Bon, ça c’est fait, après un parcours griezmanien, des envolées payetesques, on pouvait pas tomber pogba, on a eu beau picoler des bières comme des crétins, chanter la marseillaise comme des vikings, sortir les drapeaux des greniers, bah non, dansleculaô, on n’a pas gagné, ils ont perdu, on aurait dû brandir la Coupe d’Europe, ils ont tout foiré. Oui, importante utilisation de la personne à laquelle on parle ou l’on écrit, quand on gagne, c’est nous, peuple de France, quand ça paume, c’est eux, les 23 mecs de l’équipe de France, c’est comme ça, c’est mauvaise foi, c’est bien nous !
Pis, on aurait pu/dû féliciter chaudement les portugais, qui rappelons-le, n’ont gagné qu’un seul match dans le temps réglementaire dans cet Euro, mais non, nous on s’en cogne, quand on gagne, on sert pas la main du pauvre allemand qui passe dans la rue dépité rougi par les soleils de début juillet et franchement rincé de l’intérieur au Ricard ; quand on perd, c’est jamais franchement de notre faute, voire même carrément pas, et dans le mode mauvais perdants, on n’est pas champions, juste on excelle.
Après la victoire des portugais ce dimanche 10 juillet 2016, les concerts de klaxons ont rappelé à quel point les lusitaniens (terme, avouons-le qui fait un peu beaucoup habitants voisins de la planète Lusiton, juste après saturne en passant à droite de la Lune, premier feu en sortant à gauche direction rocade ouest de Jupiter) étaient nombreux en France, que, d’habitude, ils bossaient depuis 50 ans dans nos belles provinces sans faire de bruit, et que nous, braves cons, on avait tendance à les snober et pas qu’un peu.
Malgré tout, amers, nous ne pouvions nous empêcher d’être « grave vénéres », éteignant notre télé sans finir nos bières, renvoyant comme des mal propres à la porte nos voisins venus voir la finale pour plus de convivialité, on m’enlèvera pas de l’idée d’ailleurs que c’est la gamine de la voisine avec son maquillage bleu-blanc-rouge qui nous a porté malheur, petite conne, et, au premier son des portugais, heureux, qui passaient dans la rue, nous nous révélions un brin susceptibles à l’écoute d’une quinzaine de phrases, dès aujourd’hui et dans les semaines à venir, sur lesquelles, dans la rue, au bureau, chez soi, en famille, à l’apéro, un « Oh ça va ta gueule » devenait soudainement assez tentant sans autre forme de politesse :
1. La philosophe pro-Mélenchon en fac de socio -> « Ça va ça reste du foot hein »
2. Le cousin de ton pote venu à ton anniversaire car il était en vacances chez ton pote -> « M’en branle j’ai du sang portugais de par mon arrière grand tante, c’est un peu comme si j’avais gagné »
3. La copine de ta femme qui regarde la chaine Voyages l’après-midi parce qu’elle est en congés mat’-> « Il parait que Lisbonne c’est super beau comme ville »
4. Dans la rue juste en bas de chez toi -> « Purtugal purtugal purtugal »
5. Ta voisine -> « Mais finalement il a pas joué longtemps Ronaldo non ?! »
6. Ton banquier lourd -> « C’est marrant mais Griezman il avait l’air de faire grise mine »
7. Ton assistante -> « Ah c’est drôle, la nouvelle stagiaire elle est d’origine portugaise ! »
8. Ta mère -> « T’as déjà lu la Valise en Carton, il parait que c’est super triste »
9. Encore ta mère -> « On fera du melon au Porto dimanche ? »
10. A la machine à café -> « Dans The Mentalist, mon personnage préféré c’est l’agent Lisbon ».
11. Ton collègue qui préfère l’ovalie et qui préfère surtout te faire chier oui !!! -> « Sont quand même plus forts au foot qu’au Rugby les portugais, tu me diras c’est pas pour autant qu’on gagne les VI nations au Rugby tu me diras… »
12. Daesh -> « Quand on fait terrorisme, ils chialent, quand on fait pas terrorisme, ils perdent et après ils chialent…sincèrement c’est des tapettes les français. »
13. A la cantine -> « Aujourd’hui après la débandade, c’est brandade ! »
14. Dans la rue juste en bas de ton taf 3 jours plus tard alors que t’y pensais même plus -> « Purtugal purtugal purtugal »
15. La copine lesbienne de la fille philosophe pro-Mélenchon en fac de psycho -> « Ça va ça reste du foot hein »
Oui, pour tout ça, un « Oh ça va ta gueule » devient définitivement assez tentant sans autre forme de politesse.
Allez, pour moi c’est vacances, je vous retrouve à la rentrée pour une 13ème saison de chronique sur etat-critique.com