Le propre du roman est de faire vivre l’extraordinaire à des êtres plus qu’ordinaires.
Ici, un chômeur de la « France périphérique » nous partage, au gré de ses pérégrinations, les nombreux tourments auxquels ont fait face ceux qui ne correspondaient pas aux critères établis par l’administration nazie et qui souhaitaient fuir vers des contrées plus accueillantes.
On peut saluer la bonne idée de l’auteur de ne pas sombrer dans la facilité. En effet, avec un sujet qui attire majoritairement la sympathie chez le lecteur, Benoît Séverac aurait pu produire une histoire linéaire, pleine de bons sentiments.
Il n’en est rien : l’histoire s’ouvre sur une garde-à-vue dans un commissariat borgne en Israël ; les grands-parents idéalisés du héros, reconnus et décorés pour faits de résistance ont peut-être « vendu » un peintre juif.
Stéphane, le personnage principal, est vite relâché. Il rentre alors en France et fait le bilan : il n’a pas d’emploi, son mariage bat de l’aile, le tableau qui le reliait au passé héroïque de ses grands-parents, et seul bien de valeur en sa possession, a été saisi.
Un constat s’impose : il doit résoudre le problème qui lui est posé : « Comment un peintre reconnu mort en déportation en décembre 1943 a-t-il pu céder une œuvre en main propre en janvier ou février 1944 ? »
A ses yeux, seule la réponse à cette question lui permettra d’avancer dans sa vie personnelle. Dès lors, Stéphane va suivre la trace des personnes qu’auraient aidé ses grands-parents à faire passer le peintre en Espagne. Il va retracer les réseaux de Résistance des deux côtés des Pyrénées. Dès qu’un témoignage vient à confirmer la bonne conduite de ses aïeux, une autorité vient certifier le décès du peintre dans les Camps.
Stéphane dépense ses dernières économies pour comprendre comment un couple a pu être présent à deux endroits en même temps, à la fois vivant et décédé, un couple de « Schrödinger » en quelque sorte.
Ses recherches le font alterner entre espoir et désespoir et le plongent dans une incompréhension totale.
Le dénouement est surprenant et très bien amené. Notons que l’auteur ne sombre jamais dans le pathos. Ce livre se dévore d’une traite ; Benoît Séverac parvient à captiver son lecteur de bout en bout.
La postface apporte une conclusion inattendue : cette œuvre est inspirée du passé familial de l’auteur.
Paru en poche le 7 septembre 2023
chez 10/18 Polar
336 pages | 8,60€