Après La disparue de Noël, Anne Perry nous livre un récit policier aux allures de conte moral. Une nouvelle tradition victorienne…
Couverture avec le papa Noël sur fond vert sapin. Livre en tête de gondole autour du 25 décembre. Petite phrase « A ceux qui veulent donner le meilleur d’eux-mêmes » en début de livre. On était pourtant prévenus…
Nous sommes en décembre 1850, dans un grand domaine de la région des lacs en Angleterre appartenant à Judah Dreghorn et Antonia, sa femme. Les frères Dreghorn doivent se réunir pour les fêtes mais voilà qu’avant l’arrivée de la petite famille, Judah est retrouvé noyé dans les eaux glacées de la rivière passant à proximité de sa propriété. Chute ? Crime ? En détresse, Antonia demande alors à son parrain Henry Rathbone de venir la soutenir dans cette épreuve. Dévoué et homme plein de bonté, il se charge d’annoncer à la famille qui arrive de part le monde la triste nouvelle et entreprend parallèlement d’enquêter sur la mort de Judah qui lui paraît suspecte. Le feu Judah, juge de profession et homme d’honneur, est accusé par Ashton Gower d’avoir rendu un mauvais jugement dans le simple but de déshériter ce dernier et d’acheter à moindre coût la propriété. Ashton vient de sortir de onze années de prison prononcées par le juge Dreghorn… La sortie de prison d’Ashton et la mort de Judah sont elles liées ?
Même si le récit est plutôt réussi, alliant descriptions rurales hivernales et enquêtes diverses dans plusieurs lieux, l’ensemble reste assez léger. Le livre mériterait 100 ou 200 pages de plus afin d’affiner les portraits des personnages et surtout les relations entre eux. Si l’on sent quelques affinités entre certains, le réseau demeure superficiel et seulement descriptif. Henry est balancé entre intrigue policière et affectivité mais ne convainc ni par l’un des aspects ni par l’autre. Chargé d’accueillir les invités et de décrire au lecteur l’identité de chaque personnage, Henry ne peut faire démarrer l’intrigue que tardivement et quand on sent que le huis clos du domaine pourrait prendre des allures de dix petits nègres, le cercle familial étant en proie aux doutes et aux tensions, tout est déjà fini… Le suspense n’est pas vraiment de mise, le réseau familial peu exploité… Le crime est tissé autour d’un réseau d’actes notariés et de jugements…
On est finalement davantage dans un petit conte moral de la bourgeoisie victorienne que dans une affaire de grand détective. En somme plus proche d’un roman que d’un policier. Ce qui permet à Anne Perry de nous lancer des petites leçons de morale qui font toujours du bien en période de Noël et de bonnes résolutions, comme ce petit paragraphe sur le déni : « Nombreux sont ceux qui refusent de reconnaître qu’eux-mêmes, ou ceux qu’ils aiment, puissent commettre une erreur ou être les propres artisans de leur malheur. A court terme, il paraît plus simple de blâmer autrui, de laisser la colère et l’orgueil vous enfermer dans le déni. Certains y vivent à tout jamais. D’autres reconnaissent leur part une fois que toute vengeance s’est révélée impuissante à guérir la faiblesse qui les a précipités dans leur chute. Plus on persiste à adresser des reproches à autrui, plus il devient difficile de revenir en arrière, tant et si bien que tout l’édifice de ce à quoi l’on croit repose sur un mensonge, et que le démontrer équivaudrait à se détruire soi-même. » Amen !
Le voyageur de Noël est donc un livre plutôt agréable à lire mais décevra les amateurs de policiers et d’Anne Perry. Nous sommes loin des enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt. En somme une bonne tisane de Noël à boire rapidement en attendant Le visiteur de Pâques…