Je ne vais pas vous dire d’éteindre vos portables, vos ordis et vos réseaux, sinon vous ne lirez pas cet article. Mais en cette période estivale, voici quelques musiques qui vont vous faire totalement décrocher.
Pourtant Human Cocoon n’est pas un disque léger. La pianiste Beyza Yazgan a produit son disque en pensant aux tremblements de terre en Syrie et en Turquie. Bouleversée, la jeune femme s’est concentrée sur des pièces simples, douces et évocatrices.
Au point de rivaliser avec un Keith Jarrett en concert. La virtuosité n’empêche jamais l’émotion. L’exécution des chansons répond à une vraie urgence d’écriture, de se retrouver entre mille mauvaises nouvelles.
Il y a quelque chose d’existentiel dans son style. Human Cocoon est d’une beauté sèche qui va pourtant droit au cœur entre classique et jazz. On se met au rythme de la pianiste. La grâce se devine au fil des pièces complexes et qui s’ouvrent petit à petit. C’est un joli labyrinthe qui se visite et où on aime se perdre pour oublier les bruits du monde.
Ce que propose aussi Ezra Feinberg, ancien adepte de la musique psychédélique devenu un hédoniste de la mélodie reposante. Mais pas ennuyeuse. On est loin de la musique d’ascenseur.
Le musicien lorgne un peu sur la new age vintage mais il faut bien avouer que sa musique est caressante et nous demande simplement de nous arrêter. Est-ce un geste politique de nous suggérer de rompre avec un rythme effréné? Les instruments se conjuguent ici pour former un barrage au stress et au surpassement.
D’ailleurs ce n’est pas pour rien que le disque se nomme Soft Power. On retrouve les bons vieux effets du new age avec des synthés cosmiques, des flutes naturelles et un petit fond de jazz à la Herbie Hancock des années 70 : le résultat est évidemment au delà de nos fades quotidiens. Le disque nous emmène vers de jolies utopies et des pensées positives. Un petit cour de Yoga musical en quelque sorte.
Un peu plus stressante mais d’une vraie beauté minérale est la musique du film japonais Le Mal n’existe pas / Evil does not exist, sorti en avril sur nos écrans. Une fois de plus, elle marque la collaboration entre le réalisateur Ryusuke Hamaguchi et la musicienne Eiko Ishibashi. Leur travail commun faisait le charme de Drive my Car en 2021.
Une fois encore, il y a un piège dans ce disque comme les deux autres. Nous sommes aux frontières de styles différents. Sans un mot, l’émotion existe dans le mélange des genres et la beauté qui en sort est vraiment singulière. Ayant travaillé sur plusieurs continents, l’artiste touche à tout avec une vraie dextérité et un plaisir à susciter la surprise.
Brian Eno n’est pas loin. C’est exactement ce que l’on peut attendre de la musique contemporaine. Elle explose nos habitudes. Elle déroute mais ici elle séduit avec ses choix érudits parfois étonnants. En bonne musique de film, se trouve dans les morceaux une tension qui charpente l’ensemble. Avec des idées minimalistes qui se superposent, on se retrouve dans une atmosphère hypnotisante. Une fois encore, à la fin, on a tout oublié sauf l’envie de recommencer encore: découvrir des sons étonnants et qui nous sauvent de la vitesse étourdissante du Monde… bonnes vacances!