Un honnête film du dimanche soir qui rend hommage à un impressionnant bonhomme dont le combat contre la pauvreté est toujours d’actualité.
Fils d’un riche industriel lyonnais et catholique, Henri Grouès consacra sa vie au Christ en devenant frère Capucin, un ordre de moines qui vivent dans une pauvreté. Mais il était trop fragile pour cette vie dénuée de tout.
« Vous n’êtes pas fait pour les capucins (…) vous serez plus utile ailleurs » lui dit le Père Abbé au bout de sept ans.
Après le monastère, Henri Grouès connaitra le désert, s’engagera dans la Résistance, se fera élire député avant de fonder Emmaüs, « un endroit pour ceux qui n’ont plus rien », un lieu où les exclus sont accueillis sans qu’on leur pose de questions, sinon celle de savoir s’ils ont faim. Rebaptisé « Abbé Pierre », Henri Grouès dédiera alors son existence aux plus pauvres. « Servir avant soi qui est moins heureux que soi » fut sa devise.
Car pour l’Abbé Pierre, un homme est un frère, tout simplement. Sa générosité sans œillères et l’intensité de son indignation forcent l’admiration.
Benjamin Lavernhe (de la Comédie française) impressionne par son interprétation de l’Abbé Pierre, de ses vingt ans jusqu’à ses quatre-vingt-quatorze ans. Au-delà de la transformation physique (d’ailleurs plutôt réussie) à grand renfort de prothèses, ce qui m’a le plus frappé, c’est la façon dont le comédien redonne vie à la voix l’Abbé, à sa diction si particulière à la fois fragile et chevrotante mais d’une force et d’une détermination sans failles.
J’apprécie aussi que les auteurs du scénario aient mis à l’honneur Lucie Goutaz (interprétée par Emmanuelle Bercot), celle qui fut la compagne de route de l’Abbé et la cheville ouvrière d’Emmaüs.
Pour le reste, le film est vraiment réalisé au gros sel. Le réalisateur, Frédéric Tellier, ne lésine pas sur le lyrisme un peu grandiloquent. Au menu notamment: beauté des paysages et musique expressive (avec cuivres et roulements de tambour crescendo pour faire monter l’émotion). Par moments, le film devient vraiment n’importe quoi au plan visuel ! Il y a parfois d’étranges zone de flou à l’image. Et dans la période « rock star » de l’Abbé (après qu’il a lancé un appel retentissant à la générosité à la radio à l’hiver 1954), on voit simultanément jusqu’à six Benjamin Lavernhe à l’écran, à grand renfort de split screens,
L’Abbé Pierre, une vie de combat est clairement un film de producteurs qui ont fait appel à un bon film maker et qui ont engagé un comédien capable de tenir le haut de l’affiche. Ils n’ont pas lésiné sur les moyens. Comme en témoignent le nombre de figurants et la qualité des costumes et des décors signés Nicolas de Boiscuillé, le film n’est pas fait à l’économie. On sent cependant un peu trop l’ambition de rentabiliser les 15M€ de budget en surfant sur l’image d’Emmaüs (à qui ne seront pas reversé de royalties).
L’Abbé Pierre, une vie de combat, est au demeurant un film honnête dont les auteurs se sont vraiment documentés. On n’est pas dans un biopic américain où tout est faux ! C’est un bon film familial dont il faut espérer qu’il remettra à l’honneur un message et un combat malheureusement toujours d’actualité.
« En temps de guerre, on ne dit pas Pouce, y a plus de sous ! »
Au cinéma le 08 novembre 2023
SND Films | WY Productions
137 minutes