L’écriture chorégraphique est comme écrire sur les vagues…
La danse de Mats Ek ne fera pas répertoire.
Est-ce son caractère actuel, quotidien, qui pousse le chorégraphe suédois de bientôt 70 ans, à la faire disparaître lors de cette dernière cérémonie aux Champs-Élysées?
En deux actes, le premier avec la pièce de 1994 She was black où les virtuoses du Semperoper Ballett Dresden s’électrisent dans une danse sauvage, clandestine comme pourrait l’être le flamenco, sous l’arbitrage d’un Monsieur Loyal sur pointes et en chapeau melon.
Le second reprend Solo for 2 où Dorothée Delabie de l’Opéra de Lyon parvient à calfeutrer l’absence mélancolique de Sylvie Guillem (encore des adieux…). Pas-de-deux où homme et femme interchangeables s’aiment tout simplement et s’enroulent dans le piano magnétique d’Arvo Pärt. Vient ensuite la création du soir, dans la lignée de Place (2010) pour Ana Laguna et Mikhaïl Baryshnikov, ode au vieillissement du danseur.
Hache est un énième dialogue de sourd entre un homme débordé et une femme qui essaie de compter.
Il s’agit, plus que de danse théâtrale, d’une danse littéraire: on y retrouve les obsessions au sujet de l’absurde et l’absence de Beckett, Duras ou Ibsen; on retiendra sa partition de La Maison de Bernarda Alba (Garcia Llorca) pour l’Opéra de Paris en 2011…
Mais, dans les histoires de Mats Ek, les choses finissent toujours dans une acceptation sereine.
C’est peut-être pourquoi il nous offre la possibilité de la fin; de se séparer pour de bon de ces œuvres accrochées à une temporalité nostalgique, des souvenirs aujourd’hui révolus, qu’il ne voudra pas réanimés.
Ainsi il a résilié les droits pour l’ensemble de ces créations, qui ne seront plus dansées…
Nous garderons dans les yeux la silhouette encore si souple de son épouse et muse, la magicienne Ana Laguna et ses prières en mouvement.
Il nous aura transmis une gestuelle unique, une danse dénudée; c’est d’ailleurs dépouillé de tout superflu que le spectacle s’achève sur un Théâtre des Champs-Élysées sans décor, originaire.
Il aura toujours parlé du passage du temps; place donc aux successeurs, sur lesquels ne pèsera pas le poids d’un héritage.
du 8 au 10 janvier 2016