En traitant des thèmes universels de l’utopie, du pouvoir, de la résistance, La hache et le violon est un grand roman qui confirme le statut d’auteur contemporain majeur d’Alain Fleischer.
« La fin du monde a commencé sous ma fenêtre. Il fallait bien que cela commence quelque part : il se trouve simplement que je suis bien placé pour parler de ce début. »
Au début des années 30, dans une petite ville d’Europe centrale, un professeur de piano assiste de sa fenêtre aux premiers événements de ce qui pourrait bien être la fin du monde : un fléau meurtrier et invisible, qui entretient un rapport de forces mystérieux avec la musique et foudroie ses victimes en pleine rue. La résistance à ce fléau est d’abord conduite par les autorités et prend des formes successives et contradictoires, jusqu’au moment où l’organisation secrète d’un vieil érudit, Chamansky, ancien ingénieur en optique devenu luthier, parvient à imposer la musique comme arme suprême pour vaincre l’ennemi.
En ouvrant son roman par une de ces phrases appelées à passer à la postérité (« La fin du monde a commencé sous mes fenêtres »), Alain Fleischer frappe les esprits et capte l’attention du lecteur qui n’aura plus de répit avant longtemps. D’autant moins qu’à cette histoire qui met en jeu l’avenir d’une partie de l’humanité, il n’hésite pas à mêler une autre histoire, tout aussi universelle, mais qui touche, elle, à l’intime de son narrateur et de sa relation à la jeune Esther.
Mais c’est surtout, c’est le style d’Alain Fleischer qui fascine irrésistiblement. Sa faculté à raconter sans dévoiler, à choisir ses mots et composer ses phrases pour faire avancer son récit en lui donnant de faux-airs de surplace. Son talent pour entretenir un certain mystère jusque dans les faits les plus ordinaires. Sa propension à aborder, en profondeur, des thèmes aussi importants que le pouvoir, l’utopie ou la résistance collective. Toutes qualités qui, 350 pages durant, font de La hache et le violon un grand roman kafkaïen dont on savoure chaque phrase et qui s’insinue dans chaque fibre de notre être.
Dommage simplement que les 50 dernières pages, qui composent la (courte) troisième partie de l’ouvrage, se perdent dans des divagations fantaisistes et viennent un peu ternir ce grand roman de littérature et de conscience politique qui confirment Alain Fleischer dans son statut d’auteur contemporain majeur.
374 pages – Point seuil