La théâtralité en question
L’absence de guerre est un thriller politique qui emmène le spectateur dans les coulisses d’une campagne électorale sur le sol britannique. George Jones appartient au parti travailliste. Alors que la campagne s’annonce compliquée, un rebondissement politique lui permet de saisir la chance d’apparaître dans la lumière médiatique pour emmener son parti au pouvoir.
Dès lors le spectateur assiste au machiavélisme et au cynisme d’hommes et femmes à la conquête du pouvoir, quels que soient les obstacles à franchir. « Tu comprends, les gens croient que les élections, ça se gagne à coups d’arguments… Ils croient que quand un homme politique parle, c’est un acte raisonné. Mais pas du tout. C’est une stratégie. C’est une prise de position. Ce n’est pas un débat. En fait, il n’y a jamais de débat. » proclame le conseiller politique de Jones. Le texte écrit en 1993 par David Hare, appartient à une trilogie qui explore, sous forme de chroniques sociales et de comédies de mœurs, l’Angleterre de la fin du XXème siècle. Le ton est sévère. L’actualité politique et sociale française donne aujourd’hui une nouvelle coloration au texte britannique.
L’absence de guerre interroge par les mots la citoyenneté occidentale contemporaine. La mise en scène d’Aurélie Van Den Daele interroge le regard su spectateur et la théâtralité de la fiction. Le plateau, siège du parti, est surplombé d’un écran géant sur lequel est vidéoprojeté tout au long du spectacle gros plans et plans américains des comédiens. Le mur de fond de scène, vitré, laisse apparaître un autre espace scénique occupé par les comédiens, tandis que la partie jardin, seulement visible du caméraman, est occupée par un couloir allant vers le fond de scène. Une scénographie spectaculaire.
Le cameraman qui travaille au Steadicam retransmet le discours des personnages invisibles du spectateur sur le grand écran. La performance technique est remarquable. L’importante alternance des plans séquence dans les espaces OFF avec le jeu des comédiens en scène, la musique sous tension, donnent une réelle urgence à la pièce de Hare dans laquelle la théâtralité finit par se dissoudre au profit du tout-cran et d’une fiction plus cinématographique proche des séries américaines à succès comme House of cards. L’écran captif, les mouvements permanents des comédiens dans des espaces éclatés, font leur effet. Si le spectateur, hyperstimulé, perd en sensibilité pour absorber le point de bascule dramatique et la chute de l’anti-héros, le spectateur ne peut que s’incliner devant la force du dispositif scénique et le rythme très soutenu des comédiens. Un spectacle en phase avec notre civilisation audiovisuelle et la domination d’une image parlante qui laisse peu de place aux silences.
http://www.theatredelaquarium.net/L-Absence-de-guerre
à l’Aquarium du 8 janvier au 3 février 2019
du mardi au samedi à 20h – le dimanche à 16h
en tournée du 21 mars au 12 avril 2019
le 21 mars 2019 – LA FAÏENCERIE – CRÉIL
> les 2 et 3 avril 2019 – THÉÂTRE LES ÎLETS – CDN DE MONTLUÇON
> le 5 avril 2019 – FONTENAY EN SCÈNES
> du 9 au 12 avril 2019 – THÉÂTRE DE LA CROIX ROUSSE – LYON
(en cours sur 2019/20)