Une centaine de pages seulement, mais une écriture précise et efficace qui confère au nouveau roman de Jacques Chessex un pouvoir d’évocation aussi remarquable que troublant. Début d’une sélection noire pour l’été! Bonne lecture!
Janvier 1903, dans le Haut-Jorat vaudois, une sanglante et morbide affaire criminelle défraye la chronique. La fille du juge de paix meurt à vingt ans d’une méningite et est enterrée en grande pompe. Mais la stupéfaction est à son comble quand, quelques jours plus tard, on découvre son cercueil ouvert, son corps profané, mutilé, violé !
Retour des peurs, des superstitions, des suspicions aussi dans ces montagnes coupées du monde par les épaisses forêts de pins et les interminables neiges hivernales.
Le « monstre », qui récidivera à plusieurs reprises, est traqué en vain jusqu’à l’arrestation d’un garçon de ferme au profil de « coupable idéal ». Le jeune Favez, dont la courte existence est à elle seule une sorte de concentré de la maltraitance enfantine, est finalement condamné à perpétuité et confié à l’institution psychiatrique avant de s’évader en 1915…
En s’appuyant sur un fait-divers réel, Jacques Chessex, prix Goncourt 1973 avec L’ogre, propose un court texte qui, avec une économie de mots qui n’a d’égale que leur choix minutieux, restitue brillamment l’atmosphère d’un lieu et d’une époque troubles. Peurs ancestrales, fantasmes étranges, ignorance crasse et misère humaine sont intimement imbriquées pour donner naissance à la « légende » du vampire de Ropraz et de ses crimes abominables.
A son corps défendant, le lecteur se délecte de sa prose morbide ponctuée d’un épilogue si extraordinaire qu’il justifierait à lui seul l’invention du poncif journalistique le plus éculé évoquant « la réalité dépassant la fiction ». On n’oubliera pas toutefois que c’est bien un roman que signe Jacques Chessex et non un récit…
90 pages – Livre de Poche