Le livre démarre par le récit échevelé de la fuite d’une jeune femme parvenant à s’échapper d’une pièce insonorisée où elle a été séquestrée et violée par son ex-compagnon.
« Je jaillis par la porte, les bras battant telles deux hélices désaxées, titubant comme une femme brûlée vive : les cheveux et les vêtements en flammes. Ou bien je ne titube pas. » (page 9)
Cette fuite n’est que le point de départ de l’histoire traumatique de Lacy M. Jonhson (le livre n’est pas un roman mais le récit d’une expérience vécue). La narratrice raconte combien cet homme soufflait le chaud et le froid sur son existence, alternant tendresse et violence physique pour mieux exercer son emprise, jusqu’à lui faire comprendre l’étendu de son droit sur elle, un droit absolu de vie et de mort.
Il est difficile d’admettre que l’on a été la victime de celui que l’on a aimé ; la raison s’y refuse et le cerveau n’hésite pas à reconstruire certains souvenirs pour rendre les choses moins insupportables. Les années passant, Lacy M. Jonhson tente de se reconstruire et tâche de bâtir une vie saine et équilibrée. Pourtant, malgré les kilomètres et les années, la distance entre Lacy M. Jonhson et son agresseur n’est pas abolie. Les thérapies et les pilules (qu’elles soient jaunes, bleues ou blanches) n’y changent rien : il est toujours là, tapi dans l’ombre de ses cauchemars et de ses angoisses.
Au fond, peu importe qu’elle ait été sa prisonnière pendant cinq heures (la durée du kidnapping) ou deux ans et demi (la durée de leur relation). Ce qui compte, c’est qu’il a tatoué son âme à l’encre de la peur et de l’angoisse, un traumatisme qui reste vivace même après une décennie. De ce point de vue, le témoignage est impressionnant.
La façon distanciée qu’a l’autrice de raconter son histoire est assez troublante. Les personnages n’ont pas de nom, elle les appelle Ma Grande Sœur, Ma Grande Amie, Mon Bel Ami ou encore, et surtout, l’Homme Avec Qui J’ai Vécu. Difficile de dire si cette distanciation rend le livre supportable ou encore plus glaçant !
Date de parution : 21/04/2022
chez 10/18, collection Littérature étrangère
Héloïse Esquié (traduit par)