Il semblerait que la sinistrose nous guette. Plus rien ne fonctionne en ce bas Monde. Le mauvais temps nous ronge les sentiments et les nerfs (hé, il ne fait plus nuit le matin quand on emmène les enfants à l’école et quand on vient les rechercher). Les soucis se renversent sur les tracas. Les emmerdes sont plus boueux que jamais. On rivalise de pessimisme pour ne pas dire que demain ça sera mieux !
Bienvenue au mois de mars ! Ce moment aussi où on a le droit, mais on l’a oublié, de s’émerveiller. La morte saison va laisser sa place à quelques bourgeons d’espoir, des rires imprévisibles et du courage insoupçonnable.
Il faut s’émerveiller. Partir d’un petit rien qui révèle une beauté cachée. La musique est un puissant marqueur de beauté et d’espérance. Ça m’est arrivé hier soir. Pour m’endormir, j’essaie le dernier disque de Caleb Arredondo. Un type et son saxophone.
Un homme qui a confiance en son instrument et son art. Car il va nous faire naviguer dans les tourments des nuances. Et on ne va pas s’ennuyer car le musicien fascine et nous fait rentrer dans nos propres zones troubles. Avec une bienveillance infinie. Les notes roulent sur elles-mêmes et finissent par nous enrouler. D’une chaleur surprenante. Qui console et nous éloigne de tout, sauf de nous-mêmes. Les échos du saxophone sont du cœur et de la raison. Une belle expérience.
Et la musique doit nous aider à nous émerveiller. Prendre les choses simplement pour y trouver de la confiance. Le duo violoncelle kora nous faisait déjà planer très haut dans la plénitude, mais le duo devient un quatuor roublard quand ils nomment leur œuvre : Les Égarés.
Vincent Segall et Ballaké Sissoko invitent donc un accordéoniste et un saxophoniste à leur table. Les mets sont succulents et raffinés. Une fois de plus, ce sont les valeurs du duo qui ouvrent les portes à de belles improvisations. Ils se perdent mais nous renforcent dans cette idée d’un disque généreux qui se monte au fil des expériences partagées. Les petites mélodies deviennent de beaux trips musicaux. Ils ont confiance en eux et rapidement on les écoute les yeux fermés. Sûr d’être face à un éclat précieux du jazz d’aujourd’hui.
Et puis la musique peut nous amener de l’intensité aussi. C’est pas mal au mois de mars de trouver de l’ampleur et du courage pour être ce que l’on veut être. C’est ce qui se trouve exactement dans Mawja, le dernier disque de la chanteuse Aziza Brahim.
La vie de cette chanteuse est un roman fait d’exil et de douleur. Il en sort un nouveau disque lumineux, d’une force qui ne demande qu’à être transmise à l’auditeur. Les mélodies sont glissantes et servent une voix magnifique.
Le style de la chanteuse s’arme d’origines dans le Nord de l’Afrique et d’une existence espagnole. Les musiques nous bercent sans nous endormir : on découvre du blues africain, donc fait de combats, de rudesse mais aussi d’amour. Elle semble nous dire de vivre intensément. On veut bien la croire. Et en finir avec la giboulée de sinistrose qui veut toujours nous arroser !
Echo sax – Caleb Arredondo
Les Egarés – Sissoka Segall Parisien et Peirani
Aziza Brahim – Mawja