Toujours et encore, Clint Eastwood dépeint son Amérique, libre, farouche et ambigue.
Earl Stone aime les Lys. Il les cultive avec amour. Il les préfère aux hommes. Et même sa famille. Il ne va pas au mariage de sa fille pour recevoir un prix. Il n’a que ça en tête. Au crépuscule de sa vie, son business se fait avoir par internet. Sa maison est saisie. Seule, sa petite fille a de la pitié pour lui.
Et voilà, Earl, à 88 ans, qui se refait une santé financière en faisant la mule. Il transporte de la drogue pour un cartel mexicain. Il traverse l’Amérique avec des centaines de kilos de cocaïne cachés dans son pick up. Comme il a la tête et l’âge canonique de Clint Eastwood, les autorités ont bien du mal à mettre la main sur ce truand ridé…
Tiré d’une histoire vraie, La Mule vient après des films moins réussis d’un honnête artisan, un grand homme de cinéma et un américain pur jus. Il a la liberté qui coule dans ses veines. Il comprend le patriotisme. Il sait les contradictions de son pays. Il aime le jazz mais auss l’esprit conservateur américain, réduit en miette par la vulgarité de Trump.
American Sniper et son film sur l’attentat dans le train de Paris Bruxelles montraient un cinéaste en phase avec ces idées un peu raides et simplistes. Heureusement Sully a remis les pendules à l’heure sur son idée de l’héroïsme. La carrière de Eastwood est passionnante. Elle est ambiguë aussi.
Mais ça ne fait rien : La Mule est un beau film américain. La voiture, c’est la liberté. La musique, c’est la liberté. Les grands espaces c’est la liberté. Mais ce vieil homme va tomber dans le piège de la facilité, même à son grand âge. La sagesse ce n’est pas pour lui.
Comme dans Gran Torino (c’est le même scénariste), le personnage d’Eastwood est atypique mais surtout il est rude et sans concession. Incapable d’en faire une, Earl Stone est aussi un sale con qui a tout abandonné pour son boulot et qui réagit désormais par réflexe uniquement.
Le visage de Eastwood est un paysage à lui tout seul mais c’est vrai que le metteur en scène s’éclate littéralement sur les routes de son grand pays entre le Texas et l’Illinois. Sous couvert d’un petit polar pépère, il filme encore cette Amérique qui s’appuie sans cesse sur ses mythes, ses croyances et même ses erreurs.
Réactionnaire, Clint Eastwood est capable de justifier pourquoi toute sa vie il a défendu ses valeurs étranges pour nous. A 88 ans, il est pose un regard froid sur la violence d’aujourd’hui. Il ne nuance pas pour faire passer la pilule. Il contredit son polar avec des élans du cœur et un humour certain. Clint Eastwood est un homme presque trop tranquille!
Avec Clint Eastwood, Bradley Cooper, Michael Pena et Dianne West – Warner bros – 23 janvier 2019 – 1h56