Peut-être que l’humour est la chose au monde la moins partagée ? Peut-être qu’ « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui » selon les mots de Pierre Desproges…
Pour la réouverture du Théâtre du Rond-Point, Pierre Notte, auteur associé, investit la grande salle Renaud-Barrault avec 3 acolytes : 2 comédiennes chanteuses (Pauline Chagne, Marie Notte) et 1 comédien-pianiste (Clément Walker-Viry) pour un spectacle musical pensé comme un cabaret foutraque, censé interroger l’Affaire Weinstein et la guerre des sexes.
L’enjeu est double : synthétiser le mouvement Me too, et montrer que l’on peut rire de tout.
Au fil du cabaret-procès, Weinstein se sent pousser des seins tandis que le public est appelé à voter « pour » ou « contre » le grand pardon de l’ancien producteur-prédateur sexuel.
Projet sympa sur le papier ; n’empêche que le ton de ce spectacle m’a laissé un goût amer. Sa fin particulièrement, qui fait rimer « mitraillettes » avec « Alep », en convoquant sur scène la détresse d’un peuple exsangue après 10 ans de guerre civile… On s’éloigne du sujet il me semble et je n’arrive pas à rire malgré les mines et la musique enjouée. On me rétorquera que c’est de l’humour noir, bien entendu, et que le théâtre n’a pas vocation à nous rassurer. Je suis d’accord sur tout. N’empêche que cette fin décalée est symptomatique d’un spectacle qui ne veut pas finir, qui hésite entre plusieurs fins (vous reprendrez bien un peu de « Moi aussi je suis Catherine Deneuve* », pour les intimes…), plus proche du tour de chants ou du puzzle que du grand procès populaire qu’il nous promet.
Aussi, c’est toujours ambitieux de prétendre synthétiser une guerre des sexes éternelle : on convoque Peau d’âne, Adam et Eve, Simone de Beauvoir, on analyse les spécificités biologiques des genres, on brasse des théories… et on perd un peu le fil.
Ceci dit, il y a dans cette troupe un talent incontestable et visiblement un bonheur à partager la scène et à retrouver son public. Le bonheur pour moi, ce soir de reprise, c’est de découvrir la chanteuse et comédienne Pauline Chagne. Elle a été harpiste avant de suivre les parcours comédie et comédie musicale des cours Florent. Elle est l’instigatrice de « Moi aussi je suis Barbara », adapté de la pièce de Pierre Notte, qui devrait reprendre en septembre 2021 au Théâtre du Lucernaire. Ici en robe laminée noire, cheveux longs et sourire épanoui, elle nous offre de beaux moments d’émotion suspendue et d’interprétation musicale.
Si vous aimez l’humour noir et danser sur un volcan ; si l’idée de célébrer les pieds dans la boue – voire dans le sang – ne vous effraie pas, alors venez fêter le déconfinement et la fin de la guerre des sexes, jusqu’au 26 juin au Théâtre du Rond-Point.
*Pièce et grand succès de Pierre Notte, qui lui a valu le Molière du meilleur spectacle privé en 2006.
Jusqu »au 26 juin 2021
Théâtre du Rond-Point
Texte, musique et mise en scène : Pierre Notte
Avec : Pauline Chagne, Marie Notte, Pierre Notte, Clément Walker-Viry
Costumes : Alain Blanchot
Arrangements musiques : Clément Walker-Viry
Création lumières : Antonio de Carvalho
Son : Adrien Hollocou
Assistanat à la mise en scène : Jeanne Didot