Le groupe Amazon MGM prendrait le contrôle créatif de la fameuse saga James Bond. Ça y est on va rentrer dans la catégorie du “c’était mieux avant”. La famille Broccoli conserve des droits mais c’est le studio de Jeff Bezos qui va s’occuper de remettre le célèbre espion au goût du jour. Et ça ne risque pas d’aller dans le bon sens.
Il suffit de voir ce que deviennent Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux. On essore les concepts jusqu’à l’absurde. Les univers sont devenus de gros pièges de standardisation. On multiplie les séries, les dessins animés ou ce que vous voulez pour conserver des ayants-droits. On vous fait croire au respect de l’essence du produit d’origine. On se retrouve avec des récits phagocytés ou dépouillés. Les fans sont généralement déçus et cela finit par nourrir des kilomètres de commentaires sur les réseaux sociaux sur des choix artistiques douteux ou peu intéressants.
Donc à venir : un dessin animé sur la jeunesse de Q, qui ressemblera à McGyver. Une série sur Miss Moneypenny et son ascension fulgurante jusqu’au secrétariat de M.
Des mini-séries sur Blofeld ou sur le chat de ce dernier. Et sûrement une longue série documentaire sur la marque Aston Martin. On peut hélas parier sur cela dans les années à venir.
On pouvait déjà critiquer le côté publicitaire de 007, mais ça devrait aussi s’accentuer dans l’empire capitaliste Amazon. Il est vrai que les films étaient les panneaux publicitaires les plus classes du Monde. Cependant il faut se résigner à l’évidence : la place de 007 est chez Amazon. L’agent secret a toujours collé au plus près des modes, us et coutumes de son époque. Ce qui devait arriver, arrive. Tout simplement.
Cependant, à quelques reprises, l’espion a eu des incarnations plus baroques et le personnage a peut être eu des petits coups de folies qui font de certains films de beaux plaisirs coupables.
A commencer par le plus atypique des projets : Au Service secret de sa Majesté. Sean Connery a tiré sa révérence et Albert Broccoli trouve un mannequin australien débutant pour remplacer l’Écossais. Le type n’a pas l’air à l’aise dans le costard de l’agent secret mais il montre des capacités athlétiques qui donneront lieu à de chouettes scènes d’action. Timoré, George Lazenby fait ce qu’il peut avec une volonté qui se voit au fil du temps. Il est heureusement secondé par Peter Hunt, un habitué de la franchise qui se trouve propulsé comme réalisateur de ce sixième volet. Il assure une mise en scène musclée entre le Portugal et la Suisse. L’ambiance est au Swinging London. Les effets spéciaux sont désormais kitsch mais charmants. Au milieu de nombreuses femmes vénéneuses, notre héros devient un tendre romantique qui aura l’outrecuidance d’épouser sa favorite à la fin du film. Une erreur fatale. Et une idée de génie qui restera, malgré la modestie de l’interprétation du personnage principal.
Dix ans plus tard, en 1979, l’homme au permis de tuer a la tête très sympathique de Roger Moore. Nous sommes dans une nouvelle ère pour l’agent double zéro : il se marre tout le temps et semble avoir toujours le bon mot face au danger. Et le gadget le plus croquignolesque aussi. Bond est une sorte de version live de bande dessinée légère et sans fond. Mais toujours collée à son époque: Moonraker doit sa production au succès de Star Wars.
Les producteurs hollywoodiens veulent tous avoir la tête dans les étoiles et Broccoli met donc son célèbre héros sur orbite. Avec le scénario le plus farfelu de toute la saga qui se vautre dans une enquête extravagante et des scènes d’action à la limite de l’auto-parodie.
Mais on adore l’interprétation pincée de Michael Lonsdale et le sourire argenté de Requin. Les décors sont démesurés. Les costumes proposent des suggestions jaunâtres du plus bel effet et la réalisation semble avancer à reculons vers un final aussi fantaisiste que ridicule. Mais honnêtement, le spectacle est tellement délirant que l’on s’amuse comme dans une grande soirée disco.
Ajoutons une nouvelle décennie pour nous retrouver en 1989 avec Permis de Tuer, le plus hard boiled des James Bond. Cette fois-ci, c’est Timothy Dalton qui tient le rôle. Il avait déjà été pressenti à l’époque d’Au Service Secret de sa Majesté mais il n’obtient le rôle qu’en 1987. Tuer n’est pas Jouer fut une déception et, visiblement, le succès de l’Arme Fatale ou de Piège de Cristal influencent les producteurs à se laisser aller au grand n’importe quoi.
Donc notre héros perd son permis de tuer mais va se permettre une terrible vengeance après la tentative de meurtre de son copain américain, Felix Leiter. Froid et décidé, James Bond devient un manipulateur d’exception et nous fait entrer dans des états d’âme inhabituels.
Puisque le héros devient implacable, sa détermination le pousse à envisager un machiavélique engrenage dans lequel tombera l’affreux Sanchez (l’excellent Robert Davi) et son fougueux second couteau (un très jeune Benicio del Toro). On est presque triste pour eux d’avoir déclenché la colère de James Bond. On repense alors au cynisme des premiers Sean Connery, avec cette voie ouverte sur une interrogation légitime sur la justification de la violence.
Mais Permis de Tuer est avant tout un thriller sombre malgré les exotiques décors. Comme dans l’Arme Fatale on devine un héros meurtri, marginal et prêt à tout pour accomplir sa vendetta. Et comme dans les productions de Joel Silver, le film propose des morts bien sanglantes, des vilains bien tordus et une musique incroyable de Michael Kamen (bah le compositeur de L’Arme Fatale et Piège de Cristal justement), qui remplace le respectable mais fatigué, John Barry. Et tout cela dans une ambiance eighties du plus bel effet. Bref, entre la drogue, les requins et les deux jolies pépées, notre Bond semble avoir totalement perdu la raison.
Voilà donc les trois épisodes qui ne serviront certainement pas de maître étalon pour la suite multimédia des aventures de James Bond. Les défauts de ces films, les erreurs de création ou les choix artistiques volontaires ou non, en font des œuvres à part dans une saga cadenassée et qui devrait l’être un peu plus pour être accessible partout dans le monde, pour le plaisir du plus grand nombre. Bon ça y est: c’était mieux avant…