Art-scène, Théâtre

La vie secrète des vieux, Mohamed El Khatib, Abbesses

(c) Yohanne Lamoulere Tendance floue

Ce n’est pas tous les jours qu’on voit des vieux sur scène, surtout des vieilles et des vieux « normaux », des bedonnant.e.s, des ridé.e.s, des pas connu.e.s, des pas lifté.e.s ni botoxé.e.s. Ce spectacle est, de ce point de vue, assez extraordinaire.

Mohamed El Khatib a constitué une troupe de vieillards qui nous racontent leur vie secrète, leur vie intime, leur vie sexuelle.

D’abord, elle est délicieuse, cette bande de vieux qui livrent sans pudeur leur sexualité sur un plateau. C’est jouissif de voir ces vieux aux corps plus ou moins abimés nous dire crument leurs plaisirs, passés, présents et (s’ils ont de la chance !) futurs.

« Je ne veux pas mourir sans jouir encore. » « Je ne peux pas m’empêcher de penser, à chaque fois que je fais l’amour, que c’est peut-être la dernière fois. Alors je m’applique. »

Et puis, le spectacle prend un tour plus militant, plus revendicatif. Yasmine, aide-médicale présente sur scène, nous décrit son quotidien auprès des résidents d’un EPAHD. Son témoignage est enjoué mais aussi immensément triste et extrêmement poignant.

Alors, alors les larmes me sont montées aux yeux. Pour de vrai. J’ai été ému, bouleversé par ces fins de vie et par ces adultes infantilisés (il est vrai qu’ils n’ont pas toujours toute leur tête) à qui l’on refuse les (derniers) plaisirs des sens.

« On a torché nos gosses toute leur enfance (…) et maintenant ils viennent nous faire chier ! ».

Et puis, lorsque j’ai pris conscience que Yasmine n’était pas aide-soignante mais comédienne (Yasmine Hadj Ali), je me suis senti floué et, oserais-je le dire? trahi. Bien sûr, c’est du théâtre et je sais que tout est faux. Sauf que le metteur en scène laisse entendre que ce sont des « vrais » gens qui racontent leur histoire (il parle de « théâtre documentaire »). Or si Yasmine est une comédienne, alors…

Alors, on peut douter de tout. A y bien regarder, il m’a semblé que El Khatib servait la soupe à son public. Avec ses faux airs provocateurs et naïfs, son spectacle flatte en réalité son public dans le sens du poil. A des spectateurs majoritairement blancs et bourgeois, il présente des vieux – majoritairement blancs et bourgeois eux-aussi – qui, s’ils ne sont plus de première jeunesse, ont une pêche d’enfer et un appétit sexuel rassurants.

« J’ai 91 ans et, je n’ai pas peur de le dire – j’espère qu’il n’y a pas d’enfants dans la salle – j’ai envie de faire l’amour tous les jours. »

Alors, je me suis dit que Mohamed El Khatib est un roublard. C’est un spectacle plaisant à regarder et très très efficace. Presque trop.


Jusqu’au 26 septembre 2024
au Théâtre de la Ville de Paris – Abbesses(dans le cadre du Festival d’automne 2024)
Puis en tournée.

Durée 1h10
de 8 € à 33 €

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