« Un festival transféministe antispéciste » enfin à Metz, une programmation pluridisciplinaire qui aborde la thématique des animaux pour déconstruire les normes et les lieux communs.
La soirée du 22 janvier, au théâtre de l’Arsenal, est consacrée à la danse et à la performance, d’abord avec la pièce Light Bird de Luc Petton, puis avec Abecedarium Bastiarium, une performance intimiste de l’artiste allemande Antonia Baehr.
Nous pouvons évoquer rapidement Light Bird : une salle comble et enthousiaste pour un spectacle mettant en scène 4 grues de Mandchourie à côté de 4 danseurs (2 hommes et 2 femmes) et un musicien. Après le succès à Metz en mai dernier, pendant le festival Passages, du Jour du grand jour du Théâtre Dromesko, une pièce bouleversante, mettant en scène de manière vibrante notamment un marabout, nous nous attendions à un autre spectacle capable de jouer de la relation avec les animaux avec la même grandeur et intelligence, de donner une raison profonde à leur présence sur un plateau, de nous faire oublier les tristes clichés d’un zoo… Light Bird déçoit en proposant une danse « humaine » assez banale car entièrement portée par la puissance d’ambiance de la musique, et surtout bien trop genrée dans ses représentations masculine et féminine. A côté de cela, l’apparition des 4 grues ne trouve jamais une réelle motivation, leur présence ne donne lieu à aucune réflexion esthétique ou philosophique sur la danse entre humanité et animalité, nous avons plutôt l’impression d’animaux finalement quand même en cage, obligés à être partie d’un dispositif qui avance à vide, sans but et sans un réelle force de proposition.
Un sentiment opposé se dégage de la performance Abecedarium Bastiarium d’Antonia Baehr. Un spectacle surprenant pour une jauge limitée : une trentaine de spectateurs entre dans l’univers de la performeuse qui évoque des animaux disparus et des amitiés personnelles en jouant des déguisement de genre, en leur donnant un sens profond et extrêmement vif grâce au prisme de l’animalité. Les questionnements de genre – le plus immédiat est celui de la performativité cher à Judith Butler – activés par le biais du déguisement en des êtres mi-bêtes mi-travestis acquièrent dans les différentes saynètes mises en scène une vérité bouleversante, drôle et touchante. Aux antipodes d’un théâtre qui se veut pur effet tape-à-l’œil par l’éloquence facile des nappes sonores et la spectacularité des grues sur scène, la performance d’Antonia Baehr dévoile sa puissance révélatrice : à la fois pour l’artiste (révélation de son intimité, de son discours ingénieux et pénétrant, de son corps mis à l’épreuve de l’animalité et de la nudité) et pour le public (mis doucement en danger, car présent sur le lieu de jeu et mené à se déplacer sur la scène avec l’artiste).
Abecedarium Bastiarium construit un dispositif savant et amusant, extrêmement riche dans ses réflexions sur les corps, les genres et les espèces animales. Et Antonia Baehr nous fait aussi le cadeau de mélanger délicieusement le français, l’anglais et l’allemand : une couche réflexive supplémentaire absolument exaltante.