Le génial dessinateur du Sommet des dieux s’éloigne des grands espaces et s’intéresse aux petits plats. Au lendemain du réveillon, du repas de Noel ou d’une grosse bouffe entre potes, ne lisez pas ce court récit qui vous fera saliver.
C’est un commercial. Il a une petite affaire d’import-export. Il vadrouille dans Tokyo et sa lointaine banlieue. Rien ne le différencie de tous les hommes pressés en costard. Il a juste un petit sourire narquois. Car sous ses airs de travailleur, le héros est un estomac sur pattes. Il cache bien son jeu. Mais dès qu’il a un peu de temps, il tente des restaurants typiques ou intrigants. Le gourmet solitaire retrouve dans ces endroits un peu d’humanité.
Impressionnant dessinateur, Jîro Taniguchi, a un trait d’une précision hallucinante. Ses descriptions de la ville sont d’un réalisme affolant. La tentaculaire Tokyo réserve des surprises, cachées par le gigantisme urbain que souligne le style du dessinateur habitué aux grands espaces (la saga Le sommet des dieux). Il dépeint au fil des promenades de monsieur Inogashira, des petites gargotes où des petits miracles culinaires sont réalisés.
Les auteurs observent ce court moment où l’homme se fait plaisir et partage avec d’autres des recettes culottées et raffinées. Un peu comme le cinéma d’Ozu, la bédé donne à voir une humanité résignée mais pleine d’espoir. A travers un acte inconséquent, manger, se dessine une étrange condition humaine.
Sous les plats, que l’on aimerait vraiment goûter, apparaît un constat aigre doux sur la société japonaise. L’absence même d’événements permet une grande clairvoyance et l’écriture se révèle d’une nuance assez rare dans le neuvième art.
Des anguilles grillées aux nouilles de blé tendre udon en passant par la portion géante de raviolis frits, l’anecdotique console, à sa plus grande surprise, le lecteur. Il lui donne envie de s’installer autour d’une table. Réunir des amis. Goûter à des mets exotiques. Et surtout partager.
198 pages – Casterman