Il faut cultiver notre jardin! Les dernières paroles de Candide, héros du conte philosophique de Voltaire nous évoquent une possibilité de calme, de quiétude et de bien être. Tout en travaillant. En cultivant, peut-être, un art de vivre.
En face de tous les troubles qui nous titillent depuis des mois, rien de tel qu’un jardin pour s’y ressourcer et s’y épanouir. Pour ne pas s’user à des débats ou mésaventures vaines, un petit bout de terre peut nous faire retrouver le goût des bonnes choses.
Il y a des artistes chez nous qui fonctionnent un peu comme cela. Ils s’accrochent à l’hédonisme ou à une forme épicurienne de la musique. Ils ne veulent pas forcément répondre aux conventions et se cherchent un petit lieu bien à eux où ils expérimentent leur musique, atypique et bien souvent accueillante. Voici donc trois endroits bucoliques, vivants et rieurs qui s’écoutent.
Julie Gasnier possède un joli terrain fertile et d’une originalité folle. Il ne faut pas compter sur elle pour faire comme les autres. Ses orchestrations sont farfelues et servent des textes qui trouvent une densité étonnante.
Pourtant le style serait presque minimaliste. Et au bout des treize chansons de son album on est stupéfait par l’ampleur des sons. L’habileté de la jeune femme impressionne dès la première écoute, qui nous ferait croire à une folkeuse évaporée.
Feux de Nuit nous éclaire sur une artiste qui ne semble avoir peur de rien. Elle ne choisit pas la facilité mais se régale à nous surprendre. Les musiques frôlent des mots pour les rendre plus forts. On se fait bercer par sa poésie délicate et en même temps, très terre a terre. Du Sommet, De son bec, Ma Plaine ou Qu’il pleuve, voilà des titres qui en disent long sur son rapport à la nature et toute l’inspiration que ça provoque chez cette chanteuse surprenante.
Encore plus abordable semble être la sautillante Clair qui vous invite pour son premier effort dans sa Maison Magique. Là encore, c’est une bouffée d’air frais mais on reconnaîtra la patte du jardinier : Philippe Katerine.
Avec Clair, on retrouve un potager de pop rétro et rigolote. Le producteur continue à creuser dans son style entre humour vintage et efficacité redoutable et ne gomme pas cependant la personnalité de son ancienne choriste, Clair et sa voix séduisante.
On tombe facilement amoureux de la propriétaire de cette Maison Magique qui se trouverait vers Saint Gilles Croix de Vie selon les sérieux indices laissés sur le disque. Elle profite des petits riens, d’une fausse désinvolture pour nous faire apprécier de petites chansons subtiles, qui lorgnent sur une pop quasi californienne et captent une candeur bienvenue et bienveillante.
N’hésitez pas à vous installer dans son jardin face à la maison, dans un transat avec la ferme intention de ne rien faire. Ce disque est une invitation au farniente !
Mais s’il faut se perdre quelque part en ce moment, c’est dans Les Royaumes Minuscules de l’inévitable Voyou. Là encore on devine une proposition pour s’échapper de tout ce qui vient nous agresser.
Le Nordiste se prend désormais pour Thomas Fersen. Les animaux, leur observation lui donnent des idées et elles sont souvent charmantes. Il nous faisait penser à un Souchon hype ou un Dick Annergan français ; désormais il est un entomologiste qui se révèle être un ethnologue.
Sa musique continue de fanfaronner mais le regard du musicien est d’une poésie raffinée qui emberlificote le sort des hommes à son environnement. La légèreté ne veut pas dire la vacuité : son attention au monde qui l’entoure fait de Voyou, un vrai troubadour habile, rusé et amusant. Son royaume est joyeux, luxuriant et gentiment rétro. Les arrangements sont cultivés avec méthode et finesse.
Il nous faut cultiver notre jardin. C’est ce que font avec passion ces artistes, véritables pépiniéristes de la chanson française.
Julie Gasnier – Feux de Nuit
Clair – La maison Magique
Voyou – Les Royaumes Minuscules