Quand la nostalgie devient source de joie et de tendresse.
Tout commence en musique, sous les airs de la Sonate au Clair de Lune de Beethoven. Elle est déjà en scène, assise centre scène sur une chaise noire, sur une plateforme étroite, noire, ne pouvant contenir que deux chaises côté à côte. Marilyn Pape, dans une espèce de corset gainant couleur chair attend et regarde le temps passer. Côté jardin, entre Eulalie Delpierre. Elle s’apprête à monter sur la 2e chaise. Se dévêtit, range sa robe dans un tiroir de la chaise, et endosse une nouvelle peau en corset couleur chair. Elle monte sur la plateforme et prend place.
C’est alors que débutent les échanges entre les deux septuagénaires, la nouvelle venue et celle qui a déjà vu passer une précédente compagne. Le lieu est mystérieux. Au mileu de nulle part, assises comme sur un ilôt perdu dans l’espace temps, exposées comme dans un musées, les deux femmes agées font connaissance et s’apprivoisent, le regard face public en quête de vie et de vie passée.
Avec une grande sincérité, les deux femmes jouent une vieillesse d’une belle humanité. Elles égrainent le temps et son impact sur le corps. Sans rancœur, avec du piquant parfois, elles rappellent combien les souvenirs sont aussi des sources de jeu et d’existence. Le souvenir d’une cigarette suffit à raviver la tentation d’en griller une. L’une a été danseuse quand l’autre a été chanteuse et comédienne. Le texte de Pierre Notte projette ainsi le texte et les personnages dans des mises en abymes laissant ainsi l’occasion à Marilyn Pape de raviver Le Lac des cygnes et à Eulalie Delpierre une chanson mémorable de Dalida, avec beaucoup de tendresse et d’humour. On rit, on sourit et on se laisse aisément guider par les cabotineries de ces deux vieilles qui évoquent tous les sujets avec dignité.
Face public, l’effet de miroir et d’identification fonctionne parfaitement. En parlant de vieillissement, chacun y trouvera source de questionnement sur la fin de vie. Les deux septuagénaires nous rappellent la préciosité du temps qui passe et qui ne se rattrape jamais. La nostalgie des blattes mise en scène par Marilyn Pape se termine sur la chanson de Serge Reggiani Le temps qui reste. Main dans la main, les deux personnages quittent le plateau, puis la salle. Une fin et une ode au temps émouvantes qui nous invitent plus que jamais à s’en saisir et à agir.
Manufacture des Abbesses – Théatre à Paris
Représentations du 23 août 2023 au 14 octobre 2023 / mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 19h
La Manufacture des Abbesses – 7 rue Véron – 75018 Paris – Métro : Abbesses ou Blanche
Tournée 2023-2024 en cours : La Chapelle Naude (10/11/23), Morteau (1/02/24), Cluny (30/04/24),
Lure (28/06/24).