Avec cette épopée chevaleresque dans l’enfer du siège de Malte par l’armée ottomane en 1565, Tom Willocks renoue avec le roman d’aventure (post) médiéval au long souffle.
Le premier mérite de Tom Willocks est sans doute d’avoir osé l’aventure d’un genre tombé en désuétude sous cette forme pour muter en un grand bazar baptisé « heroic fantasy » (avec tout ce que la connotation peut avoir de péjorative lorsqu’on évoque des ouvrages mal ficelés, mal traduits et mal édités pour un public adolescent – attardé quelquefois -, peu regardant sur flacon pourvu qu’il ait l’ivresse).
Ici, pas de dragon cracheur de feu ou d’elfe magique. Pas de grimoire secret ni de pouvoir surnaturel… Non. Fidèle en cela à la longue tradition du genre, La Religion est d’abord construit sur une page d’histoire bien réelle, abondamment documentée et fidèlement restituée.
En 1565, Soliman le Magnifique se mets en tête de prendre Malte, devenue la base arrière des chevaliers de l’ordre chrétien des Hospitaliers depuis qu’il les a chassé, trente ans plus tôt, de l’île de Rhodes.
C’est donc une formidable armada composée de centaines de navires qui apparaît en vue des côtes maltaises le 18 mai 1565. Plus de 120 000 hommes en débarquent pour assiéger les forteresses de Saint-Elme et du Borgo qui défendent l’île sous le commandement du Grand maître Jean Parisot de La Valette et de ses 512 chevaliers et 3000 hommes de troupe. Quatre mois et 40 000 morts plus tard, les Ottomans lèveront le siège et rembarqueront dans leurs galères à l’annonce de l’arrivée de renforts chrétiens !
Le second mérite de Tim Willocks est d’avoir offert aux lecteurs passionnés un nouvel héros inoxydable, guerrier intrépide, baroudeur impénitent, traficant à l’occasion, aventurier sans limite, j’ai nommé Mattias Tannhauser. Flanqué de son fidèle Bors de Carlisle, sorte de géant indestructible à la force herculéenne et au cœur « gros comme ça », il habite ce long roman avec un bonheur (de lecteur) rarement égalé.
Intrigues religieuses et politiques, aventures épiques et chevaleresques, veuve et orphelin, amours infinies et contrariées, guerres apocalyptiques et chevauchées au long cours, serments et trahisons : rien ne manque à ce pavé qui tient son lecteur en haleine du début à la fin, distillant avec art et talent les suspens et les rebondissements, les joies et les peines, les victoires et les échecs.
Jusqu’à l’écriture (la traduction) soignée de l’auteur qui contribue à faire de La Religion, sinon un livre culte ou un texte sacré, au moins un pavé (païen) pesant son poids de plaisir de lecture et porteur de l’espoir de retrouver un jour Mattias Tannhauser dans de nouvelles aventures !
950 pages – Pocket