été dernier durant la seconde campagne présidentielle de Donald Trump.

Mais le plus intéressant dans ce film qui a pourtant un certain âge, c’est l’obsession de la recherche de la réalité et de la vérité. Le film a bien des défauts et un certain manichéisme politique. Bob Roberts a un côté démonstratif. Tim Robbins enfonçait des portes ouvertes mais il le faisait avec un sens de l’humour qui perdure encore et une intelligence dans sa mise en scène, qui annonçait ses prochaines œuvres, La Dernière Marche et Broadway 39e Rue. On découvrait un artiste impliqué.

Nous expliquer que la politique américaine est devenue un grand cirque peuplé de clowns sans valeur est une chose assez basique. Et justifié par ce que l’on a vu depuis 30 ans chez les Républicains. 
Ce qui fait de son film, une œuvre nécessaire, c’est le jeu de pingpong avec un journaliste qui, lui, essaie de chercher la vérité. C’est une attitude très américaine d’opposer politique et journalisme (Les Hommes du Président, Jeux de Pouvoir etc.). C’est d’ailleurs un combat qui devient de plus en plus flou de nos jours mais le film fait de cette démarche, le fonctionnement même du film. L’investigation est le vrai enjeu et le sujet que veut défendre le comédien des Evadés.

On voit  un homme et ses rêves de grandeur s’établir sur les pires sentiments populistes et on entend constamment l’opposition fragile mais investie d’une voix dissonante mais qui semble être elle aussi une forme du fameux rêve américain.

Aidé par toute une bande de copains (Susan Sarandon, John Cusack, Alan Rickman, James Spader, Helen Hunt, le vétéran Gore Vidal ou le débutant Jack Black), Tim Robbins grossit la satire mais maîtrise son propos. Bob Roberts est un vrai divertissement. Les chansons honteuses du personnage principal auraient toute leur place dans un meeting de Trump. Les témoignages de ses fans ressemblent à un reportage d’actualité d’aujourd’hui. Les médias sont déjà dans un marasme idéologique qui annonce nos chaînes fières de défendre la liberté d’expressions. Les choses n’ont pas changé. Elles ont juste empiré. 

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