« Moi mon colon, celle que je préfère c’est la guerre de 14-18! » Mael, le jeune facteur de la petite île bretonne pourrait facilement s’approprier les vers de Georges Brassens pour décrire sa situation tout au long du premier conflit mondial.
Quella-Guyot et Morice, après nous avoir transporté à Papeete en 1914, nous ramènent à la même époque mais sur une île bien plus proche de l’Hexagone puisque celle-ci se trouve au large de Vannes.
Ces 2 compères nous avez amenés sous le soleil de Papeete, nous décrivant à des milliers de kilomètres de l’Europe comment le conflit avait pu s’installer au sein de populations bien loin des préoccupations des européens, ne comprenant pas forcément l’intérêt de se battre. Ce récit montrait déjà toute l’absurdité de la guerre et de celle-ci en particulier.
L’angle d’attaque si je puis me permettre…) est ici le même: décrire l’horreur de la guerre sans jamais la montrer. Ils nous font percevoir sa folie sans chercher dans la souffrance directe des tranchées, des conseils de guerre arbitraires et expéditifs, ou dans les portaits de gueules cassées tout ce qui le prouve.
Le ressort utilisé par les auteurs est bien pire. Ils mettent en scène le destin d’un épargné de la guerre. Mael a un pied bot. Du fait de son handicap, le voilà réformé. Il reste un des seuls hommes sur cette île. Comme il est vigoureux et qu’il sait lire, le maire lui confit la fonction de facteur.
Bien vite Mael devient le confident de ces femmes qui attendent des nouvelles d’un mari, d’un fiancé d’un fils ou d’un amant. Celles-ci s’aperçoivent que Mael n’est ni aussi nigaud ni aussi laid qu’elles le croyaient. Il s’avère être un confident capable de les écouter attentivement, voire de les consoler de leur solitude.
Lui qui se croyait à jamais loin des joies de l’amour, se retrouve bien vite comme le coq de la basse cour au milieu de toutes ces femmes. C’est une revanche totale sur tous ces camarades d’avant. Pour lui, la guerre est une merveille!
Le récit est long, 110 pages, mais sans longueur. Les étapes de la métamorphose du jeune homme sont bien décrites, en parallèle avec le conflit qui s’enlise et ces femmes qui s’ennuient. Le récit n’est pas qu’anecdotique, il y a du cynisme dans la description de celui qui prend la place des hommes du village. La guerre amène bien le pire en même temps qu’elle contribua à l’émancipation de la femme.
Le dessin de Sébastien Morice est magnifique, sa mise en couleur parfaite. Je vous laisse découvrir les nombreux rebondissements de cette histoire qui nous amènent jusque dans la France des années 60, bien loin de cette guerre de 14 qui n’en finit pas de nous fasciner.
A quelques semaines du 11 novembre, sans pour autant vous salir dans les tranchées, laissez vous emporter par ces bigoudens et leur facteur! Vous ne le regretterez pas!
Grand Angle 110 pages