Le gouvernement s’attaque à la France Moche. Il débloque 25 millions pour que les zones d’activités ne soient plus de sordides lieux de passages. Il veut mettre de la vie et de la couleur dans des zones commerciales grises et décharnées coupées par de longues voies ennuyeuses. Les hommes là-bas y sont des zombies comprimés par la société de consommation. Ce sont des zones de non-vie.
Les musiques d’ascenseur essaient d’aspirer la sourde dépression qui règne dans ces étranges lieux faits d’absurdité et de mocheté. Bref, le monde est laid et le gouvernement français veut le fleurir, le rendre plus beau, tout comme un musicien qui se mettrait à la recherche du Beau.
Jonathan Wilson est un petit génie de la musique. Le beau, il nous la présentait sous la forme d’un rock progressif mais très facétieux. On n’est pas dans la science fiction musicale mais nous sommes dans la réorchestration de genres musicaux avec une virtuosité qui épate. Il a secondé longtemps Roger Waters sur ses tournées.
Il rend beau la country ou le psychédélisme. Cette fois, avec Eat the storm, il orne l’alternatif d’une puissance mélodique totalement déraisonnable. Jonathan Wilson aurait pété les plombs? En tout cas, après des albums travaillés et abordables, il nous plonge dans son imagination débordante.
Tout se chevauche, des élans jazzy et des refrains pop. C’est un opus très bizarre mais qui offre le talent de l’artiste dans un état quasi brut. Et cela est très beau à écouter. Les hésitations deviennent des inspirations et les rugissements glissent vers des moments tendres et inspirants.
Lemon Twigs, duo de frangins restés dans les années 60 et 70, sont de leur coté à la recherche du bonheur : la chanson pop parfaite. Alors sur ce nouvel album, Everything Harmony, ils tentent de trouver l’accord parfait.
Et le duo réalise un disque quasi parfait. On les savait talentueux mais dans leur obsession, ils offrent à chaque album, un esprit différent et un style élégant. De leurs influences évidentes, ils parviennent encore à sortir un opus qui effectivement met en avant le sens de l’harmonie.
La plupart des chansons sont irrésistibles et ne sont jamais anecdotiques. Ils font fleurir des sons caressants et leur jeu de voix est ludique à souhait. On craque aisément dès les premières minutes. Et le temps joue pour eux. Chaque chanson a le charme suranné d’une vieux hit des Bee Gees ou une incroyable dextérité qui rappelle Crosby Stills Nash & Young. Les deux gringalets tiennent la comparaison. Promenez vous dans un endroit très moche en écoutant cela et vous vous trouverez dans un décor de comédie sentimentale.
Lemon Twig a laissé de côté sa flamboyance pour une mélancolie qui fera plaisir à Brian Wilson, roi de la ritournelle douce amer et habile. Un magnifique moment !
Le monde est plus beau aussi avec le second album de l’islandaise Laufey. Avec sa pochette paillette, on pouvait s’attendre à une nouvelle starlette de la pop mondiale. Hé bien non ! Moderne, la jeune femme chante un jazz féminin et tendre.
On se fait surprendre puis on est totalement séduit par la voix et l’orchestration qui pourraient nous transporter dans un salon lounge en train d’écouter le regretté Burt Bacharach. Les chansons sont douces mais ne manquent pas d’étonner car l’Islandaise sait mettre ce qu’il faut d’agilité dans le champ très balisé du jazz féminin. Les textes sont très contemporains et le traitement plus vintage que prévu.
Le jazz et les atermoiements font bon ménage dans Bewitched. Un disque subjuguant. Avec quelques euros, achetez un de ses disques et allez l’écouter dans l’endroit le plus craignos de la terre. Vous verrez comme ça peut devenir beau avec quelques notes, quelques paroles dessinées avec douceur, arrangements et talents. La musique peut creuser le ciel selon Baudelaire, elle peut aussi bien débuter les travaux pharaoniques pour tenter de rendre le monde un peu plus agréable…
Jonathan Wilson – eat the worm
The Lemon Twigs – Everything Harmony
Laufey – Bewitched