Ce roman de Russell Banks est une histoire d’amour et de mort, où le mensonge et la folie ont une part importante. Banks en profite pour nous rappeler que les sociétés sont structurées sur l’inégalité. Est-ce démodé ?
La scène inaugurale de La réserve se situe dans un lieu sauvage et préservé des Adirondacks où quelques personnes riches et célèbres ont consitué une « réserve » dans laquelle les gens du coin sont à leur service domestique.
Dans ce lieu paradisiaque, ils se retrouvent le jour de la fête nationale. Les Cole donnnent une réception. Leur fille Vanessa s’est éclipsée dans le jardin et c’est là qu’elle voit l’avion personnel de Jordan Groves se poser.
Jordan Groves est un peintre, renommé autant pour ses toiles que pour ses récits de voyage et pour ses sympathies avec l’idéologie Marxiste. La rencontre entre cet homme-là et Vanessa Cole, fille de bonne famille dévoyée et bordeline, va avoir des retombées qui vont irriguer le dernier roman de Russell Banks.
L’histoire d’amour qui va se jouer entre eux, va mettre plus de trois cent pages à aboutir et elle n’est pas l’enjeu premier de l’écrivain. Ou plutôt ce roman décrit magnifiquement comment une histoire amoureuse, même inaboutie, entraine dans son sillage les proches dans un procesus de destruction.
Banks arrive à un âge respectable, pose son écriture, lui donne une patine classique. Il inclut l’être humain dans la nature et prend autant de temps à décrire la luxuriance des arbres ou des lacs qu’un mouvement de l’âme, une analyse psychologique poussée.
A vrai dire, ce n’est peut-être pas ce que Banks narre qui est fascinant (quoique…), mais la narration elle-même. Il nous emporte sur un fleuve tantôt majestueux, tantôt tumultueux.
Et puis l’on retrouve dans ce roman, de manière assez forte, la famille vécue comme un carcan et comme un nid de mensonges.
Dans de courts passages qui alternent avec le récit principal, l’auteur nous montre Jordan ou Vanessa après que leur histoire ait eu lieu. Il nous fait sentir combien les parcours individuels cotoient l’Histoire et combien parfois, ils peuvent s’y perdre.
En lisant La réserve, on comprend qu’un bon – un grand – écrivain, c’est avant tout une main tendue qui attrape la vôtre et ne la lache plus, et qui fait passer son point de vue autant en contrebande qu’avec des mots et des phrases.