Catherine Deneuve et Rod Paradot font de ce film engagé, qui rappelle les mérites de l’éducation, un émouvant duo d’acteurs.
Le festival de Cannes 2015 s’est ouvert sur un film engagé, « un film sur l’éducation » et ses vertus, d’après la réalisatrice, Emmanuelle Bercot (interview du Figaro), qui rend hommage aux travailleurs sociaux et au personnel de l’administration judiciaire française pour leur dévouement en faveur de la réinsertion sociale des jeunes délinquants.
On suit le parcours chaotique de Malony, un enfant élevé par une mère célibataire trop jeune et immature, de sept à dix-sept ans, un parcours marqué par des rencontres régulières avec la juge qui le suit, une formidable Catherine Deneuve, figure de l’autorité à la fois ferme et (grand)-maternante, et de fréquents séjours en centres de rééducation. « La tête haute », c’est à la fois l’attitude de Malony, qui tient tête aux adultes, fait la « forte tête » plutôt que de trahir ses secrets, mais c’est aussi la dignité de tous ceux qui l’accompagnent, lui et ses compagnons de galère, qui croient en eux, les traitent avec respect et ne baissent pas les bras.
Comme Polisse, dont Emmanuelle Bercot était la coscénariste, (mais dans une moindre mesure), le film prend parfois des allures de documentaire, en particulier lors des scènes de groupe dans les nombreux centres de réinsertion pour mineurs que fréquente Malony. On y perçoit alors le climat de violence latente et la vigilance des éducateurs, prêts à intervenir à la moindre altercation. Les rechutes et récidives de Malony et ses entretiens répétés avec la juge, s’ils peuvent lasser, sont pourtant tout à fait réalistes. On sent là un film bien documenté, soucieux de montrer avec exactitude le quotidien de ces jeunes et de leurs accompagnateurs, dont la principale qualité est la patience.
Le parti pris de montrer le système social français sous son meilleur jour – tous les travailleurs sociaux, jusqu’au directeur de la prison, ont un comportement exemplaire et font un travail remarquable, à l’exception peut-être d’un proviseur de collège qui commet une maladresse – est quant à lui discutable. Il est bien possible que de nombreuses mains soient tendues à ces jeunes en difficulté, mais des dysfonctionnements existent sûrement et il serait plus honnête de les évoquer
Contrairement à Polisse, qui mêlait les histoires personnelles des policiers à leur vie professionnelle, La Tête haute se concentre sur l’adolescent, dont le visage et les mains, nerveux, sont filmés de très près, et son parcours – pas d’incursion dans la vie privée de sa juge et de son éducateur. Cette sobriété bienvenue permet de mieux ressentir la tension de Malony lors de ses confrontations avec les différents adultes et offre quelques scènes marquantes, comme celle de sa première expérience amoureuse. Rod Paradot, révélé par le rôle, incarne avec une grande sensibilité cet adolescent farouche et hypertendu, incapable de maîtriser sa violence, à la fois exaspérant et attachant.
Le personnage de sa mère, en revanche, (interprété par Sara Forestier) immature et vulgaire à outrance, affublé d’une dentition gâtée, est caricatural et du coup moins crédible. C’est dommage, car ce manque de finesse fait pencher le film du côté de la démonstration, alors qu’il gagne à être vu comme une belle histoire singulière, celle d’un adolescent en manque de repères et de la relation privilégiée qu’il a nouée avec « sa » juge.
avec Catherine Deneuve, Rod Paradot, Benoît Magimel, Sara Forestier – 13/05/2015 – Wild Bunch Distribution – 2h