Bonnard petit maitre Bonnard le brouillon le gentil bourgeois barbouilleur. Tranquillement.
Tandis que Vuillard
Vuillard le taiseux s’enfonce dans des silences que nul n’a encore percés
Vuillard sous influence pose sur l’écran réduit de ses toiles des mondes hermétiques ouverts au déséquilibre
Vuillard sature découpe entaille la tradition
Touche après touche il sculpte des espaces des silhouettes des tensions des secrets
Vuillard le secret
Le regard de sa mère sur les épaules
L’amour de sa sœur
Les femmes de sa vie
Une vie épaisse des tourments clos des strates d’absences métamorphosées en impérieuses présences
Vuillard juxtapose l’impossible et les extrêmes. Le dedans du bourgeois le cossu le repu le plein jusqu’à la moelle, le dehors l’indompté le sauvage tenus ferme sous le pinceau. Le dedans des âmes les interdits les non-dits la besogne de la solitude, le dehors des corps absolument compris absolument entiers dans leur absolu mystère.
Vuillard domestique. Il domestique les pulsions profondes les courants les lames de fond. Pourtant tout affleure dans les rectangles gorgés égorgés de ses œuvres, tout affleure tout frémit tout vibre tout pleure tout dit. Dans un silence parfait. Dans une asphyxie parfaite. Dans une dissidence criante.
L’intimité de Vuillard du format du geste de l’expérience. Les masses si épaisses qu’elles surprennent cependant qu’elles désignent une couverture une robe un lit et aussi de l’étrange de l’inquiétude de l’inhabituel. Vuillard l’ambigu.
Vuillard le peu, peu de couleurs, peu de discours, pas d’emphase peu d’explications, Vuillard jamais n’impose Vuillard resserre, resserre, il noue le nœud qui pousse les corps en position de déséquilibre qui tord les visages qui incline la lumière qui dérobe les sols qui fausse les perspectives qui supprime l’air, Vuillard peu à peu en toute discrétion arrache au silence ses mots les plus vibrants ses attitudes les plus poignantes ses couleurs les plus musicales.
Il nous approche. Lentement avec ferveur nous ouvrons le regard. Vuillard le miracle.
Le silence est roi, Vuillard est roi.
Ne cherchez pas une carte postale, pas un souvenir de Vuillard. Bonnard partout, cartes magnets cahiers posters marque-pages, Bonnard bon à tout, Vuillard le somnambule est loin devant.
Du 22 novembre 2016 jusqu’au 2 avril 2017
Bonnard / Vuillard. La donation Zeïneb et Jean-Pierre Marcie-Rivière
Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris