Tout le monde ou presque a en tête des vers d’Aragon, que tant d’artistes ont chanté, de Jean Ferrat à Isabelle Aubret en passant par Marc Ogeret. Mais l’on connaît moins l’œuvre de sa compagne Elsa Triolet, qui fut pourtant la première femme à avoir le prix Goncourt et qui a été décorée pour sa lutte contre le nazisme. Leur histoire d’amour est magnifiée par les textes de Louis Aragon, en particulier dans les recueils Les Yeux d’Elsa et Fou d’Elsa. On a rarement écrit des vers aussi intenses sur le sentiment amoureux. Il a également fait souvent référence aux œuvres d’Elsa Triolet dans ses propres textes.
D’autres textes, moins connus du grand public, tel le sublime roman Aurélien sont également mis à l’honneur pendant cette lecture-spectacle. L’extrait sur la confrontation de deux univers sociaux à la piscine est criant de vérité. Tandis que quelques pages d’un autre ouvrage, qui évoquent un interrogatoire surréaliste et glaçant par la Gestapo, nous font frissonner tant Ariane Ascaride et Didier Bezace les interprètent avec conviction. La mise en scène est sobre, lumières tamisées, hauts tabourets, lutrins, comédiens côte à côte, lisant à peine leurs feuilles tant les textes les habitent. Ariane Ascaride et Didier Bezace se répondent, et les mots des deux amoureux se transforment alors en écho. Chamailleries, complicités de toutes sortes, les textes lus ici mettent en lumière des aspects peu connus des deux auteurs, qui ont vécu de nombreuses années ensemble. Lorsque la mort les sépare, Aragon est effondré, tant leur union fut forte.
Sur scène, chacun des deux comédiens se glisse dans la peau du héros des livres d’Elsa ou de Louis ou devient l’un des deux écrivains. Avec cependant toujours un certain retrait et de l’humilité. Et surtout, dans la diction et le choix des textes, une grande douceur.
Théâtre du Lucernaire,
jusqu’au 24 novembre 2019
à 19H du mardi au samedi,
le dimanche à 16H