Comme en fin de saison 2010, le Théâtre de la Ville termine son année avec des metteurs en scène italiens et, comme l’année dernière, Ascanio Celestini fait partie des artistes invités.
Ascanio Celestini, écrivain, comédien, metteur en scène et réalisateur romain, collabore depuis plusieurs années à l’émission télévisuelle « Parla con me » qui sur la chaîne RaiTre présente les sketches d’humoristes toujours engagés politiquement.
Les interventions de Celestini closent toujours cette émission : 5 minutes de monologues ; du comique, qui, sur fond noir, met en scène « l’homme moyen » italien, l’ouvrier, l’industriel ou le mafieux. La critique de la société et de la politique italienne est ici constante, drôle et rapide. Chaque tableau narré devient un petit conte dans lequel le langage joue sur les répétitions, les expressions dialectales, les images du quotidien.
Le spectacle La Fila Indianareprend et réorganise plusieurs de ces saynètes et les joue sur une scène minimaliste, accompagné d’un guitariste discret et de l’artiste Patrick Bébi qui a ici fonction d’extraordinaire traducteur suivant au mieux le rythme impétueux des paroles de Celestini.
Le côté paradoxal et pourtant banal des situations mises en scènes a un effet cathartique immédiat qui satisfait et enthousiasme le public à majorité italienne, mais l’effet cathartique est de courte portée : toutes les limites de la transposition de saynètes télévisuelles sur un plateau de théâtre sont ici rendues évidentes. Les monologues perdent de leur efficacité au fur et à mesure qu’ils sont récités, car ils manquent de puissance et de profondeur, la banalité du désastre de la société italienne narrée reste finalement assez factuelle. La critique de l’Italietta berlusconienne est ici facile et faible du point de vue du langage ainsi que de celui de la force critique analytique et philosophique. Chez le spectateur rien n’est vraiment touché, l’humorisme de plateau télévisuel reste tel, rien ne bouscule la vision des choses préfaite et simpliste, que tout le monde connaît déjà et que la plupart des comiques italiens exploitent depuis bien longtemps. Celestini ne cherche pas à construire une vérité plus profonde, il ne fait que répéter des clichés désormais faux et dépassés, il s’enferme dans cette description uniforme de l’ « italien moyen », censé représenter tous les italiens, ou des hommes politiques mafieux et corrompus, censé évoquer Berlusconi et les autres membres des partis actuels.
Aucune autre voie de critique ou d’action n’est donnée et le public semble adhérer à cette facilité, une catharsis simple et rapide, une manière habituelle de rire des maux italiens, de se sentir supérieur et innocent par rapport à ce désastre…
La Fila indiana est un exemple de partage d’un registre commun entre le metteur en scène et le public, un partage complaisant dépourvu de toute réelle portée discursive et imaginaire.
Gloria Morano
© Etat-critique.com – 17/06/2011