Cher Dominique Dalcan,
Je vous aime. Depuis votre album Cannibale en 1994. A l’époque vous mettiez tout le monde à terre avec des orchestrations léchées et des textes solaires. Et depuis, discrètement, vous avez œuvré avec un certain génie dans l’électro.
Et cette année, alors que les guerres explosent un peu partout, vous revenez avec un album féminin qui transpire toute la beauté du Monde Arabe. Je vous aime parce que ce disque est apaisant. Last Night a Woman Saved my Life m’a réveillé de ma torpeur.
On y entend des voix. Douces. Chaleureuses et combatives. A la manière de Grand Corps Malade, Dominique, vous saisissez en musique les troubles agréables que provoquent le chant des femmes.
D’origine libanaise, vous avez cette excellente idée d’offrir des plages sonores ouvertes à des chanteuses merveilleuses qui montrent la vitalité, la grâce et la diversité de l’art oriental. Grand bidouilleur devant l’éternel, vos chansons sur ce disque sont vraiment charnelles et nous transmettent une émotion vibrante et forte.
Entre modernité et traditions, le disque est une échappée belle dont on avait vraiment besoin. Pour tout cela, je vous apprécie toujours autant Dominique.
Cher Caravane Passe,
Je vous aime aussi. Comme Dominique Dalcan, vous possédez une ouverture d’esprit qui devrait être enseignée partout. Vous mélangez votre folie punk avec des folklores qui viennent de tout horizon.
On veut construire des murs en permanence et continuer à faire peur à tout le monde avec le mythe de l’étranger. Mais vous, vous défendez depuis des années, ce plaisir qu’il y a à rire, jouer et rencontrer l’autre contre tous les clichés possibles. Votre musique est une pétaradante démonstration de pensées humanistes et joyeuses.
Hotel Karavan montre que les portes sont grandes ouvertes à tous. Il y a plein d’invités qui entrent et sortent dans cette musique généreuse, ouverte à un style nomade. On entend même un fantôme, Rachid Taha. Mais tout cela reste festif. Face aux injustices qu’il devine, le groupe continue à faire la fête et veut faire rebondir dans tous les sens son auditeur.
Au bout de vingt ans de carrière, La Caravane Passe y arrive encore. Dans leur hôtel, les ambiances sont toujours différentes selon les pièces visitées mais il y a encore et toujours un humour irrésistible et une générosité qui se révèle en ce moment nécessaire pour ne pas céder à la déprime du mois de novembre.
Cher Silvestre y la Naranja,
Je vous aime depuis peu. Argentins, vous avez désormais du pain sur la planche avec un président ravi d’être le clone de Donald Trump. Il veut tout détruire (de l’enseignement aux aides sociales) parce que le marché doit décider de ce qui est nécessaire. Et pour ce genre de triste sire dopé à l’ultra libéralisme, la culture est un danger.
Donc comme tous les groupes d’Argentine, je vous aime et je vous soutiens. On sait que dans ce coin du Monde, le rock est farouche et ne devrait pas se laisser faire. Même si vous, Silvestre y la Naranja, vous ne faites pas dans le style bruitiste.
Mais j’aime beaucoup votre ironie à jouer avec les canons de la musique contemporaine. L’air de rien, vous avez aussi beaucoup d’humour pour fabriquer des petits hits pop, tranquilles et assez acides pourtant.
Sueno Citrico est donc un petit plaisir appétissant où les musiciens se laissent aller à des morceaux faussement légers. Les arrangements sont délicieux et l’exotisme vient plutôt de l’ironie du chanteur et de la gourmandise des musiciens. Ils en font trop dans la pop mainstream mais cela fonctionne bien et l’apparente inconséquence de ce quatuor peut avoir valeur de refuge pour les tristes jours à venir dans la politique ce pays si musical…
Aimer un artiste c’est aimer la liberté, la bienveillance et la richesse qui habitent chacun d’entre nous. Certains l’ont oublié. D’autres le chantent avec un talent entraînant et une espérance mélodique.