Entre théâtre et danse, la dernière création de la Compagnie Toujours Après Minuit propose une énergique réflexion sur les normes et les conventions, l’identité ressentie à l’intérieur de soi-même et celle partagée par l’entourage auquel les corps sont soumis.
Une ironie irrésistible, un comique excellent investissent la scène dès le début de la représentation. Et aussi une merveilleuse capacité à bouleverser les images conventionnelles des gestualités et des mouvements grâce à des corps différents par rapport à ceux auxquels on est habitués dans les créations de danse contemporaine.
Des corps décalés qui jouent de leur différence, de leurs exagérations, des travestissements successifs qui créent des liens entre les six comédiens-danseurs. Des corps qui déséquilibrent les frontières du féminin et du masculin, du nu et de l’habillé, du gracieux et du comique et qui inventent sous nos yeux de nouvelles possibilités visuelles et sensitives – simplement de nouvelles images.
Ces frontières symboliques auxquelles s’accompagnent de riches expériences autour du langage : se mélangent différentes langues (le français, le castillan et le catalan) et différents accents et les monologues qui passent d’un personnage à l’autre (Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna mettent en scène de vrais personnages, dont on saisit chaque caractère, chaque force individuelle), d’une bouche à une autre, à indiquer la multitude des possibilités expressives, la fragilité des liens humains, le langage à la fois comme lieu de l’intime et de la façade sociale.
Les corps, leurs travestissements et leurs paroles, les musiques, l’espace – tout cela ensemble creuse des déplacements stratifiés dans le ressenti des gestes et des mouvements. Entre intimidation des costumes de l’autorité religieuse (une référence au XVIe siècle espagnol et à la figure historique de Juana I de Castille et d’Aragon) et sensualité soudaine et irréfrénable, avec sa nouvelle création la compagnie Toujours Après Minuit séduit le public en le plongeant dans un jeu irrésistible de sensations et de comique.
http://www.theatredelaville-paris.com/spectacle-lang-190-fr
Gloria Morano
© Etat-critique.com – 11/03/2010