Vu à la télé

De Simone Lagrange à Nuit debout en passant par Saïd… nos mémoires courtes

simone

Quelques mois, il nous aura suffit de seulement quelques mois pour reprendre nos bonnes vieilles habitudes de bon français, et se remettre sur la gueule à n’en plus finir, entre nous, entre cons, entre bons français cons.

Après avoir eu, tous, à part bien sûr quelques poches de djihadistes primaires quasi primates savourant en silence les instants de tueries, les larmes aux yeux après Charlie après le Bataclan après l’horreur, les mots « liberté » « égalité » « fraternité » au bord des lèvres au bout du compte du bout des lèvres ou tous ensemble les hurler des dimanches entiers main dans la main de révolte anti fous, oui, nous revoilà partis pour un tour, la mémoire courte et en mode « oui mais moi gnagnagnagna, alors que les autres gnagngagna »…comme si de rien, comme si amnésiques, comme si nos égos petits étroits étaient finalement plus forts que tout, plus forts que tous, un pour tous, tous sur un, on avance, tiens.

J’avoue qu’en matière de chronique TV, j’ai fait quelques faux départs depuis la semaine dernière.

D’abord passionné, subjugué, bouche close, devant le « spécial investigation » du lundi 2 mai, en mode froid dans le dos, devant ce « Soldat d’Allah », réalisé à la force des plus belles corones et à la testostérone bien trempée par un journaliste musulman, sous le pseudo de Saïd, en caméra cachée pendant des mois en immersion dangereuse dans le petit monde des tarés adorateurs de bombe humaine, de ceux même qui n’ont qu’une envie, encore frapper des innocents, faire des morts, parmi nous, refaire Charlie, refaire le Bataclan, oui faire des morts, le plus possible de préférence, oui, j’ai failli sortir ma plus belle plume pour la mettre à plat ventre sur papier numérique et saluer haut et fort le courage de Canal+ et celui de son journaliste, pour qui la vie ne sera de fait plus jamais pareille, mais non, finalement non, au vu des commentaires à la con sur les réseaux sociaux, qui refoutaient du « bah oui mais la loi travail », « bah oui mais tout ça, ça incite à la haine des musulmans », « bah oui mais est-ce que tout ça est vrai vraiment »…mais ta gueule, oui ta gueule ; le mec t’alerte sur le fait que tout ça n’est pas fini, et toi, tu gnagnagnangnas, les fesses au chaud dans ton canap’ ; t’es petit, oui, très petit…que de mémoires courtes bordel, que de mémoires courtes…

Ensuite agacé, violemment agacé, par les jets de pierre médiatiques, par radios, par JT et par chaines infos interposées, des gentils Nuit debout d’un côté, des méchants flics de l’autre, puis des méchants Nuit debout d’un côté, puis des gentils flics de l’autre. Puis un pauvre porte-parole gentil d’étudiants qui gnagnagnagna en mode « CRS SS, refaisons mai 68 », puis d’un patron de syndicat des flics, qui gnagnagnagnana en mode « Étudiants méchants chants chants », puis d’un président de l’UNEF, toujours le même depuis toujours, celui qui est encore étudiant à 33 ans, en FAC de socio, sûrement, futur député, sûrement, qui bave et re-bave ses phrases toutes faites en haussant la voix même au micro de BFM TV, comme s’il était en AG d’un amphi pour appeler à la grève, mais quelle grève blaireau, celle qui te dit d’être anti droite quand ils sont au pouvoir, anti-gauche quand ils sont au pouvoir ; anti tout sauf anti toi ; s’insurgeant des débordements policiers, à force de leur en mettre plein les dents en mode cagoules ; et puis voir le même chef des syndicats de police, en face, amalgamer puissant sur le fait que tous les manifestants sont des anarchistes petit-fils des membres d’Action Directe…oui, j’ai failli, oui failli, sortir ma plume la plus acide et déverser l’encre à la chaux vive pour bruler les paroles des uns des autres, ceux-là même qui s’embrassaient le 15 novembre en faisant face et front devant le terrorisme, ceux-là même qui s’enlacaient après Charlie pour dire « plus jamais ça », nous ferons corps, déversant des #tousunis et des #jesuis, dissimulateur de #moije oui, au final, que d’un #moije. C’est petit, oui, très petit…que de mémoires courtes bordel, que de mémoires courtes…

Et enfin, oui, je me suis arrêté sur ce sublime documentaire diffusé par France 2, un soir tard, trop tard, sur l’histoire, pour ne pas dire l’Histoire, de Simone Lagrange, qui, durant un peu plus d’une heure dans « Moi, petite fille de 13 ans », droite, solide, digne, même si encore brisée plus de 70 ans après par l’horreur nazie, par ce démon humain de Klaus Barbie, dont elle a croisé le regard à peine adolescente, diable incarné, pourriture incarnée de ce qui se fait de pire sur Terre, l’a envoyée à Auschwitz, comme toute sa famille, et dont elle garde, à 80 ans passés, les mêmes stigmates que ces traces d’ongles et de griffes qui couvrent les murs des chambres à gaz encore aujourd’hui. Plus d’une heure oui, où elle raconte le pire de ce que l’Homme peut subir, témoigne devant les jeunes générations de lycéens, où elle leur raconte, pour ne pas oublier, par où elle est passée, et qu’elle ne serait plus là sans la solidarité, la chaine d’union de quelques unes, de quelques uns, pas nombreux, car déjà dans le même esprit, mais le peu qui étaient là, l’étaient vraiment, les courageux comptez vous, et que rien n’est plus beau que la vie, que d’être en vie, car même si elle est encore dévastée par le souvenir, elle est en vie, oui en vie, et qu’il serait bon que chacun, que chaque français, en temps de liberté, en temps de paix, menacé par l’extrémisme, par les relents de cette période funeste, profite de ces instants plus que de se foutre sur la gueule pour une loi, plus que de se jeter des pavés par chaines infos interposées, plus que de vomir sa haine de l’autre parce que l’un est flic et l’autre étudiant ou un peu trop gauchiste, plus que de faire semblant de penser aux autres pour mieux en fait ne penser qu’à soi, oui, il serait bon de faire comme Simone, ne pas être petit, oui, ne pas être petit, et ne pas avoir…la mémoire courte. Bordel.

J’vous embrasse

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