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The Apprentice, Ali Abbasi, Metropolitan Filmexport
Donald Trump est un grand malade. Un film se charge d’expliquer ce qu’il s’est passé..
Et attention les mirettes! Sebastian Shaw, acteur assez discret, vu dans les films Marvel, va véritablement vous faire flipper. On débute le film en devinant l’acteur qui imite le Président américain puis il devient le sinistre personnage que l’on connaît.
C’est franchement effrayant. La performance fait froid dans le dos car le réalisateur nous montre comment le mal finit par habiter le personnage mais aussi l’acteur, qui rend les minutes du métrage de plus en plus malaisantes. Le cinéaste Ali Abbasi nous plonge dans l'âme sombre de l’Amérique sans retenue et un angoisse purement cinématographique naît.
Il utilise habilement une image vintage pour raconter les jeunes années de Donald Trump, arriviste dans l’immobilier, en attente des pires crasses pour arriver à être mis en avant et célébrer une Amérique capitaliste et dangereuse.
Épris de reconnaissance, il va s’allier au terrible Roy Cohn, avocat véreux et conservateur qui sera son mentor pour oublier toute éthique et affirmer une soif de puissance sans complexe. Le réalisateur nous met dans le cerveau malade d’un homme aigri et délirant.
Grandeur et décadence. C’est une sujet assez classique dans le cinéma américain quand il s’intéresse à ses présidents mais Ali Abbasi, par ses moyens restreints, n’utilise jamais la grandiloquence de la mise en scène mais plutôt un coté intimiste qui finit par surprendre. Il fait du Scorsese avec ses possibilités, et ça fonctionne plutôt bien.
Esthétiquement on devine un réalisateur qui se dépatouille pour trouver un style rétro et coller à la réalité des années 80, mais il n’oublie jamais son sujet : la fabrique d’un monstre. Et c’est une vraie séance de cinéma qui s’annonce : les personnages sont ambigus, délirants et cela colle à l’écran.
La volonté d’expliquer le présent par le passé est un peu poussive mais le réalisateur aspire à montrer frontalement comment un cynisme total peut provoquer la jouissance et en même temps la désespérance.
Avec Donald Trump, on voit le réel s’échapper, on reconnaît l’homme politique qui fera tant de mal à la démocratie, on relève un vrai sujet de cinéma où l’apparence cache bien des choses. C’est troublant et on est loin des conventions habituelles des biopics. Ce n’est pas un chef d'œuvre, mais un long métrage qui nous interroge. C’est déjà beaucoup.
Avec Sebastian Shaw, Jeremy Strong et Martin Donovan - Metropolitan Filmexport - 2h
Point de vue image du monde, Coldplay, Godspeed you Black Emperor, Avishai Cohen
La musique est un divertissement. Un art. Un plaisir. Un acte politique. Une industrie. Les petits gars de Coldplay ont bien compris cela : ils sont devenus planétaires. Ils errent sur les réseaux sociaux et sur la bien pensance avec des idées braves et courageuses. Ils n'aiment pas la guerre, la violence et les injustices. Ils invitent tout le monde à s'inscrire à Amnesty International. Ils ne veulent plus tourner parce que cela pollue...
Après de très bons albums, les membres de Coldplay sont devenus les Bisounours du rock, avec des ambitions louables mais des idées de musique de plus en plus fades. Tout le monde les adore et c'est bien cela le problème. Leur musique s'est édulcorée au fil du temps. Le groupe annonce qu'il va bientôt s'arrêter. Ça ressemble à un aveu de manque d'inspiration. Ce dixième effort, Moon Music, veut nous envoyer dans l'espace mais on se trouve plutôt dans un tunnel d'ennui poli. Ils n'agacent même plus car il y a un savoir-faire et ce sont des indécrottables optimistes. On ne peut pas leur enlever cela !
Mais on sera plus curieux de l'effort fait par Godspeed you Black Emperor en faveur de la Palestine. Voilà un groupe psychédélique qui redescend sur Terre et fait sa misère à la violence des hommes et aux infamies des tyrans.
Parce que leur son est virevoltant. Il imite une guerre mais il en sort une espèce de lumière spectrale qui nous fait voir le Monde autrement. Sans titre, le disque s'annonce comme un coup de pied au réel, avec des guitares incroyables qui se font l'écho respectable d'une ignominie dénoncée par une énergie que l'on ne connaissait plus à ce groupe canadien toujours en train de chercher...
A la différence de Coldplay, ce groupe affronte la réalité et lui renvoie une image contemplative et pourtant directe. La sauvagerie s'illustre sur les longues plages mais l'ambiance reste à la réflexion. L'exercice n'est pas facile d'approche mais on doit reconnaître que cette façon de foncer vers la monstruosité et en sortir quelque chose de beau, est une vraie forme d'héroïsme et de rapporter ce qu'il se passe en Palestine.
La guerre hante aussi le nouveau récit du trompettiste Avishai Cohen (pas le bassiste). L'approche est morale et très mélodique. Une flûte ouvre le bal d'une histoire qui va se remplir de plusieurs émotions. Dans Ashes to Gold, la guerre est là et le souffle de Cohen nous fait entendre les atermoiements des gens touchés par la violence la plus effroyable.
Le quartet est en symbiose. On devine le travail collectif pour résister. On croit en ces plages d'émotions, magnifiquement illustrées par les musiciens. C'est très compact. Mais la sincérité transpire sur les notes étirées et les filouteries du quartet.
La solution du trompettiste, c'est jouer coûte que coûte. Face au désarroi, il convoque Ravel et il est certain que le classique a toujours lorgné avec le jazz de Avishai Cohen. Cela semble vital après ces morceaux désappointés mais tellement virtuoses. Il retrouve même un peu d'espoir avec un dernier morceau écrit avec sa fille.
Dans ces trois disques, très différents, il y a bien l'idée d'une transcendance par la musique. D'où son extrême importance lorsque rien ne va...
Lettres d’excuses, Patrick Chesnais, Lucernaire
Même s'il rechigne à y croire, Patrick Chesnais vieillit. Il est des signes qui ne trompent pas : il triche sur son année de naissance, un jeune homme lui cède sa place dans le bus et puis la prostate... "La prostate qui grossit, c'est un marqueur absolu d'une grande maturité" !
À l'heure de faire le bilan, il fallait toute l'élégance de Patrick Chesnais pour dresser un inventaire fait de ratages flamboyants ou pathétiques. Depuis mon enfance ("ma grand-mère vous adore depuis qu'elle est toute petite !"), j'ai de l'affection pour ce comédien à l'air triste mais joyeux et je me souviens de ma compassion quand j'ai appris en 2006 la mort de son fils, victime d'un chauffard.
C'est d'ailleurs à ce fils décédé, Ferdinand, que Patrick Chesnais consacre sa première lettre d'excuses. "Mon petit Ferdinand, je te demande pardon de n'avoir pas pu profiter un peu plus longtemps de tes beaux yeux bleus." C'est une déclaration sobre et belle, vraiment poignante. (En l'écoutant, j'ai senti une grosse larme couler sur ma joue.)
Pendant un peu plus d'une heure, Patrick Chesnais nous lit ses lettres d'excuses écrites à celles et ceux qu'il a blessés au cours de sa vie. Il le fait sans se donner le beau rôle. Il écrit à sa mère qui a terminé sa vie en EHPAD ("Je t'ai laissée tombée, ma mère"), à sa Mémé de la Garenne, à sa jeunesse, à sa vieillesse, à Naomi Watts ou encore à Jack Nicholson.
C'est doux amer, c'est tragique et joyeux comme la vie, c'est un beau moment passé en compagnie d'un homme attachant.
Jusqu'au 18 novembre 2024
Théâtre du Lucernaire - Paris VIème
Texte et interprétation Patrick Chesnais
Assisté d'Emilie Chesnais
1h10 | de 10€ à 32€
Bruno Liljefors, La Suède sauvage, Petit Palais
En son pays, la Suède, Bruno Liljefors (1860-1939) était surnommé le Prince des animaliers. Ce titre n'est pas usurpé. Dès la première salle, j'ai été saisi par cette irrésistible famille de renards. La touche du peintre est à la fois impressionniste et précise, il suffit de s'éloigner d'un pas pour être frappé par le réalisme des scènes présentées et par la restitution fidèle des plumes et des poils (la touffeur des queues de renard). La peinture de Liljefors est expressive mais nette.
Bruno Liljefors travaillait sur photos, sur modèles empaillés, mais il était surtout amateur d'affut et n'hésitait pas à grimper aux arbres pour observer les animaux. Peintre et chasseur, on ressent parfois sa fascination pour les prédateurs. Il montre d'ailleurs à de nombreuses reprises combien le chat est un ravissant destructeur de biodiversité.
Mésange huppées, chardonnerets élégants, bouvreuils pivoines, moineaux domestiques... (Aviez-vous remarqué que les noms d'oiseaux sont toujours composés?), l'amateur d'oiseaux que je suis s'est régalé devant ces véritables portraits d'animaux. Des portraits sur le vif, comme celui d'un lièvre courant sur la neige (tableau repris sur l'affiche de l'exposition). L'instant est saisi avec maestria.
Si vous voulez, sans sortir de Paris, vous offrir un véritable week-end à la campagne (avec une petite excursion en bord de mer), allez donc voir ces toiles fascinantes !
Jusqu'au 16 février 2025
Petit Palais Paris
de 10 à 12€ (Gratuit : - 18 ans)
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Le ciel en sa fureur, Adeline Fleury, Éditions de l’Observatoire
Bien que n'étant pas amateur de récits fantastiques, j'ai pris plaisir à lire ce roman bien écrit où les phénomènes surnaturels sont légions. Adeline Fleury, l'autrice, nous emmène dans une Normandie pleine de croyances, de goubelins, d'enfants-fées et de pluie de crapauds.
"Cette terre normande est parcourue d'ondes étranges, d'énergies contradictoires qui fragilisent les nouveaux arrivants, les secouent, font vaciller leur rationalité. Depuis leur arrivée au village, les deux anciennes citadines ont du mal à comprendre comment des gens aussi ancrés dans la terre peuvent être aussi attachés à tous ces contes et légendes fantasmagoriques. Cela doit avoir quelque chose à faire avec la mort. Les superstitions entourant les fantômes sont bien plus commodes à se représenter que la réalité de la finitude et de sa pourriture." (page 139-140)
Pour enrober le tout, l'écrivaine met en place une histoire d'enfant caché et de vengeance, une intrigue assez convenue, mais qui a l'intérêt de faciliter la lecture. Et puis, on n'est pas chez Agatha Christie donc l'enquête n'est pas le sujet.
Ce qui compte, c'est l'indéniable talent d'Adeline Fleury pour décrire des paysages et des ambiances. Elle nous embarque avec finesse dans un Contentin de légende qui ne vous laissera pas indifférent.e.
Paru le 02 janvier 2024
Éditions de l'Observatoire
202 pages | 20€