Ce livre aurait pu s’appeler Mémoires d’une strip-teaseuse.
Antonia Crane est droguée dans l’âme ; la dépendance est son moteur et la conduit tour à tour à la boulimie, aux stupéfiants, au sexe (personnes prudes d’abstenir, ce récit autobiographique comporte quelques scènes assez crues !).
Un beau jour, elle se déshabille sur la scène d’un club. Sa vocation de stripteaseuse est née ! Un métier qui lui apporte sa dose quotidienne d’adrénaline, d’argent et désir dans les yeux des hommes.
« Dans quelles autres circonstances pourrais-je me faire cinq ou six cents dollars un vendredi soir, ailleurs qu’ici? Où des inconnus me diraient que j’étais intelligente et merveilleuse, ailleurs qu’ici ? Comment pourrais-je ne pas pratiquer le striptease? » (page 270)
Antonia Crane revendique son métier dont elle parle avec talent sans faire l’impasse sur le côté glauque de l’affaire. Car il s’agit d’argent rapide mais certainement pas facile ! Le travail est dur, moralement et physiquement (elle souffre régulièrement du « coaltar de la stripteaseuse » et se retrouve percluse de douleurs à force de se cambrer sur scène (page 265).
Être stripteaseuse, ce n’est pas rose tous les jours. Mais que faire d’autre ? « Quand on cherchait du boulot, stripteaseuse n’était pas une expérience à mettre en tête d’un CV » (page 130)
L’autrice défend avec fougue la condition des travailleurs du sexe, elle décrit sans fard la dureté de ces métiers précaires et dangereux où il faut se méfier des clients, mais aussi des employeurs et de la loi qui est contre vous. La vie d’Antonia Crane est un combat sans cesse renouvelé, contre la dépendance, la dèche économique, pour finir ses études, pour faire valoir ses droits (elle participe à la création du premier syndicat des effeuilleuses, « l’Union des danseuses exotiques »).
Mais, même si se mettre nue devant les choses l’interpelle en tant que féministe, elle est de toutes façons accro !
» J’ai dû reprendre le striptease. Chaque fois que je croyais avoir décroché, je finissais inéluctablement par replonger. C’était la cinquième fois. Lorsqu’elles ont le cœur en miettes ou qu’elles souffrent, les filles que je connais se bourrent de sucreries et de cocaïne, ou noient leur chagrin dans le shopping. Moi je retournais dans les stripclubs, les casinos, les hôtels, et j’offrais mon corps à des inconnus contre de l’argent » (page 15)
Au plan strictement strictement littéraire, j’ai préféré La Maison (livre dans lequel Emma Becker raconte son expérience de prostituée dans un bordel en Allemagne) ; Consumée est néanmoins un récit bien mené et décoiffant, qui mérite d’être découvert.
Parution le 02 février 2023
chez 10/18 Littérature étrangère
312 pages, 8,60€
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michael Belano