Les frères Taviani ont mis dans ces contes italiens ce qu’il y a de plus beau en Italie – collines et palais de Toscane, fresques du Trecento, séduisantes jeunes femmes, vertueuses ou délurées… pour le plaisir des yeux. Passée la première demi-heure au ton un peu trop dramatique, les cinq nouvelles du Decameron sont mises en scène avec verve, alternant humour et passion.
Les dix personnages de Boccace, un peu affectés au début de l’histoire, se révèlent ensuite d’excellents conteurs. Alternent alors assemblées de demoiselles et damoiseaux dans la nature formant de lumineux tableaux vivants et récits courts rondement menés et bien joués, plein d’humour ou de passion.
Voici un film résolument esthétique – l’affiche, qui évoque une chorégraphie, donne le ton –, mais au charme désuet, dont on peine à ressentir la modernité. Les réalisateurs, âgés, prétendent pourtant avec ce film adapté du Decameron de Boccace, essayer de se « rapprocher des jeunes d’aujourd’hui et du présent difficile qui est le leur » (dans l’entretien du dossier de presse). Cependant, peu importe si les émotions des jeunes gens, fuyant la peste qui sévit à Florence au XIVe siècle, semblent factices, on se laisse séduire par la beauté de la campagne et des palais toscans, la perfection des images rappelant des œuvres peintes et la vivacité des récits que content les jeunes Florentins pour passer le temps et se distraire de leurs chagrins.
Les frères Taviani proposent une version du Decameron empreinte de poésie courtoise, dans laquelle sexualité et vulgarité sont gommées au profit d’un romantisme un peu mièvre. D’autant plus que tous ces jeunes gens éplorés sont anormalement beaux… Ce manque de profondeur fait craindre, au début du film, une adaptation de médiocre qualité.
Heureusement, une fois les dix personnages arrivés dans la villa champêtre où ils ont trouvé refuge, le décor devient enchanteur et la beauté des jeunes femmes prend tout son sens quand elles composent dans la nature, vêtues de robes chatoyantes, leurs longues chevelures dénouées, de superbes tableaux vivants.
Le jeu théâtral, un peu outré, des acteurs se prête mieux à l’interprétation des cinq nouvelles (choisies parmi les cent que compte le Decameron) racontées par les fugitifs. Pour le plaisir de leur auditoire et pour notre plaisir, les conteurs usent alors de tous les procédés de la narration pour rendre ces récits captivants, variant les tonalités de la farce à la tragédie en passant par la satire et le conte moral, ménageant le suspense jusqu’à la chute.
Commence alors un voyage dans la Toscane ensoleillée, de Pistoia à Montepulciano, dont les palais révèlent parfois furtivement de somptueuses tapisseries et des peintures murales rappelant l’art de Giotto. De nombreuses images évoquent en outre des peintures célèbres, par exemple la belle amante nue de dos prenant la pose de la Vénus au miroir de Velazquez.
Le titre italien, « Maraviglioso Boccaccio » (« le merveilleux Boccace ») tient finalement sa promesse : comme Boccace a accompli le prodige de divertir ses contemporains en temps de crise grâce à son imagination et son art de la narration, ce film des frères Taviani est une merveille pour les yeux et fait merveille sur l’humeur.
Avec Riccardo Scamarcio, Kim Rossi Stuart, Jasmine Trinca et Paola Cortellesi – Bellissima films – 10 juin 215 – 1h55